LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 73
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LA BIBLE EXPLIQUÉE.
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ANCIEN TESTAMENT.
(Partie 73)
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ROIS.
LIVRE PREMIER.
(Chapitre XIV, v. 1.) Un certain jour il arriva que Jonathas, fils de Saül, dit à son écuyer : Viens-t'en avec moi, et passons jusqu'au camp des Philistins. Et il n'en dit rien à son père... Jonathas monta, grimpant des pieds et des mains, et son écuyer derrière lui... De façon qu'une partie des ennemis tomba sous la main de Jonathas ; et son écuyer, qui le suivait, tua les autres. Ils tuèrent vingt hommes dans la moitié d'un arpent ; et ce fut la première défaite des Philistins (1).
Et les Israélites se réunirent. Saül fit alors ce serment : Maudit sera l'homme qui aura mangé du pain de toute la journée, jusqu'à ce que je me sois vengé de mes ennemis. Et le peuple ne mangea point de pain...
En même temps, ils vinrent dans un bois où la terre était couverte de miel. Or, Jonathas n'avait pas entendu le serment de son père ; il étendit sa verge qu'il tenait en main, et la trempa dans un rayon de miel ; et l'ayant portée à sa bouche, ses yeux furent illuminés (2).
Saül consulta donc le Seigneur, et lui dit : Poursuivrai-je les Philistins ? et les livreras-tu entre les mains d'Israël dans ce jour ? Et Dieu ne répondit point...
Et Saül dit au Seigneur : Seigneur d'Israël ! prononce ton jugement ; pourquoi n'as-tu pas répondu aujourd'hui à Ton serviteur ? Découvre-nous si l'iniquité est dans moi ou dans mon fils Jonathas ; et si l'iniquité est dans le peuple, donne la sainteté... Jonathas fut découvert aussi bien que Saül, et le peuple échappa... Et Saül dit : Qu'on jette le sort entre moi et mon fils. Et le sort prit Jonathas.
Saül dit à Jonathas : Dis-moi ce que tu as fait ? Jonathas répondit : En tatant, j'ai tâté un peu de miel au bout de ma verge ; et voilà que je meurs (3).
Et le peuple dit à Saül : Quoi ! Jonathas mourra, lui qui a fait le grand salut d'Israël ! cela n'est pas permis. Vive Dieu ! il ne tombera pas un poil de sa tête. Ainsi le peuple sauva Jonathas, afin qu'il ne mourût point (3)...
Après cela, Saül se retira ; il ne poursuivit point les Philistins, et les Philistins se retirèrent en leur lieu...
Et Samuel dit à Saül (Chapitre XV, v.1.) : Le Seigneur m'a envoyé pour t'oindre en roi sur le peuple d'Israël ; écoute donc maintenant la voix du Seigneur ; voici ce que dit le Seigneur des armées :Je me souviens qu'autrefois Amalec s'opposa à Israël dans son chemin quand il s'enfuyait d'Égypte ; c'est pourquoi marche contre Amalec, frappe Amalec, et détruis tout ce qui est à lui ; ne lui pardonne point, ne convoite rien de tout ce qui lui appartient ; tue tout, depuis l'homme jusqu'à la femme (Chapitre XV, v . 3.), et le petit enfant qui tête le bœuf, la brebis, le chameau et l'âne. Donc Saül commanda au peuple ; et l'ayant assemblé comme des agneaux, il trouva deux cent mille hommes de pied et dix mille hommes de Juda...
1 - Ce combat de deux hommes, qui n'ont qu'une lance et une épée, contre toute une armée, est fort extraordinaire ; mais aussi le texte nous apprend qu'il y avait du miracle ; et nous devons nous souvenir que Samson tua mille Philistins avec une mâchoire d'âne dans le commencement de sa servitude.
2 - Boulanger ne peut digérer ce serment de Saül. L'Écriture, dit-il, nous le donne pour un homme attaqué de manie : il était, sans doute, dans un de ses accès quand il défendit à ses soldats de manger de toute la journée. La critique de Boulanger tombe à faux : car Saül n'était pas encore fou alors : il ne le devint que quelque temps après.
La terre couverte de miel a paru à d'autres critiques une trop grande exagération. Les abeilles ne font leurs ruches que dans des arbres. Les voyageurs assurent qu'il n'y a aucun arbre dans cette partie de la Palestine, excepté quelques oliviers dans lesquels les abeilles ne logent jamais. Cette critique ne regarde que l'histoire peut avoir trouvé une ruche dans le chêne de Mambré, qui subsistait encore du temps de Constantin, à ce qu'on dit. (Voltaire.) - Il s'agit ici du miel sauvage qu'on trouve, non-seulement dans les arbres, mais aussi dans le creux des rochers. (G.A.)
3 - Cette résolution de Saül, d'immoler son fils pour avoir mangé un peu de miel, a quelque chose de semblable au serment de Jephté, qui fut forcé de sacrifier sa fille. Saül dit en propres mots à son fils : Que Dieu me fasse tout le mal possible, et qu'il y ajouta encore, si tu ne meurs aujourd'hui , mon fils Jonathas.
Les savants allèguent encore cet exemple, pour prouver qu'il était très commun d'immoler des hommes à Dieu. Mais les exemples de Saül et de Jephté ne concluent pas que les Juifs fissent si souvent des sacrifices de sang humain.
4 - On demande pourquoi le peuple n'empêcha pas Jephté d'immoler sa fille, comme il empêcha Saül d'immoler son fils. Nous n'en savons pas bien précisément la raison ; mais nous oserons dire que le peuple, ayant mangé ce jour-là de la chair et du sang malgré la défense, craignait apparemment que le sort ne tombât sur lui comme il était tombé sur Jonathas, et qu'il devait être très en colère contre Saül, qui avait été assez imprudent pour défendre à ses troupes de reprendre un peu de forces un jour de combat.
5 - La foule des critiques ne parle de ce passage qu'avec horreur. Quoi ! s'écrie surtout le lord Bolingbroke, faire descendre le Créateur de l'univers dans un coin ignoré de ce misérable globe, pour dire à des Juifs : A propos, je me souviens qu'il y a environ quatre cents ans qu'un petit peuple vous refusa le passage ; allons, vous avez une guerre terrible avec vos maîtres les philistins, contre lesquels vous vous êtes révoltés, laissez là cette guerre embarrassante ; allez-vous-en contre ce petit peuple, qui ne voulut pas autrefois que vous vinssiez tout ravager chez lui en passant ; tuez hommes, enfants, vieillards, femmes, filles, bœufs, vaches, chèvres, brebis, ânes ; car, comme vous êtes en guerre avec le peuple puissant des Philistins, il est bon que vous n'ayez ni bœufs ni moutons à manger, ni ânes pour porter le bagage.
Ces paroles nous font frémir ; et assurément si c'était un homme qui parlât, nous ne l'approuverions point : mais c'est Dieu qui parle ; et ce n'est pas à nous de savoir quelle raison il avait pour ordonner qu'on tuât tous les Amalécites, leurs moutons et leurs ânes.