LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 52
Photo de PAPAPOUSS
LA BIBLE EXPLIQUÉE.
________
ANCIEN TESTAMENT.
(Partie 52)
______
JUGES.
Les fils d'Israël crièrent donc au Seigneur, car Jabin avait neuf cents chariots de guerre armés de faulx, et il les opprima avec véhémence pendant vingt ans (1).
Or, il y avait une prophétesse nommée Débora, femme de Lapidoth, laquelle jugeait le peuple... Elle envoya donc chercher Barac, et lui dit : Le Seigneur Dieu d'Israël t'ordonne d'aller et de mener dix mille combattants sur le mont Thabor (2).
Or, Sisara (capitaine des armées du roi Jabin) fut saisi de terreur. Le Seigneur renversa tous ses chariots et tous ses soldats dans la bouche du glaive de sorte que Sisatra descendit de son chariot pour mieux fuir à pied...
Sisara ainsi fuyant parvint à la tente de Jahel, femme de Haber le Cinéen ; car il y avait paix alors entre Jabin, roi d'Asor, et la famille de Habert le Cinéen.
Jabel étant donc venue au-devant du capitaine Sisara, lui dit : Entrez dans ma tente, ne craignez rien. Il entra dans la tente, et elle le couvrit d'un manteau ; et il lui dit : Donne-moi, je t'en prie, à boire ; car j'ai grande soif. Elle lui donna du lait plein, une peau de bouc ;et Sisara s'étant endormi, Jahel, femme de Haber, prenant un grand clou de sa tente avec un marteau, rentra tout doucement, et enfonça le clou à coups de marteau dans la tempe et dans la cervelle de Sisara jusqu'en terre ; et le sommeil de Sisara se joignit au sommeil de la mort (3).
Or les enfants d'Israël (chapitre VI, v. 1) firent encore le mal devant le Seigneur, et il les livra pendant sept ans entre les mains des Madianites, et ils furent très opprimés. Ils se creusèrent des antres dans les cavernes et dans les montagnes pour se cacher... ; et ils crièrent au Seigneur, lui demandant du secours contre les Madianites...
Or, l'ange du Seigneur vint s'aggeoir sous un chêne à Ephra, appartenant à Joas le chef de la famille d'Esri ; et Gédéon son fils battait et vannait son blé dans le pressoir. L'ange du Seigneur lui apparut donc, et lui dit : Dieu est avec toi... ; tu délivreras Israël de la puissance des Madianites. Et Gédéon lui dit : Si j'ai trouvé grâce devant toi, donne-moi un signe que c'est toi qui parles à moi ; reste ici jusqu'à ce que je reviennen t'apporter un sacrifice. Gédéon, étant donc rentré chez lui, fit cuire un chevreau et des galettes de pain. Il mit le jus dans un pot, et l'apporta sous le chêne. L'ange du Seigneur étendit la verge qu'il tenait à sa main, et un feu sortit de la pierre sur laquelle étaient le chevreau et les galettes ; il consuma tout, et l'ange disparut (4).
...Donc tout le Madian, et Amalec, et tous les peuples orientaux s'assemblèrent et passèrent le Jourdain... Mais l'esprit du Seigneur remplit Gédéon, qui sonna du cornet et assembla toute la maison d'Abiezer... ; et Gédéon dit à Dieu : Si tu veux sauver Israël par ma main, comme tu l'as dit, je vais mettre une toison dans mon aire ; et si la rosée ne tombe que sur la toison, le reste étant sec, je connaîtrai que tu veux sauver Israël par ma main. Et il fut fait ainsi ; car se levant la nuit, il pressa sa toison, et il en remplit une tasse de rosée.
Il dit encore à Dieu : Ne te fâche pas si je demande encore un signe pour gage ; je te prie que la toison seule soit sèche, et que la terre d'alentour soit humide. Et Dieu fit cette nuit comme Gédéon avait demandé ; la toison fut sèche, et la terre d'alentour fut humide (5).
1 - On n'a point encore entendu parler de ce roi Jabin, qui régnait dans le Canaan envahi par Josué, et qui avait neuf cents chariots de guerre. Nous ne pouvons dire de ces chariots que ce que nous avons déjà dit. Diodore de Sicile nous conte que le prétendu Sésostris alla conquérir le monde avec dix-huit cents chariots. Le roi Jabin n'en pouvait conquérir que la moitié. Mais où avait-il pris ces neuf cents chariots ? Et toujours la même question : Comment les six cent mille soldats de Josué, qui en avaient dû engendrer douze cent mille autres, furent-ils esclaves, et leurs enfants aussi ? esclaves dans ce petit terrain que Dieu leur avait promis par serment ? O altitudo !
2 - Débora est la seconde prophétesse, car Marie, sœur de Mosé, le fut avant elle ; mais Débora fut la première et la seule qui fut juge. On est surpris de ne trouver ni dans le Lévitique, ni dans le Deutéronome, ni dans l'Exode, ni dans les Nombres, aucune loi qui permette aux femmes de juger les hommes. Il y a eu de tout temps et dans toutes les histoires anciennes des femmes qui ont prédit l'avenir, mais on ne leur attribua jamais de juridiction.
Le mont Thabor est très loin au septentrion de cette ville d'Asor où demeurait le roi Jabin, dans la Basse-Galilée. Il fallait donc que le roi Jabin eût conquis tout le Canaan. Aussi quelques auteurs juifs lui donnent une armée de trois cent mille fantassins, de dix mille cavaliers et de trois mille chariots.
Le mont Thabor est une montagne très célèbre dans l'Écriture sainte, par la splendeur qui brilla sur la robe de Jésus-Christ et par l'entretien qu'il eut avec Mosé et Elie.
3 - L'action de Jahel a été regardée par les critiques comme plus horrible encore que l'assassinat du roi Eglon par Aod ; car Aod pouvait avoir au moins quelque excuse de tuer un prince qui avait rendu sa nation esclave ; mais Jahel n'était point Juive, elle était femme d'un Cinéen qui était en paix avec le roi Jabin. Nous n'examinons pas ici comment le texte peut dire qu'un particulier était en paix avec un roi qui avait trois cent mille hommes sous les armes. Nous n'examinons que la conduite de Jahel, qui assassine le capitaine Sisara à coups de marteau, et qui cloue sa cervelle à terre. On ne dit point quelle récompense les Juifs lui donnèrent. Seulement on lui donne des éloges dans le cantique de Débora. Elle n'aurait aujourd'hui chez nous ni récompense ni éloges. Les temps sont changés. Il est vrai que dans la guerre des fanatiques des Cévennes, ces malheureux avaient une prophétesse nommée la grande Marie, qui, dès que l'esprit lui avait parlé, condamnait à la mort les captifs faits à la guerre ; mais c'était un abus horrible des livres sacrés. C'est le propre des fanatiques qui lisent l'Écriture sainte de se dire à eux-mêmes : Dieu a tué, donc il faut que je tue ; Abraham a menti, Jacob a trompé, Rachel a volé ; donc je dois voler, tromper et mentir. Mais, malheureux ! tu n'es ni Rachel, ni Jacob, ni Abraham, ni Dieu : tu n'es qu'un fou furieux, et les papes qui défendirent la lecture de la Bible furent très sages.
4 - Vorstius rejette l'histoire de Gédéon, et la croit insérée dans le canon par une main étrangère. Il la déclare indigne de la majesté du peuple de Dieu. Ce n'est pourtant pas à nous à décider de ce qui en est digne. Gédéon ne fait ici que ce que fit Abraham. Dieu donna aussi un signe à Mosé. Dieu donne des signes à presque tous les prophètes juifs. Que ce soit dans un palais ou dans une grange, il n'importe. Dieu gouverna les Juifs immédiatement par lui-même ; il leur parla toujours lui-même, soit pour les favoriser, soit pour les châtier ; il leur donna toujours des signes lui-même ; il agit toujours lui-même. Il apparaissait toujours en homme. Mais à quoi pouvait-on le reconnaître ? (Voltaire.) - Vostius dont il est parlé, est un théologien allemand, né en 1569, mort en 1622. (G.A.)
5 - Le curé Jean Meslier, dans son Testament, tourne toute cette histoire en ridicule, et le pot rempli de jus, et l'aire et le pressoir de Gédéon, et ce pauvre homme qui est esclave dans un pays que son grand-père avait conquis, étant un des six cent mille vainqueurs de la Palestine, et sa défiance quand il est sûr que c'est Dieu même qui lui parle, et ses discours avec Dieu, et les réponses de Dieu, et la toison tantôt sèche tantôt humide.
Tout cela cependant n'est pas plus extraordinaire que le reste. Calmet a raison de dire que si on se révolte contre le merveilleux, il faudra se révolter contre toute la Bible. C'est pousser les incrédules au pied du mur. Ils ne veulent jamais comprendre que ces temps-là n'ont aucun rapport avec les nôtres.