LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 82
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LA BIBLE EXPLIQUÉE.
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ANCIEN TESTAMENT.
(Partie 82)
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ROIS.
LIVRE II.
David assembla de nouveau (Chapitre VI. v. 1.) toute l'élite au nombre de trente mille hommes, et alla, accompagné de tout le peuple de Juda, pour amener l'arche de Dieu sur laquelle on invoque le Dieu des armées qui s'assied sur l'arche et sur les chérubins. On mit donc l'arche de Dieu sur une charrette toute neuve, et ils prirent l'arche qui était au bourg de Gabaa, dans la maison d'Abinadab... ; et les enfants d'Abinadab, nommés Oza et Ahio, conduisirent la charrette qui était toute neuve... ; mais lorsqu'on fut arrivé près de la grange de Nachon, les bœufs s'empêtrèrent, et firent pencher l'arche. Oza la retint en y portant la main. La colère de Dieu s'alluma contre Oza ; Dieu le frappa à cause de sa témérité. Oza tomba mort sur la place devant l'arche de Dieu...
Alors David craignit Dieu dans ce jour, disant : Comment l'arche de Dieu entrera-t-elle chez moi ?
Et on la fit entrer dans la maison d'un Géthéen, nommé Obed-Edom (1).
Après cela, David battit les Philistins (Chapitre VIII, v.1.), et les humilia, et il affranchit le peuple d'Israël...
Et il défit aussi les Moabites ; et les ayant vaincus, il les fit coucher par terre et mesurer avec des cordes. Une mesure de corde était pour la mort, et une autre était pour la vie, et Moab fut asservi au tribut.
David défit aussi Adarézer, roi de Soba en Syrie. Il lui prit sept cents cavaliers et vingt mille hommes de pied. Il coupa les jarrets à tous les chevaux des chariots, et n'en réserva que pour cent chariots.
Les Syriens de Damas vinrent au secours d'Adarézer, roi de Soba, et David en tua vingt-deux mille... La Syrie entière lui paya tribut ; il prit les armes d'or des officiers d'Adarézer, et les porta à Jérusalem (2)...
Et en revenant de Syrie il tailla en pièces dix-huit mille hommes dans la vallée des Salines... et les enfants de David étaient prêtres (3)...
1 - L'auteur sacré, qui était sans doute un prêtre, recommence ici à parler des choses qui sont de son ministère. Il dit que le Dieu des armées est assis sur l'arche et sur des chérubins. Cette arche, quoique divine, ne devait pas tenir une grande place, puisqu'elle n'occupait qu'une simple charrette, laquelle devait être fort étroite, puisqu'elle passait par les défilés qui règnent de la montagne de Gabaa à la montagne de Jérusalem. On ne conçoit pas comment des prêtres ne l'accompagnaient pas, et comment on ne prit pas toutes les précautions nécessaires pour l'empêcher de tomber. On comprend encore moins pourquoi la colère de Dieu s'alluma contre le fils aîné de celui qui avait gardé l'arche si longtemps dans sa grange, ni comment cet Oza fut puni de mort subite pour avoir empêché l'arche de tomber.
Les incrédules révoquent en doute ce fait, qu'ils prétendent être injurieux à la bonté divine. Il leur paraît que, s'il y avait quelqu'un de coupable, c'étaient les lévites qui abandonnaient l'arche, et non pas celui qui la soutenait. Le lord Bolingbroke conclut qu'il est évident que tout cela fut écrit par un prêtre qui ne voulait pas que d'autres que des prêtres pussent jamais toucher à l'arche. On la mit pourtant dans la grange d'un laïque nommé Obed-Edom, et encore ce laïque pouvait être un Philistin.
Ces commencements grossiers du règne de David prouvent que le peuple juif était encore aussi grossier que pauvre, et qu'il ne possédait pas encore une maison assez supportable pour y déposer l'objet de son culte avec quelque décence.
Nous convenons que ces commencements sont très grossiers. Nous avons remarqué que ceux de tous les peuples ont été les mêmes, et que Romulus et Thésée ne commencèrent pas plus magnifiquement. Ce serait une chose très curieuse de bien voir par quels degrés les Juifs, parvinrent à former comme les autres peuples, des villes, des citadelles, et à s'enrichir par le commerce et par le courtage. Les historiens ont toujours négligé ces ressorts du gouvernement, parce qu'ils ne les ont jamais connus ; ils s'en sont tenus à quelques actions des chefs de la nation, et ont noyé ces actions, toujours ridiculement exagérées, dans des fatras de prodiges incroyables : c'est ce que dit positivement le lord Bolingbroke. Nous soumettons ces idées à ceux qui sont plus éclairés que lui et que nous.
2 - On est bien étonné que David, après la conquête de Jérusalem, ait payé encore tribut aux Philistins, et qu'il ait fallu de nouvelles victoires pour affranchir les Juifs de ce tribut. Cela prouve que le peuple était encore un très petit peuple.
La manière dont David traite les Moabites ressemble à la fable qu'on a débitée sur Busiris, qui faisait mesurer ses captifs à la longueur de son lit. On leur coupait les membres qui débordaient, et on allongeait par des tortures les membres qui n'était pas assez longs. L'horrible cruauté de David fait de la peine à dom Calmet : "Cette exécution, dit-il, fait frémir ; mais les lois de la guerre de ces temps-là permettaient de tuer les captifs."
Nous osons dire à dom Calmet qu'il n'y avait point de lois de la guerre ; que les Juifs en avaient moins qu'aucun peuple, et que chacun suivait ce que sa cruauté ou son intérêt lui dictait. On ne voit pas même que jamais des peuples ennemis des Juifs les aient traités avec une barbarie qui approche de la barbarie juive ; car lorsque les Amalécites prirent la bourgade Cicelg, où David avait laissé ses femmes et ses enfants, il est dit qu'ils ne tuèrent personne, ils ne mesurèrent point les captifs avec des cordes, et ne firent point périr dans les supplices ceux dont les corps ne s'ajustaient pas avec cette mesure.
Plusieurs savants nient formellement ces victoires de David en Syrie et jusqu'à l'Euphrate. Ils disent qu'il n'en est fait aucune mention dans les histoires ; que si David avait étendu sa domination jusqu'à l'Euphrate, il eût été un des plus grands souverains de la terre. Ils regardent comme une exagération insoutenable ces prétendues conquêtes du chef d'une petite nation, maîtresse d'une seule ville qui n'était pas même encore bâtie.
Comme nous n'avons que des Juifs qui aient écrit l'histoire juive, et que les historiens orientaux qui auraient pu nous instruire sont perdus, nous ne pouvons décider sur cette question. Il n'est pas improbable que David ait fait quelques courses jusque auprès de Damas.
3 - Des commentateurs que Calmet a suivis prétendent que prêtres signifie princes. Il est plus probable que David voulut joindre dans sa maison le sacerdoce avec l'empire ; rien n'est plus politique. Au reste, ces mots étaient prêtres n'ont aucun rapport avec ce qui précède, et ce qui suit : c'est une marque assez commune de l'inspiration. (Voltaire.) - Munk ne croit pas au sacerdoce des fils de David ; il ne voit dans le mot cohên (prêtre) qu'un simple titre honorifique. (G.A.)