LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 55

Publié le par loveVoltaire

LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 55

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LA BIBLE EXPLIQUÉE.

 

 

 

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ANCIEN TESTAMENT.

 

 

 

(Partie 55)

 

 

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JUGES.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      A quoi elle répondit : Mon père, si tu as fait un vœu, fais-moi selon ton vœu, puisque cela t'a fait remporter la victoire sur tes ennemis ; je ne te demande qu'une grâce ; laisse-moi descendre sur les montagnes afin que je pleure ma virginité pendant deux mois avec mes compagnes... Jephté lui répondit : Va. Et elle alla pleurer sa virginité sur les montagnes. Et après deux mois elle revint chez son père ; et son père lui fit comme il avait voué, étant encore vierge. Et de là vient que la coutume est encore parmi les filles d'Israël, de s'assembler tous les ans, et de pleurer pendant quatre jours la fille de Jephté (1).

 

      ... Cependant les hommes d'Ephraïm se mirent à crier, et passèrent au septentrion, disant : Pourquoi, allant contre les Ammonites, ne nous a-t-on pas appelés ? Nous allons donc mettre le feu à ta maison... Jephté combattit donc contre Ephraïm ; et ceux de Galaad défirent ceux d'Ephraïm... Ils se saisirent des gués du Jourdain par où les Ephraïmites devaient s'enfuir. Et lorsqu'un Ephraïm, fuyant de la bataille, venait sur le bord de l'eau, et disait : Laissez-moi passer, je vous prie, on lui répondait : Prononce schiboleth ; et comme ils prononçaient siboleth, on les tuait aussitôt au passage du Jourdain. Et il y en eut quarante-deux mille de tués (2).

 

      ... Abdon, fils d'Illel de Pharathon, fut juge d'Israël,. Il eut quarante fils, et de ces fils trente petits-fils, qui montaient sur soixante et dix ânons...

 

 

1 - La fillede Jephté demande de pleurer sa virginité avant de mourir. C'était le plus grand malheur pour les filles de cette nation de mourir vierges ; de là vient qu'il n'y eut jamais de religieuses chez les Juifs. Le mot "descendre sur les montagnes" n'est qu'une faute de copiste, une inadvertance.

 

Les mots "il lui fit comme il avait voué," marquent trop clairement que le père immola sa fille. Il avait voué un holocauste.

 

Calmet traduit très infidèlement le texte par ces mots : "Elle demeura vierge :" il y a : "Étant encore vierge, ignorant l'homme." Cette faute est d'autant plus impardonnable à Calmet, que dans sa note il dit tout le contraire. La voici : "Il l'immola au Seigneur ; elle était encore vierge." Et dans sa dissertation sur le vœu de Jephté, il avoue que cette fille fut immolée.

 

Une raison non moins forte que Calmet devait alléguer, c'est que les filles juives pleurèrent tous les ans la fille de Jephté pendant quatre jours ; "et cette coutume dure encore," dit le texte. Or, certainement on n'aurait point pleuré tous les ans une fille qui n'aurait été qu'offerte au Seigneur, consacrée, religieuse.

 

Il résulte de cette histoire que les Juifs immolaient des hommes, et même leurs enfants ; c'est une chose incontestable.

 

Le même commentateur dit que le sacrifice d'Iphigénie est pris de celui de la fille de Jephté. Rien n'est plus mal imaginé ; jamais les Grecs ne connurent les livres des Juifs ; et les fables grecques eurent toujours cours dans l'Asie.

 

Si le livre des Juges fut écrit du temps d'Esdras, il y avait alors cinq cents ans que l'aventure d'Iphigénie, vraie ou fausse, était publique. Si ce livre fut écrit du temps de Saül, comme quelques-uns le prétendent, il y a plus de deux cents ans entre la guerre de Troie et l'élection du roi Saül.

 

Lenglet, dans toutes ses Tables chronologiques, dit que Jephté fit un vœu indiscret de consacrer sa fille à une virginité perpétuelle. Rien n'est plus mal imaginé encore. Où serait l'indiscrétion si la virginité n'avait pas été une espèce d'opprobre chez les Juifs ? Le P. Pétau, plus sincère, dit : unicam filiam mactavit.

 

Flavius Josèphe, le seul Juif qui ait écrit avec quelque ombre de méthode, dit positivement que Jephté immola sa fille. Cela ne prouve pas que l'histoire de Jephté soit vraie, mais que c'était l'opinion commune des Juifs. Un historien profane, qui n'est pas contemporain, n'est que le secrétaire des bruits publics ; et Flavius Josèphe est un auteur profane.

 

2 - M. Boulanger prétend que Jephté n'était point un Hébreu ; "qu'il n'est dit nulle part qu'il fût Hébreu ; que c'était un paysan des montagnes de Galaad, qui ne furent point alors possédées par les Juifs ; que s'il avait été prince des Hébreux, la querelle de la tribu d'Ephraïm n'aurait pas eu la moindre vraisemblance ; que d'ailleurs les gués du Jourdain prouvent que le reflux du Jourdain vers sa source, du temps de Josué, est un miracle inutile et absolument faux ; que la fable de quarante-deux mille hommes tués l'un après l'autre aux gués du Jourdain, pour n'avoir pu prononcer schiboleth, est une des plus grandes extravagances qu'on ait jamais écrites ; que si quatre ou cinq fuyards seulement avaient été tués à ces passages pour n'avoir pu bien prononcer, les quarante-deux mille suivants ne s'y seraient pas hasardés. Et de plus, dit--il, jamais ni la tribu d'Ephraïm, ni toutes les tribus ensemble de ce misérable peuple, ne purent avoir une armée de quarante mille hommes : tout est exagéré et absurde dans l'histoire juive ; et il est aussi honteux de la croire que de l'avoir écrite."

 

Il faut avouer que nul homme n'a parlé avec plus d'horreur et de mépris pour la nation juive que M. Boulanger, excepté, peut-être, milord Bolingbroke. Nous nous sommes fait une loi de rapporter toutes les objections, sans en rien diminuer, parce que nous sommes sûrs qu'elles ne peuvent faire aucun tort au texte.

 

Nous ne déciderons point dans quel temps l'histoire sacrée de Jephté fut écrite ; il suffit qu'elle soit reconnue pour canonique. (Voltaire.) - Voir, dans le Dictionnaire philosophique, l'article JEPHTÉ et nos notes. (G.A.)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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