LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 59
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LA BIBLE EXPLIQUÉE.
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ANCIEN TESTAMENT.
(Partie 59)
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JUGES.
(Chapitre XVIII, v. 14.) Un lévite avec sa femme ne voulurent point passer par Jésus (qui fut depuis Jérusalem). Ils allèrent à Gabaa pour y demeurer ; et y étant entrés, ils s'assirent dans la place publique, et personne ne voulut leur donner l'hospitalité. Un vieillard les fit entrer dans sa maison; et donna à manger à leur âne ; et quand ils eurent lavé leurs pieds, il leur fit un festin...
Pendant le souper, il vint des méchants de la ville, gens sans frein, qui environnèrent la maison du vieillard, frappant à la porte et criant : Fais-nous sortir ce lévite, afin que nous en abusions. Le vieillard allant à eux leur dit : Mes frères, ne faites point ce mal ; cet homme est mon hôte ; ne consommez point cette folie ; j'ai une fille vierge, et cet homme a sa concubine avec lui : je vous les amènerai pour que vous les mettiez sous vous et que vous assouvissiez votre débauche (1) : seulement, je vous prie, ne commettez pas ce péché contre nature avec cet homme.
Or, le lévite, voyant qu'ils n'acquiesçaient pas à cette proposition, leur amena lui-même sa concubine ; il la mit entre leurs mains, et ils en abusèrent toute la nuit. Quand les ténèbres furent dissipées, la femme retourna à la porte de la maison et tomba par terre... Le lévite, s'étant levé pour continuer sa route, trouva sa femme surl e seuil, étendue et morte. Ayant reconnu qu'elle était morte, il la mit sur son âne, et s'en retourna à sa maison ; et étant venu chez lui, il prit un couteau et coupa le cadavre de sa femme en douze parts avec les os, et envoya douze parts aux douze tribus d'Israël (2)...
(Chapitre XX, v. 4) Alors tous les enfants d'Israël s'assemblèrent comme un seul homme, depuis Dan jusqu'à Bersabée, devant le Seigneur, à Maspha ; et ils envoyèrent des députés à toute la tribu de Benjamin pour leur dire : Pourquoi avez-vous souffert un si grand crime parmi vous ? Livrez-nous les hommes de Gabaa coupables, afin qu'ils meurent. Les Benjamites ne voulurent point écouter cette députation ; mais ils vinrent de toutes leurs villes en Gabaa pour la secourir, et combattre contre tout le peuple d'Israël. Il y avait vingt-cinq mille combattants de la tribu de Benjamin, outre ceux de Gabaa qui étaient sept cents hommes très vaillants... et les enfants d'Israël étaient quatre cent mille hommes portant les armes (3).
1 - L'histoire du lévite et de sa femme ne présente pas moins de difficultés. Elle est isolée comme la précédente, et rien ne peut indiquer en quel temps elle est arrivée. Ce qui est très extraordinaire, c'est qu'on y trouve une aventure à peu près semblable à une de celles qui sont consignées dans le Genèse, et c'est ce que nous allons bientôt examiner.
Le lévite qui arrive dans Gabaa, et avec qui les Gabaïtes ont la brutalité de vouloir consommer le péché contre nature, semble d'abord une copie de l'abomination des Sodomites qui voulurent violer deux anges. Nous verrons ces deux crimes infâmes punis, mais d'une manière différente. Le lord Bolingbroke en prend occasion d'invectiver contre le peuple juif, et de le regarder comme le plus exécrable des peuples. Il dit qu'il était presque pardonnable à des Grecs voluptueux, à de jeunes gens parfumés, de s'abandonner dans un moment de débauche à des excès très condamnables, dont on a horreur dans la maturité de l'âge ; mais il prétend qu'il n'est guère possible qu'un prêtre marié, et par conséquent ayant une grande barbe à la manière des Orientaux et des Juifs, arrivant de loin sur son âne, accompagné de sa femme, et couvert de poussière, pût inspirer des désirs impudiques à toute une ville. Il n'y a rien, selon lui, dans les histoires les plus révoltantes de toute l'antiquité, qui approche d'une infâmie si peu vraisemblable. Encore les deux anges de Sodome étaient dans la fleur de l'âge, et pouvaient tenter ces malheureux Sodomites.
Ici les Gabaïtes prennent un parti que les Sodomites refusèrent. Loth proposa ses deux filles aux Sodomites, qui n'en voulurent point : mais les Gabaïtes assouvissent leur brutalité sur la femme du prêtre, au point qu'elle en meurt. Il est à croire qu'ils la battirent après l'avoir déshonorée, à moins que cette femme ne mourût de l'excès de la honte et de l'indignation qu'elle dut ressentir ; car il n'y a point d'exemple de femme qui soit morte sur-le-champ de l'excès du coït.
La maison du lévite, dans laquelle le lévite ramena le cadavre sur son âne, était devers la montagne d'Ephraïm, et sa femme était du village de Bethléem ; on ne sait s'il rapporta sa femme à Bethléem ou à Ephraïm.
2 - L'idée d'envoyer un morceau du corps de sa femme à chaque tribu est encore sans exemple, et fait frémir. Il fallut donc envoyer douze messagers chargés de ces horribles restes. Mais où étaient alors ces douze tribus ? On croit que cette scène sanglante se passa pendant une des servitudes des Juifs.
Et puisque cette histoire du lévite est placée dans le canon après celle de Michas, il faut qu'elle soit du temps de la dernière servitude, qui dura quarante ans. Mais nous verrons dans ce système une difficulté presque insurmontable.
3 - Si cette aventure arriva durant la grande servitude de quarante ans, on est embarrassé de savoir comment les douze tribus s'assemblèrent, et comment leurs maîtres le souffrirent. C'était naturellement aux possesseurs du pays qu'on devait s'adresser pour punir un crime commis chez eux. C'est le droit de tous les souverains, dont ils ont été extrêmement jaloux dans tous les temps.
Le texte donne vingt-cinq mille combattants à la tribu de Benjamin, qui prit le parti des coupables, et quatre cent mille combattants aux onze autres tribus. En supposant la population égale, chaque tribu aurait eu trente-cinq mille quatre cent seize soldats. Et en ajoutant les vieillards, les femmes et les enfants, chaque tribu devait être composée de cent quarante-un mille six cent soixante et quatre personnes, qui font pour les douze tribus un million six cent quatre-vingt-dix-neuf mille neuf cent soixante et huit personnes.
Or, pour qu'on tînt en servitude un nombre si prodigieux d'hommes, parmi lesquels il y en avait quatre cent vingt-cinq mille en armes, il aurait fallu au moins huit cent mille hommes en armes pour les contenir. Et comment les maîtres laissent-ils des armes à leurs esclaves ? quand il est dit au livre des Rois, chapitre XIII, que les Philistins ne permettaient pas aux Juifs "d'avoir un seul forgeron, de peur qu'ils ne fissent des épées et des lances, et que tous les Israélites étaient obligés d'aller chez les Philistins pour faire aiguiser le soc de leurs charrues, leurs hoyaux, leurs cognées, et leurs serpettes."
Cette difficulté est grande. Nous ne dissimulons rien.