LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 70
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LA BIBLE EXPLIQUÉE.
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ANCIEN TESTAMENT.
(Partie 70)
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ROIS.
LIVRE PREMIER.
(Chapitre X, v. 1.) Or Samuel prit une petite fiole d'huile, et il la répandit sur la tête de Saül, et le baisa, et dit : Voilà que le Seigneur t'a oint en prince ; et tu délivreras son peuple de la main de ses ennemis (1).
Et voici le signe qui t'apprendra que Dieu t'a oint en prince. Tu rencontreras, en t'en retournant, deux hommes près du sépulcre de Rachel ; et ils te diront qu'on a retrouvé tes ânesses... Tu viendras après à l'endroit nommé Colline de Dieu, où il y a garnison philistine ; et quand tu seras entré dans le bourg, tu rencontreras un troupeau de prophètes descendant de la montagne avec des psaltérions, des flûtes, et des harpes... Et l'esprit du Seigneur tombera sur toi, et tu prophétiseras avec eux, et tu seras changé en un autre homme... Et lorsque Saül fut venu à la colline, il rencontra une troupe de prophètes ; et l'esprit de Dieu tomba sur lui, et il prophétisa au milieu d'eux. Et tous ceux qui l'avaient vu hier et avant-hier, disaient : Qu'est-il donc arrivé au fils de Cis ? Saül est-il devenu prophète (2) ?
Après cela, Samuel assembla le peuple à Masphath, et il dit aux enfants d'Israël : Voici ce que dit le Seigneur Dieu d'Israël : J'ai tiré Israël de l'Égypte... Mais aujourd'hui vous avez rejeté votre Dieu, qui seul vous avait sauvés ; vous m'avez répondu, Non ; vous m'avez dit : Donnez-nous un roi. Eh bien : présentez-vous donc devant le Seigneur par tribus et par familles...
Et Samuel ayant jeté le sort sur toutes les tribus et sur toutes les familles, il tomba enfin jusque sur Saül, fils de Cis (3).
Samuel prononça ensuite devant le peuple la loi du royaume, qu'il écrivit dans un livre, et la mit en dépôt devant le Seigneur (4).
1 - Le savant dom Calmet examine d'abord si l'huilier que Samuel avait dans sa poche était un pot de terre, un godet, ou une fiole de verre, quoique les Juifs ne connussent point le verre, et il ne résout point cette question.
Non-seulement Samuel a une révélation que les ânesses de Saül sont retrouvées, mais il répand une bouteille d'huile sur la tête de Saül en signe de sa royauté ; et c'est de là que tout roi juif s'est depuis nommé Oint, Christ, dans les traductions grecques, et que les Juifs ont appelés les grands rois de Babylone et de Perse, du nom d'Oint, de Christ, d'Oint du Seigneur, Christ du Seigneur.
Il est dit dans le Lévitique, qu'Aaron, tout prévaricateur, tout apostat qu'il était, fut oint par Mosé en qualité de grand-prêtre. Il se peut en effet que dans le désert, au milieu d'une disette affreuse, on eût trouvé une cruche d'huile que Mosé répandit sur les cheveux, la barbe et les habits d'Aaron : cette cérémonie convenait à un peuple pauvre, et puisque le Dieu du ciel et de la terre y présidait, elle était sacrée. Les grands-pères juifs furent installés depuis avec la même onction d'huile. Toute cérémonie doit être publique ; Samuel pourtant n'huila pas d'abord la tête de Saül devant le peuple ; il crut apparemment qu'il ne pouvait imprimer un caractère plus auguste à Saül qu'en l'oignant de la même huile dont on prétend que lui Samuel avait été oint : cependant il n'est point dit que Samuel fut oint.
Quoiqu'il en soit, les rois juifs furent les seuls qui reçurent cette marque de la royauté. On ne connaît dans l'antiquité aucun prince oint par ses sujets. On prit cette coutume en Italie ; et l'on croit que ce furent les usurpateurs lombards qui, devenus chrétiens, voulurent sanctifier leur usurpation en faisant répandre de l'huile sur leur tête par la main d'un évêque. Clovis ne fut pas oint, mais l'usurpateur Pépin le fut. On oignit quelques rois espagnols ; mais il y a longtemps que cet usage est aboli en Espagne.
On sait qu'un ange apporta du ciel une bouteille sainte pleine d'huile pour sacrer les rois de France ; mais l'histoire de cette bouteille, appelée sainte ampoule, est révoquée en doute par plusieurs doctes ; c'est une grande question.
2 - L'huile de Saül eut quelque chose de divin, puisqu'elle le rendit prophète tout d'un coup ; ce qui était bien au-dessus de la dignité de roi.
3 - Les critiques trouvent mauvais que Samuel oigne Saül roi et le fasse christ avant d'avoir assemblé le peuple et d'avoir obtenu son suffrage : s'il suffisait d'une bouteille d'huile pour régner, il n'y a personne qui ne pût se faire oindre roi par le vicaire de son village. Cette objection est forte en certains pays ; mais Samuel, qui était le voyant, savait bien que quand le peuple tirerait un roi au sort, le sort tomberait sur Saül, et qu'alors le peuple reconnaîtrait son légitime souverain déjà oint.
4 - Ils soutiennent encore que de jouer un roi aux dés (comme dit Boulanger) est une chose ridicule ; que le sort peut très aisément tomber sur un homme incapable ; qu'on n'a jamais tiré ainsi un monarque qu'au gâteau des Rois ; que chez les Grecs et chez les Romains on tirait aux dés un roi du festin, mais que dans une affaire sérieuse on devait procéder sérieusement. La réponse déjà faite à cette critique est que Dieu conduisait le sort, et qu'il disposait non-seulement du tirage, mais aussi de la volonté du peuple.