LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 27
LA BIBLE EXPLIQUÉE.
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ANCIEN TESTAMENT.
(Partie 27)
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EXODE.
J'enverrai la terreur de mon nom au-devant de vous ; j'exterminerai tous les peuples chez lesquels vous irez. J'enverrai d'abord des frelons et des guêpes, qui mettront en fuite le Hévéen, le Cananéen, l'Ethéen (1). Les limites de votre terre seront depuis la mer Rouge jusqu'à la mer de la Palestine, et jusqu'au fleuve de l'Euphrate : je livrerai entre vos mains tous les habitants de la terre, et je les chasserai de devant votre face... Quand tu feras le dénombrement des enfants d'Israël, ils donneront tout le prix de leur âme au Seigneur, et il n'y aura point de plaie parmi eux quand ils auront été dénombrés ; et tous ceux qui auront été dénombrés donneront la moitié d'un sicle, selon la valeur du sicle du temple (2). Le sicle vaut vingt oboles, et la moitié du sicle sera offerte au Seigneur.
Prenez des aromates, pour le poids de cinq cents sicles de myrrhe, deux cent cinquante sicles de cinnamome, pour deux cent cinquante sicles de canne, cinq cents sicles de casse ; vous en ferez une huile sainte selon l'art du parfumeur ; quiconque y touchera sera sanctifié, et quiconque en fera de pareille, et en donnera à un étranger, sera exterminé.
Dieu dit aussi à Mosé : Prends tous ces aromates, ajoute-s-y du stacté, de l'onyx, du galbanum, de l'encens... Tout homme qui en fera de semblable, pour en sentir l'odeur, sera exterminé (3).
Et le Seigneur ayant achevé tous ces discours sur le mont Sinaï, donna à Mosé deux tables de pierre contenant son témoignage, écrit avec le doigt de Dieu.
Or le peuple, voyant que Mosé tardait à descendre de la montagne, s'assembla autour d'Aaron, et dit : Lève-toi, fais-nous des dieux qui marchent devant nous : car nous ignorons ce qui est arrivé à cet homme qui nous a fait sortir de l'Égypte. Et Aaron leur dit : Prenez vos boucles d'oreilles, et celles de vos fils et de vos filles. Et le peuple ayant apporté ses boucles d'oreilles, il en fit un veau d'or en fonte, et ils dirent : Voilà tes dieux, ô Israël !... Et Aaron dressa un autel devant le veau ; et dès le matin on lui offrit des holocaustes.
1 - Dieu ne cesse de promettre aux Juifs qu'il combattra pour eux, et que tout fuira devant eux.. Il ajoute qu'il enverra des frelons et des guêpes pour leur préparer la victoire. Ce n'est point une figure dont se sert l'auteur sacré ; car Josué,avant de mourir, dit expressément que Dieu a envoyé devant eux des frelons et des guêpes. Le livre de la Sagesse le dit aussi longtemps après. L'histoire ancienne parle en effet de plusieurs peuples d'Asie qui furent obligés de quitter leur pays où ces animaux s'étaient excessivement multipliés. On a dit même que les peuples de la Chalcide avaient été chassés par des mouches. On en a dit autant des peuples de la Mysie. Il y a eu deux provinces de Chalcide en Syrie : on ne sait dans laquelle le fléau des mouches put chasser les habitants. Il y a eu aussi plusieurs Mysies dans l'Asie-Mineure et dans le Péloponèse. Il n'est pas croyable que les peuples d'aucune de ces provinces se soient laissé chasser par des mouches : mais ce qui est fable dans la mythologie peut devenir une vérité historique dans les livres saints, parce que Dieu faisait pour son peuple ce qu'il ne faisait pas pour des peuples profanes, qui lui étaient étrangers.
Dieu promet ici aux Juifs qu'il les rendra maîtres de tout le pays, depuis la mer Méditerranée jusqu'à l'Euphrate : or il y a vingt degrés en longitude, dans la latitude du trentième degré, depuis la Méditerranée par la terre de Canaan jusqu'à l'Euphrate. Et quand on ne compterait que vingt lieues par degré, cela devait composer un empire de quatre cents lieues de long. Il est démontré, disent les critiques, que les Juifs ont été bien loin de posséder un si vaste pays. Cela est vrai : mais aussi Dieu tantôt promet, tantôt menace : et il se relâche de ses menaces, et il retranche de ses promesses, selon sa miséricorde ou sa justice. Ainsi il ne faut pas prendre toujours tout à la lettre ce qui est annoncé dans l'Écriture, mais considérer que les prédictions sont conditionnelles. Les critiques ne sont pas contents de cette explication, qui est pourtant la seule qu'on puisse donner.
2 - On demande comment le sicle dans le désert peut être évalué par le sicle du temple, qui ne fut bâti que cinq cents ans après selon la supputation hébraïque. On croit qu'il y a ici un prodigieux anachronisme, et que c'est une nouvelle preuve que tous ces livres ne furent écrits qu'après que le temple fut bâti. On répond que par le mot du temple il faut entendre le tabernacle de l'arche de l'alliance : et si les critiques répliquent que l'arche d'alliance n'avait pas encore été construite, il est aisé de dire qu'on parle ici par anticipation ; et alors on ne trouvera aucune contradiction dans le texte.
3 - On fait des difficultés sur cette prodigieuse quantité de parfums et sur leur nature. Le cinnamome n'est pas connu. On prétend que c'est de la cannelle : mais plusieurs auteurs disent que la cannelle est la canne ; d'autres disent que c'est la casse, casia, qui est la cannelle véritable. La plupart de ces drogues viennent des Indes. On est en peine de savoir comment les Juifs, dans leurs déserts, purent avoir tant de marchandises précieuses ? La réponse est qu'ils les avaient emportées d'Égypte. La peine de mort pour quiconque ferait une composition de ces parfums, seulement pour avoir le plaisir innocent de les sentir, semble une loi injuste et barbare ; mais c'est sans doute parce que ces drogues, étant destinées pour le tabernacle qu'on devait faire, ne devaient point être profanées.
Les deux tables de pierre, écrites ou gravées par le doigt de Dieu même, ont donné lieu à d'étranges blasphèmes. "Dieu, a-t-on dit, est toujours représenté dans ce livre comme un homme qui parle aux hommes, qui va, qui vient, qui se venge, qui est jaloux, qui donne des lois, et enfin qui les écrit ; rien ne paraît plus grossier et plus fabuleux ; ces deux tables de pierre sont une imitation des deux marbres sur lesquels l'ancien Bacchus avait écrit ses lois, comme le passage de la mer Rouge est une imitation visible de la fable de Bacchus, qui passe à la mer Rouge à pied sec pour aller aux Indes avec toute son armée. Les fables arabes sont prodigieusement antérieures à celles de Mosé. Bacchus avait été élevé dans ces déserts avant que Mosé les parcourût Il fit tous les miracles que les Juifs s'attribuent, et deux rayons lui sortaient de la tête comme à Mosé, en témoignage de son commerce continuel avec les dieux ; ils portèrent tous deux ce nom de Mosé, qui signifie échappé de l'eau. Les Juifs, qui n'ont jamais rien inventé, ont tout copié très tard." C'est ce que les critiques objectent.
Il est vrai qu'on retrouve dans la fable de Bacchus beaucoup de traits qui sont dans l'histoire juive depuis Noé jusqu'à Josué ; mais il vaut mieux croire que les Arabes et les Grecs ont été les copistes, que de penser que les Hébreux ne furent que des plagiaires. La fable de Bacchus ne fut pas d'abord donnée pour une histoire sacrée ; elle ne fut le fondement des lois ni en Arabie ni en Grèce : au lieu que la loi de l'Exode est encore celle des Juifs. Nous avouons que Bacchus fut adoré et eut des prêtres : mais nous préférons un ministre de Dieu de vérité à ceux qui sont devenus les dieux du mensonge.