LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 78
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LA BIBLE EXPLIQUÉE.
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ANCIEN TESTAMENT.
(Partie 78)
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ROIS.
LIVRE PREMIER.
David s'enfuit donc (chapitre XXII, v. 1.), et tous les gens qui étaient mal dans leurs affaires, chargés de dettes, et d'un naturel amer, s'assemblèrent autour de lui dans la caverne d'Odollam ; et il fut leur prince.
Or il y avait dans le désert de Maon (chapitre XXV, v. 2.) un homme très riche, nommé Nabal, qui possédait sur le Carmel trois mille brebis et mille chèvres ; et il fit tondre ses brebis sur le mont Carmel. Sa femme Abigaïl était prudente et fort belle à voir. David envoya dix de ses gens à Nabal lui dire : Nous venons dans un bon jour ; donnez à vos servitudes et à votre fils David le plus que vous pourrez. Nabal répondit : Qui est ce David ? On ne voit que des serviteurs qui fuient leur maître ; vraiment oui ! j'irai donner mon pain, mon eau et mes moutons à des gens que je ne connais pas (1).
Alors David dit à ses garçons : Que chacun prenne son épée. Et David prit aussi ses épées ; et il marcha vers Nabal avec quatre cents soldats, et en laissa deux cents au bagage.
Mais la belle Abigaïl prit deux cents pains, deux outres de vin, cinq moutons cuits, cinq boisseaux de farine d'orge, cent paquets de raisins secs, et deux cents cabas de figues, et les mit sur des ânes.
Abigaïl, ayant aperçu David, descendit aussitôt de son âne, tomba sur sa face devant David, l'adora, et lui dit : Que ces petits présents apportés à monseigneur par sa servante pour lui et pour ses garçons, soient reçus avec bonté de monseigneur... David lui répondit : Sois bénie toi-même ; car sans cela, vive Dieu ! si tu n'étais venue promptement, Nabal ne serait pas en vie (chapitre XXV, v. 34.), et il ne serait pas resté un de ses gens qui pût pisser contre les murailles.
Or, dix jours après, le Seigneur frappa Nabal, et il mourut... Abigaïl monta vite sur son âne avec cinq servantes à pied, et David l'épousa le jour même (2).
David épousa aussi Achinoam ; et l'une et l'autre furent ses femmes.
Saül, voyant cela, donna sa fille Michol, femme de David, à Phalti.
David s'en alla avec six cents hommes (Chapitre XXVII, v. 2.) chez Achis, Philistin, roi de Geth. Achis lui donna la ville de Ciceleg ; et David demeura dans le pays des Philistins un an et quatre mois... Il faisait des courses avec ses gens sur les alliés d'Achis à Gessuri, à Gerzi, sur les Amalécites. Il tuait tout ce qu'il rencontrait (idem, v. 9.), sans pardonner ni à homme ni à femme, enlevant brebis, bœufs, ânes, chameaux, meubles, habits, et revenait vers Achis (3).
Et lorsque le roi Achis lui disait : Où as-tu couru aujourd'hui ? David lui répondait : J'ai couru au midi vers Juda... Or David ne laissait en vie (idem, v. 11.) ni homme ni femme, disant : Je les tue, de peur qu'ils ne parlent contre nous.
Achis se fiait donc à lui, disant : Il fait bien du mal à Israël, il me sera toujours fidèle...
1 - M. Huet de Londres déclare la conduite de David insoutenable ; il ose le comparer à un capitaine de bandits qui a ramassé six cents coupe-jarrets, et qui court les champs avec cette troupe de coquins, ne distinguant ni amis ni ennemis, rançonnant, pillant tout ce qu'il rencontre. Mais cette expédition n'est pas approuvée dans la sainte Écriture : l'auteur sacré ne lui donne ni louange ni blâme ; il raconte le fait simplement.
2 - M. Huet continue, et dit que si on avait voulu écrire l'histoire d'un brigand, d'un voleur de grand chemin, on ne s'y serait pas pris autrement ; que ce Nabal, qui après avoir été pillé, meurt au bout de peu de jours, et David qui épouse sur-le-champ sa veuve, laissent de violents soupçons. Si David, dit-il, a été selon le cœur de Dieu, ce n'est pas dans cette occasion.
Nous confessons qu'aujourd'hui une telle conduite ne serait point approuvée dans un oint du Seigneur. Nous pouvons dire que David fit pénitence, et que cette aventure fut compris dans les sept Psaumes pénitentiaux implicitement. Nous n'osons prétendre que David fût impeccable.
3 - M. Huet remarque que d'abord David contrefit le fou et l'imbécile devant le roi Achis, chez lequel il s'était réfugié. Ce n'est pas une excellente manière d'inspirer la confiance à un roi qu'on se propose de servir à la guerre ; mais la manière dont David sert ce roi son bienfaiteur est encore plus extraordinaire : il lui fait accroire qu'il fait des courses contre les Israélites, et c'est contre les propres amis de son bienfaiteur qu'il fait ces courses sanguinaires ; il tue tout, il extermine tout, jusqu'aux enfants, de peur, dit-il, qu'ils ne parlent. Mais comment ce roi pouvait-il ignorer que David combattait contre lui-même sous prétexte de combattre pour lui ? Il fallait que ce roi Achis fût plus imbécile que David n'avait feint de l'être devant lui. M. Huet déclare David et Achis également fous, et David le plus scélérat de tous les hommes. Il aurait dû, dit-il, parler de cette action abominable dans ses Psaumes.
On peut répondre à M. Huet que David, dans cette guerre civile, ne portait pas au moins le ravage chez ses compatriotes ; qu'il ne trahissait et qu'il n'égorgeait que ses alliés, lesquels étaient des infidèles.
Il y a aussi des commentateurs éclairés qui, regardant David comme l'exécuteur des vengeances de Dieu, l'absolvent de tout péché dans cette occasion.