LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 53
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LA BIBLE EXPLIQUÉE.
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ANCIEN TESTAMENT.
(Partie 53)
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JUGES.
(Chapitre VII, v. 19)... Gédéon entra donc dans le camp des ennemis avec trois cens hommes à la première veille ; et ayant éveillé les gardes, ils se mirent à sonner du cornet, à casser leurscruches (dans lesquelles ils avaient mis leurs lampes), et tout le camp des Madianites en fut troublé, et ils s'enfuirent en hurlant (chapitre VIII, v. 10)... Or, il ne resta à ce peuple oriental que quinze mille hommes ; car on en tua cent vingt mille dans la bataille (1).
Gédéon eut soixante et dix fils sortis de sa cuisse (chapitre VIII, v. 30), parce qu'il avait eu plusieurs femmes ; et une concubine qu'il avait à Sichem lui enfanta encore un fils nommé Abimélech.
Et les Sichémites lui donnèrent soixante et dix sicles (chapitre VIII, v. 4) d'argent qu'ils tirèrent du temple de Baal-Bérith ; et Abimélech, avec cet argent, leva une troupe de gueux et de vagabonds ; et il vint à la maison de son père (qui était mort), et il égorgea sur une même pierre ces soixante et dix frères, fils de Gédéon ; et il ne resta que Joatham le dernier des enfants, qui fut caché (2).
Et tous les hommes de Sichem et de Mello, ou du Creux, allèrent établir roi Abimélech près du chêne qui était dans Sichem ; et Joatham, l'ayant appris, se mit sur le haut de la montagne Garizim, et dit aux gens de Sichem :
Les arbres allèrent un jour pour oindre un roi, et ils dirent à l'olivier : Commande sur nous. L'olivier répondit : Puis-je laisser mon huile, dont les dieux et les hommes se servent ?... Puis au figuier, puis à la vigne, qui répondit : Puis-je abandonner mon vin, qui est la joie de Dieu et des hommes ? ... Puis au buisson, qui dit : Si vous me voulez pour roi, mettez-vous sous mon ombre, sinon que le feu sorte du buisson, et qu'il dévore les cèdres du Liban... Puis Joatham s'enfuit... Abimélech gouverna donc trois ans Israël (3).
... Le Seigneur, étant en colère contre les Israélites, les livra aux Philistins et aux enfants d'Ammon, et ils furent violemment opprimés et affligés pendant dix-huit ans (4).
Il y avait en ce temps-là (chapitre XI, v. 1) un homme très fort et bon guerrier, nommé Jephté la Galaadite, fils d'une prostituée et de Galaad. Or Galaad ayant eu d'autres fils de sa femme, ceux-ci étant devenus grands chassèrent Jephté de la maison comme fils d'une mère indigne ; et Jephté s'enfuit dans la terre de Tob, et se mit à la tête d'une troupe de gueux et de voleurs qui le suivirent (5).
1 - A la vérité, les gens de guerre de nos jours ne hasarderaient pas un pareil stratagème. Ce n'est point avec trois cents cruches qu'on gagne à présent des batailles. Le texte dit que chacun des trois cents combattants tenait une lampe de la main gauche, et un cornet de la main droite. Ces armes sont faibles ; leurs lampes ne pouvaient servir qu'à faire discerner leur petit nombre. Celui qui tient une lampe est vu plutôt qu'il ne voit, à moins qu'il n'ait une lanterne sourde. C'est là ce que disent les critiques.
Aussi cette victoire de Gédéon doit être regardée comme un miracle, et non comme un bon stratagème de guerre. Ce qui rend le miracle évident, c'est que ces trois cents hommes armés d'une lampe et d'un cornet tuèrent cent vingt mille Madianites. Nous passons ici sous silence les peuples de Soccoth, dont Gédéon brisa les os avec les épines du désert, pour avoir refusé des rafraîchissements à ses troupes fatiguées d'un si grand carnage. Nous verrons David en faire autant. Les Juifs et peuples et chefs, et rois et prêtres, ne sont pas trop miséricordieux.
2 - Les critiques se soulèvent contre cette multitude abominable de fratricides. Ils disent que ce crime est aussi improbable qu'odieux. La raison d'État, cette infâme excuse des tyrans, ne pouvait être connue, selon eux, de la petite horde juive à peine sortie d'esclavage, et qui ne possédait pas alors une ville. Ces cruautés n'ont été exercées, dit-on, que dans de vastes empires, pour prévenir les révoltes des frères. Si Clotaire et Childebert, fils de Clotilde, assassinèrent deux petits enfants de Clotilde presque au berceau, si Richard III en Angleterre assassina ses deux neveux, si Jean-sans-Terre assassina le sien, nous étions tous des barbares en ces temps-là ; mais ces horreurs n'approchent pas de celle d'Abimélech, qui fut commise sans être excité par un grand intérêt. Il semble que les Juifs ne tuent que pour avoir le plaisir de tuer. On les représente continuellement comme le peuple le plus féroce et le plus imbécile à la fois qui ait souillé et ensanglanté la terre.
Mais remarquons que les livres sacrés ne louent point cette action comme ils louent celle d'Aod et de Jahel.
Les critiques reprochent encore au peuple de Dieu de n'avoir point eu de temple, lorsque les Phéniciens en avaient à Baal-Bérith, à Sidon, à Tyr, à Gaza. Ils ne peuvent concevoir comment le Dieu jaloux ne voulut pas avoir un temple aussi , et donner à son peuple de quoi en bâtir un, après lui avoir tant juré qu'il lui donnerait tous les royaumes, de la mer Méditerranée à l'Euphrate. Ils demandent toujours compte à Dieu de ses actions ; et nous nous bornons à les révérer.
3 - Voici le premier apologue qui soit parvenu jusqu'à nous ; car il y en a de plus anciens chez les Arabes, les Persans, et les Indiens. Les censeurs qui ont objecté que les arbres ne marchent pas devaient considérer que si la fable les fait parler, elle peut les faire marcher. Cet apologue est tout à fait dans le goût oriental.
Le seul défaut de cette fable est qu'elle ne produit rien :au contraire, Abimélech n'en règne pas moins sur les Hébreux ; c'est là le grand reproche de tous les critiques. Ils ne peuvent souffrir que le guide, l'ami, le Dieu de Mosé, de Josué, le conducteur de son peuple, fasse régner un aussi grand scélérat qu'Abimélech. Jean Meslier s'emporte jusqu'à dire que la fable du règne d'Abimélech est bien plus fable que celle des arbres, et d'une morale bien plus condamnable, et qu'on ne sait quel est le plus cruel de Mosé, de Josué, et d'Abimélech.
Woolston prétend que les Juifs étaient alors idolâtres ; et sa raison est que l'olivier dit que son jus plait aux dieux et aux hommes. Il veut prouver d'après les prophètes et d'après saint Etienne (Act. des ap., chapitre VII, v. 43-51), qu'ils furent toujours idolâtres dans le désert, où ils n'adorèrent que les dieux Remphan et Kium ; et il conclut de là que la religion juive ne fut véritablement formée qu'après la dispersion des dix tribus et après la captivité de Babylone. Il est vrai que les Juifs, de leur propre aveu, furent très souvent idolâtres; mais aussi c'est pour cela sans doute qu'ils furent si malheureux.
4 - Voilà encore, disent les critiques, les Juifs errants ou en esclavage pendant dix-huit ans. C'est la sixième servitude dans laquelle ils croupirent, après s'être rendus maîtres de tout le pays avec une armée de six cent mille hommes. Il n'y a point d'exemple d'une contradiction pareille dans l'histoire profane.
5 - Tolan, Tindal, Woolston, le lord Bolingbrok, Mallet son éditeur, prétendent prouver que les Hébreux n'étaient que des Arabes voleurs, sans foi, sans loi, sans principes d'humanité, dont la seule demeure était dans les cavernes dont ce pays est rempli, et qu'ils en sortaient quelquefois pour aller piller ; et que les peuples voisins les poursuivirent comme des bêtes sauvages, tantôt les punissant par le dernier supplice, tantôt les mettant en esclaves. Les Juifs même avouent, dans les livres composés par eux si longtemps après, que Jephté n'était qu'un chef de voleurs, Abimélech un autre chef de voleurs, souillé du sang de toute sa famille. Ces critiques n'ont pas honte de mettre Josué, Caleb, Elézar, et Mosé lui-même, au nombre de ces voleurs. Le lord Bolingbroke dit, après Marsham, que toutes les hordes arabes de ce pays-là avaient coutume de voler au nom de leurs dieux, et que c'était un ancien proverbe arabe : Dieu me l'a donné, pour signifier je l'ai volé. Ils soutiennent qu'il n'y avait point d'autres jurisprudence parmi ces barbares, et que le fond même de toutes les lois du Pentateuque se rapporte au brigandage, puisque la prétendue famille d'Abraham étant venue des bords de l'Euphrate ne pouvait avoir rien acquis vers le Jourdain que par usurpation.
Nous répondons qu'il fallait bien que les Hébreux eussent déjà des lois, quand même ils auraient été aussi barbares et aussi voleurs que ces critiques les représentent ; car Jephté est chassé de la maison de son père comme fils d'une prostituée. Ils répliquent qu'il n'y a aucune loi dans le Pentateuque même contre les enfants des prostituées, et que, selon le texte, les enfants des servantes de Rachel et de Lia héritèrent comme les enfants de leurs maîtresses ; que par conséquent aucune jurisprudence n'était encore établie chez le peuple juif ; qu'il n'y eut jamais de véritable loi dans ce temps-là parmi ces peuples vagabonds, que la loi du partage des dépouilles ; et qu'enfin toute cette histoire n'est qu'un récit confus de vols et de brigandages. Calmet, sur ce passage de Jephté, avoue expressément "que le nom de voleur n'était pas aussi odieux autrefois qu'aujourd'hui." Aucune de ces raisons pour et contre ne détruit le grand principe, que Dieu donne les biens à qui lui plaît. C'est là, selon notre avis, le grand dénouement qui résout toutes les difficultés des incrédules.