LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 35
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LA BIBLE EXPLIQUÉE.
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ANCIEN TESTAMENT.
(Partie 35)
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NOMBRE.
Or un homme ayant ramassé du bois un jour de sabbat.. Dieu dit à Mosé : Que cet homme meure et soit lapidé (chapitre XV, V. 35). On le mena hors du camp, il fut lapidé, et il mourut comme l'avait ordonné le Seigneur. Le Seigneur parla aussi à Mosé, et lui dit : Parle aux enfants d'Israël (chapitre XV, v. 38), dis-leur de faire des franges au coin de leurs manteaux, et d'y mettre des rubans couleur d'hyacinthe (1).
En ce temps-là (chapitre XVI, v. 1)., Coré, fils d'Isaar, Dathan et Abiron, fils d'Eliab, et Hon, fils de Phéleth, s'élevèrent contre Mosé et Aaron avec deux cent cinquante des principaux de la synagogue, et s'étant présentés devant Mosé, ils lui dirent : Qu'il vous suffise que ce peuple est un peuple de saints, et que le Seigneur est dans eux ; pourquoi vous élevez-vous sur le peuple de Dieu ? Ce que Mosé ayant entendu, il tomba par terre : puis il dit à Coré et à toute sa troupe : Demain, Dieu fera connaître ceux qui sont à lui... que chacun prenne son encensoir, toi Coré et tous tes adhérents, et demain mettez du feu sur vos encensoirs devant le Seigneur ; et celui qu'il aura choisi sera saint : vous êtes trop insolents, enfants de Lévi.
Mosé étant donc extrêmement en colère... dit à Coré : Présente-toi demain avec toute ta troupe d'un côté, et Aaron se présentera de l'autre (2).
Prenez chacun vos encensoirs, mettez-y de l'encens, présentez à Dieu vos encensoirs, et qu'Aaron tienne aussi son encensoir. Ce que Coré et sa troupe ayant fait en présence de Mosé et d'Aaron, la gloire du Seigneur apparut à tous. Et le Seigneur parla à Mosé et à Aaron, et leur dit : Séparez-vous de leur assemblée, afin que je les détruise tout à coup. Mosé s'étant levé, s'avança vers Dathan et Abiron, suivi des anciens d'Israël. Il dit au peuple : Retirez-vous des tentes de ces impies...vous allez reconnaitre que c'est Dieu qui m'a envoyé pour faire tout ce que vous voyez : si ces hommes meurent d'une mort ordinaire, et de quelque plaie dont les autres hommes sont frappés. Dieu ne m'a pas envoyé ; mais si le Seigneur fait une chose nouvelle, si la terre s'entr'ouvrant les engloutit et tout ce qi leur appartient, et qu'ils descendent dans la fosse tout vivants, vous saurez qu'ils ont blasphémé le Seigneur. Et dès qu'il eut cessé de parler, la terre s'entr'ouvrit sous leurs pieds, et ouvrant la gueule, elle les dévora avec toute leur substance.
1 - S'il était permis de juger des lois du Seigneur par les lois de nos peuples policés, on trouverait peut-être un peu de dureté à faire périr un homme pour avoir ramassé un peu de bois dont il avait probablement besoin pour faire bouillir le lait de ses enfants, ou pour préparer le dîner de sa famille ; il n'est pas dit que cet homme ramassa un fagot en dérision de la loi. Ce n'est pas à nous à interroger Dieu, et à lui demander pourquoi il fait Aaron grand pontife immédiatement après qu'il a jeté le veau d'or en fonte, et qu'il l'a fait adorer, et pourquoi il condamne à mort un homme qui n'a commis d'autre crime que de ramasser un petit fagot pour son usage. Dieu fait miséricorde à qui il lui plaît.
Plusieurs incrédules soupçonnent que ce livre fut écrit par Samuel, et on sait que Samuel fut un homme dur : c'est le sentiment du grand Newton. Mais quelque respect que nous ayons pour Newton, nous respectons encore plus l'Église.
Les critiques sont révoltés de voir un article de franges et de rubans joint immédiatement à une condamnation à mort. Cela leur paraît incohérent ; ils ne croient pas qu'un peuple qui manquait de tout, et dont Dieu fut obligé de conserver les habits par miracle, ait mis des franges et des rubans à ses robes dans un désert. Mais si Dieu conserva leurs habits par miracle pendant quarante ans, il put aussi leur donner des franges par miracle, et surtout empêcher que six cent mille combattants de son peuple ne fussent battus par une troupe d'Amalécites.
2 - Si l'on en croit les savants hardis dont nous avons déjà tant parlé, cette histoire de Coré, Dathan et Abiron, fut écrite après le retour des Juifs de la captivité de Babylone, lorsqu'on se disputait dans Jérusalem la place de grand-prêtre avec plus de fureur que n'en ont jamais déployé les antirapes. Les frères alors tuaient leurs frères pour parvenir au souverain pontificat, et il n'y eut jamais plus de troubles chez les Juifs que quand ils furent gouvernés par leurs pontifes avant et après les conquêtes d'Alexandre.
On suppose donc qu'alors quelque Juifs, pour rendre le sacerdoce plus vénérable, écrivit cette histoire, qui ne tient point au reste du Pentateuque, et l'inséra dans le canon. Nous croyons que c'est une conjecture hasardée. d'autres la rejettent absolument comme incompatible avec l'éloge qu'on donne à Mosé dans le Pentateuque d'avoir été le plus doux des hommes.
Il n'est pas surprenant, disent-ils, que Coré, arrière-petit fils du patriarche Lévi. Dathan, Abiron et Hon, des descendants de Ruben fussent mécontents de la supériorité que Mosé affectait sur eux, puisque Aaron son frère, et Marie sa soeur, avaient montré les mêmes sentiments.
Les deux cent cinquante Juifs qui étaient de leur parti étaient les premiers de la nation ; c'était un schisme dans toute les formes. Ces savants prétendent que le terme de synagoque, dont l'auteur sacré se sert ici, prouve que ce livre fut fait dans le temps de la synagogue, et non pas dans le désert, où il n'y avait point de synagogue. Ils disent que ce mot a échappé au faussaire qui a mis cet ouvrage sous le nom de Mosé lui-même, et qui s'est trahi par cette inadvertance.
Ils croient voir tant de cruauté et tant de prodiges dans cette aventure, qu'ils la regardent comme une fiction ; ils ne parlent qu'avec horreur de quatorze mille sept cents hommes mourant par le feu du ciel, et de deux cent cinquante chefs du peuple engloutis dans la terre.
Toland et Woolston ont la hardiesse de traiter ce châtiment divin de roman diabolique.
Quelques commentateurs ont cru, en lisant le mot infernum qui est dans la Vulgate pour la fosse, qu'il signifiait l'enfer, tel que nous l'admettons, enfer que les Juifs ne connaissaient pas. Ces mots, descenderunt vivi in infernum (chapire XVI, v. 33), signifient qu'ils descendirent vivants dans le souterrain ; c'est ce que nous avons déjà remarqué. Cette équivoque, qui n'est que dans la Vulgate, a occasionné bien des méprises. Les commentateursont pris souvent infernum, la fosse, la sépulture, pour l'enfer, et Lucifer, l'étoile du matin, pour le diable.
Cette histoire a révolté plusieurs Juifs, au point qu'un d'eux écrivit l'origine de la querelle entre Mosé et ses adversaires pour la rendre odieuse et ridicule. C'est le seul ouvrage de plaisanterie qui nous soit venu des anciens Juifs.On ne sait pas dans quel temps il fut écrit. Il est intitulé : Livre des choses omises par Mosé. On l'imprima à Venise en hébreu sous le titre de Maynshioth, sur la fin du quinzième siècle. Le savant Gilbert Gaumin le traduisit en latin, et Albert Fabricius l'inséra(*) dans sa Collection en 1714. En voici la traduction en notre langue : "Le commencement de la querelle vint par une veuve ; elle n'avait qu'une brebis qu'elle voulut tondre. Aaron vint et emporta la laine, en disant qu'elle lui appartenait par la loi, dans laquelle il est écrit : Tu donneras à Dieu les prémices dela laine de ton troupeau. La veuve alla implorer Coré avec des larmes et des gémissements.Coré alla vers Aaron, mais il ne put le fléchir ; alors prenant pitié de la veuve, il lui donna quatre pièces d'argent, et s'en retourna fort en colère. Quelque temps après, la même brebis mit bas son premier agneau et l'emporta. La pauvre veuve alla encore pleurer chez Coré ; celui-ci conjura Aaron une seconde fois de rendre à la veuve son seul bien. Je ne le puis, répondit le prêtre Aaron, car il est écrit : Tout mâle premier-né du troupeau sera offert au Seigneur. Il retint l'agneau pour lui, et Coré le quitta furieux. La femme désespérée tua la brebis ; Aaron vint sur-le-champ, et prit pour lui l'épaule, le cou et le ventre. Coré retourna vers Aaron, et lui fit de nouveaux reproches. Il est écrit, répondit le pontife : Tu donneras l'épaule, le cou, et le ventre au prêtre. La veuve, poussée à bout, jura et dit : Que ma brebis soit anathème. Aaron l'ayant su, prit la brebis entière pour lui, en disant : Il est écrit : Tout anathème dans Israël t'appartiendra." L'auteur dit ensuite que Coré, Dathan et Abiron formèrent un parti considérable contre Aaron, mais qu'ils ne furent pas les plus forts, et que quatorze mille des leurs périrent dans une bataille.
(*) Cet ouvrage n'est point dans le recueil de Fabricius.
On a conjecturé que cette satire juive, la seule qui nous soit parvenue, fut écrite lorsque le grand-prêtre Jean, disputant la tiare à son frère Jésu, le tua dans le temple même, du temps du roi Artaxerxès. Nous n'entrons point dans cette vaine dispute ; nous devons rejeter tout ce qui n'est point contenu dans les livres saints dont nous commentons avec respect les principaux endroits, sans oser en approfondir le sens. Nous dirons seulement que de tout temps il y eut des esprits hardis qui se piquèrent d'être au-dessus des préjugés du vulgaire ; il y en a beaucoup aujourd'hui à Rome, à Constantinople, à Londres, dans Amsterdam, dans Paris, dans Pékin ; mais ils ne forment point de factions, et par là ils ne sont pas dangereux. Or le parti de Dathan, Coré et Abiron formèrent un parti considérable contre Aaron, mais qu'ils ne furent pas les plus forts, et que quatorze mille des leurs périrent dans une bataille.
On a conjecturé que cette satire juive, la seule qui nous soit parvenue, fut écrite lorsque le grand-prêtre Jean, disputant la tiare à son frère Jésu, le tua dans le temple même, du temps du roi Artaxerxès. Nous n'entrons point dans cette vaine dispute ; nous devons rejeter tout ce qui n'est point contenu dans les livres saints dont nous commentons avec respect les principaux endroits, sans oser en approfondir le sens. Nous dirons seulement que de tout temps il y eut des esprits hardis qui se piquèrent d'être au-dessus des préjugés du vulgaire ; il y en a beaucoup aujourd'hui à Rome, à Constantinople, à Londres, dans Amsterdam, dans Paris, dans Pékin ; mais ils ne forment point de factions, et par là ils ne sont pas dangereux. Or le parti de Dathan, Coré et Abiron, parait avoir été une faction considérable réprimée par ceux qui avaient le pouvoir en main.