LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 74

Publié le par loveVoltaire

LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 74

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LA BIBLE EXPLIQUÉE.

 

 

 

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ANCIEN TESTAMENT.

 

 

 

(Partie 74)

 

 

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ROIS.

 

 

 

LIVRE PREMIER.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Et il marcha à la ville d'Amalec, et il dressa des embuscades le long du torrent...

 

      Et Saül frappa Amalec depuis Hévila jusqu'à Sur, vis-à-vis de l'Égypte, et il prit vif Agag, roi des Amalécites, et tua tout le peuple dans la bouche du glaive... Mais Saül et les Israélites épargnèrent Agag et l'élite des brebis, des bœufs, des béliers, et de ce qu'il y avait de plus beau en meubles et en vêtements ; ils ne démolirent que ce qui parut vil et méprisable (1)...

 

      Alors le Verbe du Seigneur fut fait à Samuel, disant : Je me repens d'avoir fait Saül roi, parce qu'il m'a abandonné. Samuel en fut enflammé, et cria au Seigneur toute la nuit.

 

      Donc s'étant levé avant le jour pour aller chez Saül au matin, on lui annonça que Saül était venu sur le mont Carmel, où il s'érigeait un monument, un four triomphal, et que de là il était descendu à Galgal. Samuel vint donc à Saül, et Saül offrait au Seigneur un holocauste des prémices du butin pris sur Amalec.

 

      Samuel lui dit : Le Seigneur t'a oint roi sur Israël ; le Seigneur t'a mis en voie, et t'a dit : Va, tue tous les pécheurs amalécites, et combats jusqu'à ce que tout soit tué : pourquoi donc n'as-tu pas tout tué (2) ? Obéissance vaut mieux que victime ; il y a de la magie et de l'idolâtrie à ne pas obéir : ainsi donc, puisque tu as rejeté la parole de Dieu, Dieu te rejette et ne veut plus que tu sois roi (3)...

 

      Et Samuel se retourna pour s'en aller... ; mais Saül le prit par le haut de son manteau, qu'il déchira.

 

      Et Samuel dit : Comme tu as déchiré mon manteau, Dieu déchire aujourd'hui le royaume d'Israël, et le donne à un autre qui vaut mieux que toi... Saül lui dit : J'ai péché ; mais au moins rends-moi quelque honneur devant les anciens du peuple...

 

      Samuel dit : Qu'on m'amène Agag, roi d'Amalec. Et on lui amena Agag, qui était fort gras et tout tremblant ; et Samuel lui dit : Comme ton épée a ravi des enfants à des mères, ainsi ta mère sera sans enfants parmi les femmes. Et il le coupa en morceaux à Galgal (4)...

 

 

 

 

 

 

1 - Toujours les mêmes objections sur ces prodigieuses armées, que le prétendu roi d'une horde d'esclaves lève en un moment. Les Turcs ont bien de la peine à conduire aujourd'hui une armée de quatre-vingt mille combattants complète. On demande encore ce que sont devenus les autres cent vingt mille soldats du Melch Saül, lesquels étaient venus combattre sans avoir une seule épée, une seule flèche. Tout à l'heure, dit le fameux curé Meslier, l'armée de Saül était de trois cent trente mille hommes ; et il ne lui en reste plus que deux cent dix mille ; le reste apparemment est allé conquérir le monde sur les pas de Sésostris.

 

Ces railleries indécentes du curé Meslier ne sont pas des raisons. Il était fort difficile de nourrir de si grandes armées dans un petit pays tel que la Judée : on était obligé de licencier ses troupes au bout de peu de jours : ainsi il ne serait pas surprenant que Saül eût été un jour suivi de trois cent mille hommes, et un autre de deux cent mille : il est vrai qu'il faut au moins quelques épées, quelques flèches à tant de soldats, et que selon le texte ils n'en avaient point ; mais ils pouvaient se servir de frondes et de massues.

 

2 - Les déclamations de lord Bolingbroke sur ce passage sont plus violentes que jamais. Si un prêtre, dit-il, avait été assez insolent et assez fou pour parler ainsi, je ne dis pas à notre roi Guillaume, mais au duc de Marlborough, on l'aurait pendu sur-le-champ au premier arbre. Samuel, ajoute-t-il, n'est point un prêtre de Dieu, c'est un prêtre du diable.

 

Toutes ces exclamations de tant de critiques parlent du même principe ; ils jugent les Juifs comme ils jugeraient les autres hommes. "Pourquoi n'as-tu pas tout tué ?" serait ailleurs un discours infernal ; mais ici c'est Dieu qui parle par la bouche de Samuel ; et il est sans doute le maître de punir comme il veut, et quand il veut.

 

Les incrédules insistent : ils disent qu'il n'est que trop vrai qu'on s'est toujours servi du nom de Dieu pour excuser, si l'on pouvait, les crimes des hommes. Ils ont raison quand ils parlent des autres religions ; mais ils ont tort quand il s'agit de la religion juive. Il leur semble absurde que Dieu ordonne qu'on tue toutes les brebis et tous les ânes ; mais on leur dira toujours que ce n'est pas à eux de juger la Providence.

 

3 - La querelle entre le sceptre et l'encensoir, qui a troublé si longtemps tant de nations, est ici bien marquée, nous ne pouvons en disconvenir. Samuel dit au roi que sa désobéissance aux ordres que ce prince a reçus de lui, de la part de Dieu, est aussi coupable que le seraient la magie et l'idolâtrie ; et il déclare à Saül : Dieu ne veut plus que tu règnes. C'est une question épineuse si Saül devait l'en croire sur sa parole.

 

M. Fréret prétend que Saül pouvait lui dire : Donne-moi un signe, fais-moi un miracle, pour me prouver que Dieu veut me détrôner, comme tu me donnas un signe quand tu me fis oint ; tu me fis alors retrouver mes ânesses ; fais au moins quelque chose de semblable.

 

Les commentateurs sont d'une autre opinion : ils disent que dès qu'un prophète a donné une fois un signe, il n'est pas obligé d'en donner d'autres.

 

4 - Plusieurs personnes excusent les emportements du lord Bolingbroke quand ils lisent ce passage. Un prêtre, un ministre de paix, un homme qui serait souillé pour avoir touché seulement un corps mort, couper un roi en morceaux comme on coupe un poulet à table ! Faire de sa main ce qu'un bourreau tremblerait de faire ! Il n'y a personne que la lecture de ce passage ne pénètre d'horreur. Enfin, quand on est revenu du frissonnement qu'on a éprouvé, on est tenté de croire que cette abomination est impossible ; un vieillard tel que Samuel aura eu difficilement la force de hacher en pièces un homme.

 

Calmet dit que "le zèle arma Samuel dans cette occasion pour venger la gloire du Seigneur." il veut dire apparemment la justice. Peut-être qu'Agag avait mérité la mort ; car quelle gloire peut revenir à Dieu de ce qu'un prêtre coupe un souverain en morceaux ? Nous tremblons en examinant cette barbarie absurde: adorons la Providence sans raisonner. (Voltaire.) - Voyez au Théâtre le drame de SAUL. (G.A.)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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