LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 22

Publié le par loveVoltaire

LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 22

Photo de PAPAPOUSS

 

 

 

 

 

 

LA BIBLE EXPLIQUÉE.

 

 

 

________

 

 

 

ANCIEN TESTAMENT.

 

 

 

(Partie 22)

 

 

______

 

 

 

 

EXODE.

 

 

 

 

 

 

 

      Viens donc, et je t'enverrai à Pharaon... Mosé répondit : J'irai vers les enfants d'Israël, et je leur dirai : Le Dieu de vos pères m'envoie vers vous ; mais s'ils me demandent quel est son nom, que leur dirai-je ? Dieu a dit à Mosé : Je m'appelle Eheieh. Tu diras aux enfants d'Israël : Eheieh m'envoie à vous (1). Dieu dit encore à Mosé : Tu diras aux enfants d'Israël : Le Dieu d'Abraham, d'Isaac, et de Jacob, m'a envoyé à vous. Ce sera là mon nom à jamais de génération en génération. Ils écouteront ta voix, et tu iras avec les anciens d'Israël devant le roi d'Égypte, et tu lui diras : Le Dieu des Hébreux nous a appelés, et il faut que nous allions à trois journées dans le désert pour sacrifier au Seigneur notre Dieu (2) ; mais je sais que le roi d'Égypte ne permettra point qu'on y aille si on ne le contraint par une main forte... Chaque femme demandera à sa voisine ou à son hôtesse des vases d'argent et d'or, et de beaux habits, dont elles revêtiront leurs fils et leurs filles ; et ainsi elles dépouilleront l'Égypte (3). Mosé répondit à Dieu : Ils ne me croiront pas ; ils me diront que tu ne m'es point apparu. Et Dieu lui dit : Que tiens-tu là à la main ? Il répondit : C'est ma verge. Dieu lui dit : Jette ta verge en terre. Il jeta sa verge, et elle fut changée sur-le-champ en couleuvre (4). Mosé s'enfuit de peur. Dieu dit encore à Mosé : Mets ta main dans ton sein ; il la mit dans son sein, et il l'en retira couverte d'une lèpre blanche comme la neige. Et Dieu dit : Si les Égyptiens ne croient pas à ces deux signes, et s'ils n'écoutent pas ta voix, prends de l'eau du Nil, et elle se convertira en sang.

 

      Mais, dit Mosé à Dieu, j'ai un empêchement de langue, tu sais que je suis bègue ; et tout ce que tu me dis me rend plus bègue encore. Envoie, je te prie, un autre que moi. Dieu se mit alors en colère, et lui dit : Eh bien, j'enverrai Aaron ton frère, qui n'a point d'empêchement à la langue ; je serai dans sa bouche et dans la tienne : il parlera pour toi au peuple, il sera ta bouche, et tu l'instruiras de tout ce qui regarde Dieu. Reprends ta verge.

 

      Mosé s'en alla donc chez son beau-père Jéthro. Il lui dit : Je m'en vais en Égypte. Jéthro lui dit : Allez en paix. Dieu parla encore à Mosé, et lui dit : Va-t-en donc en Égypte, car tous ceux qui voulaient te faire mourir sont morts (5).

 

      Mosé, ayant donc pris sa femme et ses enfants, les met sur son âne, marche en Égypte avec sa verge. Dieu lui dit en chemin : Ne manque pas de faire devant le pharaon tous les prodiges que je t'ai ordonné de faire : car j'endurcirai son cœur, et il ne laissera point aller mon peuple. Or, Mosé étant en chemin, Dieu le rencontra dans un cabaret, et voulut le tuer : mais Séphora lui sauva la vie en coupant le prépuce de son fils avec une pierre aiguë (6).

 

      Mosé et Aaron allèrent se présenter au pharaon, et dirent : Voici ce que dit le Seigneur Dieu d'Israël : Laisse aller mon peuple, afin qu'il me sacrifie dans le désert. Le pharaon répondit : Qui est donc ce Seigneur pour que j'entende sa voix (7) ? Je ne laisserai point partir Israël... Or, Mosé avait quatre-vingt ans, et Aaron quatre-vingt trois, lorsqu'ils parlèrent au pharaon... Mosé et Aaron allèrent donc trouver le pharaon, et ils firent comme Dieu avait ordonné. Aaron jeta sa verge, et elle fut changée en serpent. Pharaon ayant fait venir les sages et les magiciens, ils firent la même chose par leurs enchantements.

 

 

 

 

 

 

 

 

1 - Les critiques reprennent Mosé d'avoir demandé à Dieu son nom. Ils disent que, puisqu'il le reconnaissait pour le Dieu du ciel et de la terre, il ne devait pas supposer qu'il eût un nom appellatif comme on en a donné aux hommes et aux villes ; que Dieu ne s'appelle ni Jean ni Jacques, et que les Israélites ne l'auraient pas plus reconnu à ce nom de Eheieh qu'à tout autre nom. Ce mot de Eheieh est ensuite changé en celui de Jéovah, qui signifie, dit-on, destructeur, et que quelques-uns croient signifier créateur. Les Égyptiens le prononçaient Jaou ; et quand ils entraient dans le temple du soleil, ils portaient un phylactère sur lequel Jaou était écrit. Origène, dans son premier livre contre Celse, dit qu'on se servait de ce mot pour exorciser les esprits malins. Saint Clément d'Alexandrie, dans son cinquième livre des Stromates, assure qu'il n'y avait qu'à prononcer ce mot à l'oreille d'un homme pour le faire trouver mal, et que Moïse l'ayant prononcé à l'oreille de Nechètre, roi d'Égypte, ce monarque tomba en léthargie.

 

Ce mot Jaou signifiait Dieu chez les anciens Arabes : et c'est encore le mot sacré dans les prières des mahométans. Sanchoniathon, le plus ancien des auteurs dans cette partie du monde, écrit Jévo, Origène et Jérôme veulent qu'on prononce Jao. Les Samaritains, qui s'éloignaient en tout des autres Juifs, prononçaient Javé. C'est de là que vient le nom de Jovis, Jovispiter, Jupiter, chez les anciens Tocans et chez les Latins. Les Grecs firent de Jéhovah leur Zeus, qui était le premier des dieux, le grand dieu. C'est ainsi qu'ils prononcèrent Theos, les Latins Deus, et nous Dieu. C'est ainsi que les Allemands prononcent Gott, les peuples de Scandinavie Gud, les Anglais God. Origène est fermement persuadé qu'on ne peut faire aucune opération magique qu'avec le nom de Jéhova. Il affirme que si on se sert de tout autre nom, il sera impossible de produire aucun enchantement. (Voltaire.) - Voyez, dans le Dictionnaire philosophique, notre note à l'article JÉOVA. (G.A.)

 

2 - Plusieurs commentateurs disputent ici sur la prescience, sur la liberté, et sur le futur contingent. Dieu sait positivement que Pharaon n'écoutera point Mosé, et cependant le pharaon sera libre de l'écouter. On a fait un très grand nombre de volumes sur cette question, qu'on a toujours creusée, et dont on n'a pas encore aperçu le fond. Il suffit de savoir que Dieu est tout-puissant, et que l'homme est libre pour mériter ou démériter. Qu'on soit libre ou qu'on ne le soit pas, les hommes agiront toujours comme s'ils l'étaient.

 

3 - Les critiques disent qu'il y a dans cette conduite un vol manifeste. Le curé Meslier, et Woolston après lui, reprochent aux Juifs que tous leurs ancêtres sont des voleurs ; qu'Abraham vola le roi d'Égypte et le roi de Gérare, en leur faisant accroire que Sara n'était que sa sœur, et en extorquant d'eux des présents ; qu'Isaac vola le même roi de Gérare par la même fraude ; que Jacob vola à son frère Esaü son droit d'aînesse ; que Laban vola Jacob son gendre, lequel vola son beau-père ; que Rachel vola à Laban son père jusqu'à ses dieux ; que tous ses enfants volèrent les Sichémites après les avoir égorgés ; que leurs descendants volèrent les Égyptiens, et qu'ensuite ils allèrent voler les Cananéens. On ferme la bouche à ses détracteurs, par ces seuls mots : Dieu est le maître de nos biens et de nos vies. C'est en vain qu'ils répondent que tous les voleurs de la terre en pourraient dire autant : Dieu n'a pas inspiré les voleurs, mais il a inspiré les Juifs.

 

On connaît d'ailleurs assez l'histoire apocryphe du procès que les Égyptiens firent aux Juifs par devant Alexandre lorsqu'il passa par Gaza. Les Juifs redemandaient le paiement des corvées qu'ils avaient faites pour bâtir les pyramides, et qu'on ne leur avait point payées. Leurs adversaires redemandaient aux Juifs tout ce qu'ils avaient volé en s'enfuyant d'Égypte. Alexandre jugea que l'un irait pour l'autre, et les renvoya hors de cour et de procès, dépens compensés. (Voltaire.) - Woolston, dont il est parlé plus haut, est un philosophe anglais, né en 1669, mort en 1733. Quant au curé Meslier, voyez plus loin, Extrait des sentiments de Jean Meslier. (G.A.)

 

4 - Tous les magiciens, ou ceux qui passèrent pour tels, eurent une verge. Les magiciens de Pharaon avaient la leur. Tous les joueurs de gobelets ont leur verge. C'est partout le signe caractéristique des sorciers. On voit que le mensonge imite toujours la vérité.

 

5 - Il y a ici quelques petites difficultés. Mosé, au lieu d'obéir à Dieu et d'aller en Égypte, s'en va dans le Madian, chez son beau-père. Et Dieu, qui lui avait commandé de faire trembler le roi d'Égypte en son nom, va lui dire en Madian que ce roi est mort, et qu'il peut aller en Égypte en sûreté. C'était donc à un nouveau roi que Mosé devait porter les ordres de Dieu. Mais le texte ne nous apprend ni le nom du roi dernier mort, ni celui de son successeur. Quelques commentateurs ont dit que ce successeur était Aménophis ; mais ils n'en donnent aucune preuve, et c'est ce qui leur arrive assez souvent.

 

Il est vrai que Mosé aurait risqué sa vie en allant en Égypte ; il était coupable du meurtre d'un Égyptien. Il aurait pû être exécuté si Dieu ne l'avait pas pris sous sa protection, dont il semblait pourtant se défier malgré les miracles de la verge changée en couleuvre et de la main lépreuse. C'est encore un beau miracle que Dieu veuille tuer Mosé dans un cabaret.

 

6 - Nos critiques ne cessent de s'étonner que l'ambassadeur de Dieu, qui va faire le destin d'un grand empire, marche à pied sans valet, et mette toute sa famille sur une bourrique. Ils sont révoltés que Dieu dise : J'endurcirai le cœur de Pharaon. Cela leur paraît d'un génie malfaisant plutôt que d'un Dieu. Le lord Bolingbroke s'en explique aigrement dans ses œuvres posthumes. Dieu, qui rencontre Mosé dans un cabaret, et qui veut le tuer parce qu'il n'a pas circoncis son fils, excite toute la mauvaise humeur de Bolingbroke, d'autant plus que nul Juif ne fut circoncis en Égypte, et qu'il n'est dit nulle part que Mosé eut le prépuce coupé. Ce lord avait un grand génie ; on lui reproche d'avoir usé à l'excès de la liberté de son pays, et d'avoir été plus souvent au cabaret que l'auteur sacré n'y fait aller Dieu. (Voltaire.) - Bolingbroke, né en 1672, mort en 1751. Voyez, les Lettres du prince de Brunswick. (G.A.)

 

7 - Il est évident ici que l'Égypte ne reconnaissait plus le Dieu des Hébreux. On croit qu'en ce cas Pharaon n'est point coupable de dire : Qui est donc ce Dieu ? Il ne devient criminel que lorsque les miracles de Mosé et d'Aaron, supérieurs aux miracles de ses mages, ne purent le toucher. Cependant quand on songe que ces mages d'Égypte changent leurs verges en serpents, et toutes les eaux en sang, tout aussi bien que les ambassadeurs du vrai Dieu, quand ils font naître des grenouilles ainsi qu'eux, on est tenté de pardonner à l'embarras où se trouva le roi. Ce ne fut que quand les deux Hébreux firent naître des poux, que les mages commencèrent à ne pouvoir plus les imiter. On pourrait donc dire que le roi crut, avec quelque apparence, que tout cela n'était qu'un combat entre des magiciens, et que les enchanteurs hébreux en savaient plus que ceux de l'Égypte. Dieu pouvait, nous dit-on, ou donner l'Égypte à son peuple, ou le conduire dans le désert sans tant de peine et sans tant de miracles. On est surpris que le Dieu de la nature entière s'abaisse à disputer de prodiges avec des sorciers. De sages théologiens ont répondu que c'est précisément parce que Dieu est le maître de la nature qu'il accordait aux magiciens égyptiens le pouvoir de disposer de la nature, et qu'il bornait ce pouvoir à trois ou quatre miracles. Cette réponse ne satisfait pas les incrédules, parce que rien de ce qui est dans ce livre sacré ne les contente. Ils trouvent surtout que Pharaon n'était point coupable, puisque Dieu prenait le soin lui-même d'endurcir son coeur. Enfin ils nient toute cette histoire d'un bout à l'autre. Contra negantem principia non est disputandum. Nous prions Dieu de ne point endurcir leur cœur.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Commenter cet article