LA BIBL EXPLIQUÉE - Partie 57
Photo de PAPAPOUSS
LA BIBLE EXPLIQUÉE.
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ANCIEN TESTAMENT.
(Partie 57)
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JUGES.
... Et ayant trouvé une mâchoire d'âne qui était à terre, il tua mille hommes avec cette mâchoire (1).
Et le Seigneur ouvrit une des dents molaires de la mâchoire d'âne, et il en sortit une fontaine ; et Samson ayant bu reprit ses forces... Et Samson jugea vingt ans le peuple d'Israël (2)...
(Chapitre XVI, v. 1) Il alla à Gaza, y vit une prostituée, et entra dans elle... Il prit les deux portes de la ville de Gaza, et les porta en la montagne d'Hébron (3)...
... En ce temps-là il y eut un homme du mont Ephraïm, nommé Michas (chapitre XVII, v. 1), qui dit à sa mère : Les onze cents pièces d'argent que vous aviez serrées, et qu'on vous avait prises, je les ai ; elles sont entre mes mains. Sa mère lui répondit : Que mon fils soit béni du Seigneur ! Michas rendit donc ces pièces d'argent à sa mère, qui lui dit : J'ai voué cet argent au Seigneur, afin que mon fils le reçoive de ma main, et qu'il en fasse une image sculptée, jetée en fonte ; et voilà que je te le donne. Le fils rendit cet argent à sa mère, qui en prit deux cents pièces d'argent qu'elle donna à un ouvrier en argent pour en faire un ouvrage de sculpture, jeté en fonte, qu'on mit dans la maison de Michas. Il fit aussi un éphod et des téraphim, c'est-à-dire des vêtements sacerdotaux et des idoles... Il remplit la main d'un de ses enfants, et en fit son prêtre (4) Il n'y avait point de roi alors en Israël ; mais chacun faisait ce qui lui semblait bon.
Il yeut aussi un autre jeune homme de Bethléem qui est en Juda, qui était son parent, et il était lévite, et il habitait dans Bethléem ; et étant sorti de Bethléem pour voyager et chercher fortune, quand il vint au mont Ephraïm, il se détourna un peu pour aller dans la maison de Michas... Interrogé par Michas d'où! il venait, il répondit ; je suis lévite de Bethéem de Juda : je cherche à habiter où je pourrai.
Michas lui dit : Demeure chez moi, tu me seras père et prêtre ; je te donnerai par an dix pièces d'argent et deux tuniques avec la nourriture...
Et en ce temps-là (chapitre XVIII, v. 1). Il n'y avait point de roi en Israël (5)... et la tribu de Dan cherchait des terres pour y habiter... Ayant donc choisi cinq hommes des plus forts pour servir d'espions et reconnaître le pays, les cinq hommes vinrent à la montagne d'Ephraïm... Ils entrèrent chez Michas, et ayant reconnu le lévite à son accent, ils le prièrent de consulter le Seigneur pour savoir si leur entreprise serait heureuse. Il leur répondit : Allez en paix ; le Seigneur a regardé votre voix et le voyage que vous faites...
1 - La mâchoire d'âne avec laquelle Samson tue mille Philistins ses maîtres, est ce qui enhardit le plus Meslier dans ses sarcasmes aussi insolents qu'impies. Il va jusqu'à dire (nous le répétons avec horreur) qu'il n'y a de mâchoire d'âne dans cette fable que celle de l'auteur qui l'inventa. Nous répondrons à la fois à toutes les criminelles injures de ce mauvais prêtre, à la fin de cet article de Samson.
2 - Cet indigne curé se moque de la fontaine que Dieu fait sortir d'une dent molaire, comme de tout le reste. Il dit qu'un mauvais roman dépourvu de raison, n'en est pas plus respectable pour avoir été écrit par un Juif inconnu ; que la Légende dorée et le Pédagogue chrétien n'ont aucun miracle qui approche de cette foule d'absurdités.
3 - Les portes de Gaza; emportées par Samson, sur ses épaules, achèvent d'aigrir la bile de cet homme. Et sur ce que le lieu d'Hébron est à douze lieues de la ville de Gaza, il nie qu'un homme puisse pendant la nuit y porter les portes d'une ville depuis minuit, temps auquel Samson s'éveilla, jusqu'au matin, fût-ce pendant l'hiver.
Nous répondons qu'il n'est point dit qu'il les porta en une seule nuit ; que s'il aima une courtisane, c'est de cela même que Dieu le punit. Nous n'avons pas parlé de la critique que fait Meslier de Samson reconnu pour juge des Hébreux tandis qu'ils étaient esclaves. Cette critique porte trop à faux. Les Philistins pouvaient très bien permettre aux Juifs de se gouverner selon leurs lois, quoique dans l'esclavage. C'est une chose dont on a des exemples.
Pour les prodiges étonnants opérés par Samson, ce sont des miracles qui montrent que Dieu ne veut pas abandonner son peuple. Nous avons dit vingt fois que ce qui n'arrive pas aujourd'hui arrivait fréquemment dans ces temps-là. Nous croyons cette réponse suffisante.
4 - L'histoire de Michas semble entièrement isolée. Elle ne tient à aucun des événements précédents. On voit seulement qu'elle fut écrite du temps des rois juifs, ou après ces rois, par quelque lévite, ou par quelque scribe. C'est une des plus singulières du canon juif, et des plus propres à faire connaître l'esprit de cette nation avant qu'elle eût une forme régulière de gouvernement. Nous ne nous arrêterons point à concilier les petites contradictions du texte ; mais nous remarquerons, avec l'abbé de Tilladet, que Michas et sa mère font des dieux, des idoles sculptées, et tombent précisément dans le même péché qu'Aaron et les Israélites, sans que le Dieu d'Israël y fasse la moindre attention. Il croit que ce n'est point un lévite qui a écrit cette histoire, parce que, dit-il, s'il avait été lévite, il aurait marqué au moins quelque indignation contre un tel sacrilège.
Le savant Fréret pense que chaque livre fut écrit en différents temps, par différents lévites ou scribes, qui ne se communiquaient point leurs ouvrages, et même que l'aventure de Michas peut fort bien avoir été écrit avant que la Genèse et l'Exode fussent publics. Sa raison est qu'on trouve ici des aventures à peu près semblables à celles de l'Exode et de la Genèse, mais beaucoup moins merveilleuses : ce qui fait penser que l'auteur de la Genèse et de l'Exode a voulu enchérir sur l'auteur de Michas.
Ce sentiment du docte Fréret nous semble trop téméraire ; mais il est très vraisemblable que la horde juive, qui erra si longtemps dans les déserts et dans les rochers, se fit de petits dieux et de petites idoles mal sculptées avec des instruments grossiers, et que chaque famille avait ses idoles dans sa maison, comme Rachel avait les siennes. Ce fut l'usage de presque tous les peuples, comme nous l'avons déjà observé. (Voltaire.) - Selon Eichhorn, l'histoire de Michas ne fut écrite qu'après la conquête de Samarie. (G.A.)
5 - Selon Fréret, cette histoire, très curieuse, prouve que de tout temps il y eut des pères de famille qui voulurent avoir chez eux des espèces de chapelains et d'aumôniers. Il prétend, avec plusieurs autres, que l'esclavage où les Juifs étaient réduits dans la terre de Canaan n'était pas un esclavage tel que celui qu'on essuie à Maroc et dans le pays d'Alger et de Tunis ; que c'était une espèce de mainmorte telle qu'elle a été établie dans toutes les provinces chrétiennes. Il était permis à ces hordes hébraïques de cultiver les terres, et ils en partageaient les fruits avec leurs maîtres. Ainsi il pouvait y avoir quelques familles riches parmi ces esclaves, qui dans la suite des temps s'emparèrent d'une partie du pays et se firent des chefs que nous nommons rois.
La veuve Michas et ses enfants étaient des paysans à leur aise. Il est naturel qu'un lévite pauvre, et n'ayant point de profession, ait couru le pays pour chercher à gagner du pain. Ce jeune lévite était un des esclaves demeurant à Bethléem, petit village auprès du village de Jérusalem, dans le pays des Jébuséens, et il est à croire que les Hébreux n'avaient eu en ce temps-là aucune terre en propre. Bethléem et Jérusalem sont, comme on sait, le plus mauvais pays de la Judée. Ainsi il n'est pas étonnant que ce lévite allât chercher fortune ailleurs.