LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 45
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LA BIBLE EXPLIQUÉE.
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ANCIEN TESTAMENT.
(Partie 45)
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JOSUÉ.
(Chapitre V, v. 1.) Tous les rois des Amorrhéens qui habitaient la rive occidentale du Jourdain, et tous les rois cananéens qui possédaient les rivages de la grande mer (Méditerrannée), ayant appris que le Seigneur avait séché le Jourdain, eurent le coeur dissous, tant ils craignaient l'invasion des fils d'Israël...
Or le Seigneur dit à Josué (chapitre V, v. 2) : Fais-toi des couteaux de pierre, et circoncis encore les enfants d'Israël (1). Josué fit comme le Seigneur lui commanda, et circoncit tous les enfants d'Israël sur la colline des Prépuces... ; car le peuple né dans le désert, pendant quarante année de marche dans ces vastes solitudes, n'avait point été circoncis... et ils furent circoncis par Josua, parce qu'ils avaient encore leur prépuce, et ils demeurèrent au même lieu jusqu'à ce qu'ils fussent guéris... Alors le Seigneur dit à Josué : Aujourd'hui j'ai ôté l'opprobre de l'Égypte de sur vous (2).
Et ils firent la pâque le quatorzième jour du mois dans la plaine de Jéricho... et après qu'ils eurent mangé des fruits de la terre, la manne cessa (3).
Or Josué, étant dans un champ de Jéricho, vit un homme debout devant lui tenant à la main une épée nue. Il lui dit : Es-tu des nôtres, ou un ennemi ? Lequel répondit : Non ; mais je suis le prince de l'armée du Seigneur, et j'arrive. Et Josué tomba prosterné en terre, et l'adorant il dit : Que veut mon Seigneur de son serviteur ? Ote tes souliers de tes pieds, dit-il, parce que le lieu où tu es est saint. Et Josué ôta ses souliers (4).
(Chapitre VI, v. 2.) Et le Seigneur dit à Josué : Je t'ai donnné Jéricho, et son roi, et tous les hommes fort. Que toute l'armée hébraïque fasse le tour de la ville pendant six jours. Qu'au septième jour les prêtres prennent sept cornets ; qu'ils marchent devant l'arche du pacte sept fois autour de la ville, et que les prêtres sonnent du cornet : et lorsque les cornets sonneront le son le plus long et le plus court, que tout le peuple jette un grand cri, et alors les murs de la ville tomberont jusqu'aux fondements (5).
1 - Puisque Dieu fit circoncire tout son peuple après avoir passé le Jourdain, il y eut donc six cent un mille combattants circoncis ces jours-là, et si chacun eut deux enfants, cela fit dix-huit cent trois mille prépuces coupés, qui furent mis en un tas dans la colline appelée des Prépuces. Mais comment tous les géants de Canaan, et tous les peuples de Biblos, de Béryte, de Sidon, de Tyr, ne profitèrent-ils pas de ce moment favorable pour égorger tous ces agresseurs affaiblis par cette plaie, comme les patriarches Siméon et Lévi avaient seuls égorgé tous les Sichémites, après les avoir engagés à se circoncire ? Comment Josué fut-il assez imprudent pour exposer son armée, incapable d'agir, à la vengeance de tous ces géants et de tous ces rois ? C'est une réflexion du comte de Boulainvilliers. C'était, dit-il, une très grande imprudence : il fallait attendre qu'on eût pris Jéricho. Que dirait-on aujourd'hui d'un général d'armée qui ferait prendre médecine à tous ses soldats devant l'ennemi ?
Nous lui disons que Josué ne faisait pas la guerre selon les règles de la prudence humaine, mais selon les ordres de Dieu ; et d'ailleurs tous les géants et tous les rois pouvaient très bien ignorer ce qu'on faisait dans le camp des Israélites.
2 - Quelque peine que les commentateurs aient prise pour expliquer comment les prépuces entiers des Hébreux en Palestine étaient l'opprobre de l'Égypte, nous avouons qu'ils n'ont pas réussi. Les Égyptiens n'étaient pas tous circoncis ; il n'y avait que les prêtres et les initiés aux mystère qui eussent cette marque sacrée, pour les distinguer des autres hommes ; mais Dieu voulut que tout son peuple eût cette même marque, parce que tout son peuple était saint, et que le moindre Juif était plus sacré que le grand prêtre de l'Égypte.
3 - Quelques commentateurs recherchent comment le petit pays de Jéricho, qui ne produit que quelques plantes odoriférantes, et qui alors n'avait qu'un petit nombre de palmiers et d'oliviers, put suffire à nourrir une multitude affamée qui n'avait mangé que de la manne pendant si longtemps. On fait monter cette multitude à plus de quatre millions de personnes, si l'on compte vieillards, enfants et femmes. Mais il n'était pas plus difficile à Dieu de nourrir son peuple avec quelques dattes qu'avec de la manne.
4 - Les critiques demandent pourquoi ce prince de la milice céleste ? à quoi bon cette apparition, lorsque Dieu était continuellement avec Josué comme avec Mosé ? Cette apparition leur paraît inutile. Mais apparemment ce prince de la milice céleste était Dieu même, qui voulait donner des marques évidentes de sa protection sous une autre forme. L'ordre d'ôter ses souliers est conforme à l'ordre de Dieu quand il apparut à Mosé dans le buisson ardent. Ce fut toujours une grande irrévérence de paraître devant Dieu avec des souliers.
5 - Plus d'un savant persiste à croire qu'il n'y avait aucune ville fermée de murailles dans ces quartiers. Ils se fondent sur ce que Jérusalem elle-même, qui devint dans la suite la capitale des Juifs, n'était pas une ville. Ils prétendent que les villes étaient vers la mer, comme Tyr, Sidon, Béryte, Biblos, ville très anciennes. Calmet compte pour des villes les deux méchants villages de Bethhoron, parce que saint Jérôme en parle. Calmet ne songe pas qu'un village pouvait être devenu une ville au bout de deux mille ans. Il n'y avait pas une seule ville murée du temps de Charlemagne au delà du Rhin. Jéricho pouvait n'être qu'un bourg entouré de palissades, et cela suffit pour le miracle.
Il est raconté dans une chronique samaritaine que Josué étant attaqué par quarante-cinq rois d'Orient, et se trouvant enfermé entre sept murailles de fer par une magicienne, mère d'un de ces rois, il fut délivré par Phinées, fille d'Aaron, qui sonna sept fois de son cornet. On a fort agité la question si le récit de Josué était antérieur au récit samaritain. L'un et l'autre sont merveilleux, mais il faut donner la préférence au livre de Josué. (Voltaire.) - Nous avons déjà fait remarquer, dans le Dictionnaire philosophique, que Munk considère le récit de Josué comme étant le fragment d'un poème. (G.A.)