LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 21
Photo de PAPAPOUSS
LA BIBLE EXPLIQUÉE.
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ANCIEN TESTAMENT.
(Partie 21)
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EXODE.
Mosé étant devenu grand, alla voir les Hébreux ses frères ; et ayant rencontré un Égyptien qui outrageait un Hébreu, il tua l'Égyptien et l'enterra dans le sable. Le lendemain, craignant d'être découvert, et que le roi ne le fît mourir, il s'en fut dans le pays de Madian, et s'assit auprès d'un puits (1).
Or, il y avait à Madian un prêtre qui avait sept filles, qui vinrent au puits pour prendre de l'eau et abreuver les troupeaux de leur père. Il survint des pasteurs qui chassèrent ces filles. Mosé prit leur défense et abreuva leurs brebis (2)... Leur père donna du pain et une de ses filles, nommée Séphora, en mariage à Mosé. Séphora enfanta Gersam, et ensuite enfanta Eliézer...
Longtemps après le roi d'Égypte mourut. Or, Mosé paissait les brebis de Jéthro son beau-père près de Madian ; et ayant conduit son troupeau dans le désert, il vint jusqu'à la montagne de Dieu, nommée Horeb (3). Dieu lui apparut en forme de flamme au milieu d'un buisson ; et Mosé voyant que le buisson était enflammé et ne brûlait pas ... Dieu l'appelle du milieu du buisson, et lui dit : Mosé ! Mosé ! Et il répondit : Me voilà. N'approche pas, dit Dieu, ôte tes souliers (4) ; car cette terre est sainte.
Je suis descendu pour délivrer les Israélites de la main des Égyptiens, et je les amènerai dans une terre bonne et spacieuse où coulent le lait et le miel, dans le pays des Cananéens, des Ethéens, des Amorrhéens, des Phéréséens, des Hévéens, et des Jébuséens (5).
1 - L'auteur hébreu, (cité en partie 20), dit au contraire que Mosé alla en Éthiopie, étant alors âgé de treize ans, mais grand, bien fait, et vigoureux ; qu'il combattit pour le roi d'Éthiopie contre les Arabes, et qu'après la mort du roi d'Éthiopie, Nécano, la veuve de ce monarque épousa Mosé, qui fut élu roi. Ce jeune homme, dit l'auteur, honteux de coucher avec la reine, dont il avait été le domestique et le soldat n'osa jamais prendre la liberté de lui rendre le devoir conjugal, sachant d'ailleurs que Dieu avait défendu aux Israélites d'épouser des étrangères. Il eut toujours la précaution de mettre une épée dans le lit entre lui et la reine, afin de n'en point approcher. Ce manège dura quarante ans. Et enfin la reine, ennuyée d'un mari qui mettait toujours une grande épée entre lui et elle, résolut de renvoyer Mosé, et de faire couronner le fils qu'elle avait eut du roi Nécano. Les grands du royaume assemblés renvoyèrent Mosé avec quelques présents, et il se retira alors chez Jéthro dans le pays de Madian. Flavius Josephe raconte cette histoire tout autrement ; mais il assure que Mosé fit la guerre en Éthiopie, et qu'il épousa la fille du roi.
Remarquons seulement ici que l'auteur juif, cité ci-dessus, rapporte beaucoup de miracles faits en Éthiopie par Mosé et par les deux fils du mage Balaam, nommés Jannès et Mambrès, dont il est parlé dans l'Écriture. Remarquons encore que ce Jannès et ce Mambrès étaient les enfants d'un eunuque ; ce qui était le plus grand des miracles. Nous en verrons bientôt d'aussi incompréhensibles et de plus respectables. N'oublions pas d'observer que Flavius Josèphe fait arriver Mosé dans le Madian, sur le rivage de la mer Rouge. Mais il est difficile de prouver qu'il y ait eu un pays nommé Madian, sur cette mer. La sainte Écriture ne parle que du Madian situé à l'orient du lac Asphaltide, ou lac de Sodome, qui est en effet l'un des déserts de l'Arabie Pétrée. Ce fut là que Mosé, roi d'Éthiopie, arriva seul à pied, après une marche de trois cents lieux, s'il était parti d'Éthiopie.
2 - Tous les héros de l'antiquité marchent à pied quand ils n'ont pas de chevaux ailés, et prennent toujours la défense des filles, qu'on leur donne souvent en mariage. On croirait que les auteurs de ces romans auraient copié les vérités hébraïques, s'ils avaient pu les connaître. Nous avons déjà remarqué une grande conformité entre l'histoire sacrée du peuple de Dieu et les fables profanes.
3 - On sait qu'Horeb n'est pas le mont Sinaï, mais qu'il en est fort proche ; ce qu'il n'y a point d'eau au mont Sinaï, mais qu'au mont Horeb il y a trois fontaines : nous nous en rapportons aux voyageurs qui ont été dans ces pays affreux. Il est triste qu'ils se contredisent presque tous. Flavius Josèphe ne parle point de cette apparition de Dieu dans le buisson argent. Il supprime ou il atténue souvent les miracles que les livres saints rapportent, et nous croyons aux livres saints plus qu'à lui.
4 - On n'entrait point dans les temples avec des souliers en Asie et en Égypte ; c'est une coutume qui s'est conservée dans tout l'Orient. Quelques critiques infèrent encore de là que ce livre fut écrit après que les Juifs eurent bâti un temple ; car, disent-ils, qu'importait à Dieu que Mosé marchât chaussé ou nu-pieds dans l'horrible désert d'Horeb ? Ils ne considèrent pas que c'est de là peut-être qu'est venu l'usage dans les pays chauds d'entrer dans les temples sans souliers.
5 - Nous ne demandons pas ici, comme les impies, pourquoi Dieu ne donne pas la superbe et fertile Égypte à son peuple chéri, mais ce petit pays assez mauvais, où il est dit qu'il coule des fleuves de lait et de miel, et qui, tout petit qu'il est, n'a jamais été possédé ni entièrement ni paisiblement par les Juifs, où même ils furent esclaves à plusieurs reprises, l'espace de cent quatre ans, selon leurs propres livres. Nous n'avons pas la criminelle insolence d'interroger Dieu sur ses desseins. Nous produirons seulement ici la lettre de saint Jérôme à Dardanus, écrite l'an 414 de notre ère : c'est la lettre LXXXV. Voici la traduction fidèle faite par les bénédictins de Saint-Maur.
"Je prie ceux qui prétendent que le peuple juif après sa sortie de l'Égypte prit possession de ce pays, de nous faire voir ce que ce peuple en a possédé. Tout son domaine ne s'étendait que depuis Dan jusqu'à Bersabée (cinquante-trois lieues de long). J'ai honte de dire quelle est la largeur de la Terre promise. On ne compte que quinze lieues depuis Joppé jusqu'à Bethléem, après quoi on ne trouve plus qu'un affreux désert habité par des nations barbares... Vous me direz peut-être, ô Juifs, que par la Terre promise on doit entendre celle dont Moïse fait la description dans le livre des Nombres, mais vous ne l'avez jamais possédée... et on me promet à moi dans l'Évangile la possession du royaume du ciel, dont il n'est fait aucune mention dans votre Ancien Testament... Vous êtes devenus esclaves de tous les peuples que vous avez eus pour voisins."
Nous pouvons ajouter à la lettre de saint Jérôme que nous avons vu plus de vingt voyageurs qui ont été à Jérusalem, et qui nous ont tous assuré que ce pays est encore plus mauvais qu'il ne l'était du temps de saint Jérôme, parce qu'il n'y a plus personne qui le cultive, et qui porte de la terre sur les montagnes arides dont il est hérissé, pour y planter de la vigne comme autrefois.
Nous avons peine à concevoir comment un docteur anglican, nommé Shaw, qui n'a fait que passer à Jérusalem, peut être d'un avis contraire à saint Jérôme, qui demeura vingt ans à Bethléem, et qui était d'ailleurs le plus savant des Pères de l'Église. Il ose opposer les fictions de Pietro della Valle au témoignage irréfragable de saint Jérôme. Si ce Shaw avait bien vu, il ne chercherait pas à s'appuyer des mensonges d'un voyageur tel que Pietro della Valle. (Voltaire.) - Shaw, né en 1692, mort en 1751. Della Valle, né à Rome en 1586, mort en 1652. (G.A.)
Tout ce que nous pouvons dire sur la Judée, c'est que les Juifs, à force de soins et des plus pénibles travaux, parvinrent à recueillir du vin, de l'orge, du seigle, des olives, et des herbes odoriférantes, qui se plaisent dans les pays chauds et arides. Mais dès que cette terre a été rendue à elle-même, elle a repris sa première stérilité ; il s'en faut beaucoup qu'elle vaille aujourd'hui la Corse, à laquelle elle ressemble parfaitement.