LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 18

Publié le par loveVoltaire

LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 18

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LA BIBLE EXPLIQUÉE.

 

 

 

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ANCIEN TESTAMENT.

 

 

 

(Partie 18)

 

 

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      Le roi dit donc à Joseph : Votre père et vos frères sont venus à toi ; toute la terre d'Égypte est devant tes yeux. Faites les habiter dans le meilleur endroit, et donne-leur la terre de Gessen ; et si tu connais des hommes entendus, donne-leur l'intendance de mes troupeaux (1). Après cela Joseph introduisit son père devant le roi, qui lui demanda :Quel âge as-tu ? Et il lui répondit : Ma vie a été de cent trente ans, et je n'ai pas eu un jour de bon (2).

 

      Joseph donna donc à son père et à ses frères la possession du meilleur endroit appelé Ramessès, et il leur fournit à tous des vivres ; car le pain manquait dans tout le monde, et la faim désolait principalement l'Égypte et le Canaan.

 

      Joseph ayant tiré tout l'argent du pays pour du blé, mit cet argent dans le trésor du roi ; et les acheteurs n'ayant plus d'argent, tous les Égyptiens vinrent à Joseph : Donnez-nous du pain ; faut-il que nous mourions de faim, parce que nous n'avons point d'argent ? Et il leur répondit : Amenez-moi tout votre bétail, et je vous donnerai du blé en échange. Les Égyptiens amenèrent donc leur bétail (3), et il leur donna de quoi manger pour leurs chevaux, leurs brebis, leurs bœufs, et leurs ânes.

 

      Les Égyptiens étant venus l'année suivante, ils dirent : Nous ne cacherons point à monseigneur que n'ayant plus ni argent ni bétail, il ne nous reste que nos corps et la terre ; faudra-t-il que nous mourions à tes yeux ? Prends nos personnes et nos terres, fais-nous esclaves du roi, et donne-nous des semailles ; car le cultivateur étant mort, la terre se réduit en solitude. Joseph acheta donc toutes les terres et tous les habitants de l'Égypte d'une extrémité du royaume à l'autre, excepté les seules terres des prêtres, qui leur avaient été données par le roi. Ils étaitent en outre nourris des greniers publics ; c'est pourquoi ils ne furent pas obligés de vendre leurs terres. Alors Joseph dit aux peuples : Vous voyez que le pharaon est le maître de toutes vos terres et de toutes vos personnes. Maintenant voici des semailles : ensemencez les champs, afin que vous puissiez avoir du blé et des légumes. La cinquième partie appartiendra au roi ; je vous permets les quatre autres pour semer et pour manger, à vous et à vos enfants. Et ils lui répondirent : Notre salut est en tes mains ; que le roi nous regarde seulement avec bonté, et nous le servirons gaiement (4).

 

      Joseph, après la mort de Jacob, ordonna aux médecins ses valets de l'embaumer avec leurs aromates, et ils employèrent quarante jours à cet ouvrage ; et toute l'Égypte pleura Jacob pendant soixante et dix jours ; et Joseph alla enterrer son père dans le Canaan, avec tous les chefs de la maison du pharaon, toute sa maison et tous ses frères, accompagnés de chariots et de cavaliers en grand nombre : et ils portèrent Jacob dans la terre de Canaan, et ils l'ensevelirent dans la caverne qu'Abraham avait achetée d'Ephron l'Ethéen, vis-à-vis de Mambré (5).

 

      Joseph, revenu dans l'Égypte avec toute la maison de son père, il vit Ephraïm, et les enfants d'Ephraïm; et ceux de Manassé son autre fils, jusqu'à la troisième génération, et il mourut âgé de cent dix ans, et on l'embauma, et on mit son corps dans un coffre en Égypte (6).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1 - Ce roi, qui offre l'intendance de ses troupeaux, semble marquer qu'il était de la race des rois pasteurs : c'est ce qui augmente encore les difficultés que nous avons à résoudre ; car si ce roi a des troupeaux, et si tout son peuple en a aussi, comme il est dit après, il n'est pas possible qu'on détestât ceux qui en avaient soin.

 

3 - Cette réponse qu'on met dans la bouche de Jacob est d'une triste vérité ; elle est commune à tous les hommes. La Vulgate dit : Mes années ont été courtes et mauvaises. Presque tout le monde en peut dire autant, et il n'y a peut-être point de passage, dans aucun auteur, plus capable de nous faire rentrer en nous-mêmes avec amertume. Si on veut bien y faire réflexion, on verra que tous les pharaons du monde, et tous les Jacobs, et tous les Josephs, et tous ceux qui ont des blés et des troupeaux, et surtout ceux qui n'en ont pas, ont des années très malheureuses, dans lesquelles on goûte à peine quelques moments de consolation et de vrais plaisirs.

 

4 - Ceci fait bien voir la vérité de ce que nous venons de dire, que les hommes mènent une vie dure et malheureuse dans les plus beaux pays de la terre. Mais aussi les Égyptiens paraissent peu avisés de se défaire de leurs troupeaux pour avoir du blé. Ils pouvaient se nourrir de leurs troupeaux et des légumes qu'ils auraient semés, et en vendant leurs troupeaux ils n'avaient plus de quoi jamais labourer la terre. Joseph semble un très mauvais ministre, à ce que disent les critiques, ou plutôt un tyran ridicule et extravagant, de mettre toute l'Égypte dans l'impossibilité de semer du blé. Ce qui est plus surprenant, c'est que l'auteur ne dit pas un mot de l'inondation périodique du Nil, et il ne donne aucune raison pour laquelle Joseph ait empêché qu'on ne semât et qu'on ne labourât la terre.

 

C'est ce qui a porté les lords Herbert et Bolingbroke, les savants Fréret et Boulanger, à supposer témérairement que toute l'histoire de Joseph ne peut être qu'un roman : il n'est pas possible, disent-ils, que le Nil ne se soit pas débordé pendant sept années de suite. Tout ce pays aurait changé de face pour jamais ; il aurait fallu que les cataractes du Nil eussent été bouchées, et alors toute l'Éthiopie n'aurait été qu'un vaste marais. Ou, si les pluies qui tombent régulièrement chaque année dans la zone torride avaient cessé pendant sept années, l'intérieur de l'Afrique serait devenu inhabitable. Nous répondons que les pluies cessèrent tout aussi aisément qu'Élie ordonna depuis qu'il n'y aurait pendant sept ans ni pluie ni rosée, et que l'un n'est pas plus difficile que l'autre.

 

4 - C'est ici que les critiques s'élèvent avec plus de hardiesse. Quoi ! disent-ils, ce bon ministre Joseph rend toute une nation esclave ! Il vend au roi toutes les personnes et toutes les terres du royaume ! C'est une action aussi infâme et aussi punissable que celle de ses frères, qui égorgèrent tous les Sichémites. Il n'y a point d'exemple dans l'histoire du monde d'une pareille conduite d'un ministre d'État. Un ministre qui proposerait une telle loi en Angleterre porterait bientôt sa tête sur un échafaud. Heureusement une histoire si atroce n'est qu'une fiction. Il y a trop d'absurdité à s'emparer de tous les bestiaux, lorsque la terre ne produisait point d'herbe pour les nourrir. Et si elle avait produit de l'herbe, elle aurait pu produire aussi du blé ; car de deux choses l'une : le terrain de l'Égypte étant de sable, les inondations régulières du Nil peuvent seules faire produire de l'herbe ; ou bien ces inondations manquant pendant sept années, tous les bestiaux doivent avoir péri. De plus, on n'était alors qu'à la quatrième année de la stérilité prétendue. A quoi aurait servi de donner au peuple des semailles, pour ne rien produire pendant trois autres années ? Ces sept années de stérilité, ajoutent-ils, sont donc la fable la plus incroyable que l'imagination orientale ait jamais inventée. Il semble que l'auteur ait tiré ce conte de quelques prêtres d'Égypte. Ils sont les seuls que Joseph ménage : leurs terres sont libres quand la nation est esclave, et ils sont encore nourris aux dépens de cette malheureuse nation. Il faut que les commentateurs d'une telle fable soient aussi absurdes et aussi lâches que son auteur.

 

C'est ainsi que s'explique mot à mot un de ces téméraires. Un seul mot peut les confondre. L'auteur était inspiré, et l'Église entière, après un mûr examen, a reçu ce livre comme sacré.

 

5 - On voit par là que les embaumements, si fameux dans l'Égypte, étaient en usage depuis très longtemps. La plupart des drogues qui servaient à embaumer les morts ne croissent point en Égypte ; il fallait les acheter des Arabes, qui les allaient chercher aux Indes à dos de chameau, et qui revenaient par l'isthme de Suez les vendre en Égypte pour du blé. Hérodote et Diodore rapportent qu'il y avait trois sortes d'embaumements, et que la plus chère coûtait un talent d'Égypte, évalué, il y a plus de cent ans, à 2688 livres de France, et qui, par conséquent, en vaudrait aujourd'hui à peu près le double. On ne rendait pas cet honneur au pauvre peuple. Avec quoi l'aurait-il payé, surtout dans ce temps de famine ? Les rois et les grands voulaient triompher de la mort même : ils voulaient que leurs corps durassent éternellement. Il est vraisemblable que les pyramides furent inventées, dès que la manière d'embaumer fut connue. Les rois, les grands, les principaux prêtres, firent d'abord de petites pyramides pour tenir les corps sèchement dans un pays couvert d'eau et de boue pendant quatre mois de l'année. La superstition y eut encore autant de part que l'orgueil. Les Égyptiens croyaient qu'ils avaient une âme, et que cette âme reviendrait animer leur corps au bout de trois mille ans, comme nous l'avons déjà dit. Il fallait donc précieusement conserver les corps des grands seigneurs, afin que leurs âmes les retrouvassent ; car pour les âmes du peuple, on ne s'em embarrasse jamais ; on le fit seulement travailler aux sépulcres de ses maîtres. C'est donc pour perpétuer les corps des grands qu'on bâtit ces hautes pyramides qui subsistent encore, et dans lesquelles on a trouvé de nos jours plusieurs momies.

 

Il est de la plus grande vraisemblance que plusieurs pyramides existaient lorsqu'on enmbauma Jabob : et il est étonnant que l'auteur n'en parle pas, et qu'il n'en soit jamais fait la moindre mention dans l'Écriture. Le seul Flavius Josèphe, historien juif, dit que Pharaon faisait travailler les Hébreux à bâtir les pyramides.

 

6 - Non-seulement on déposait les corps dans les pyramides, mais on les gardait longtemps dans les maisons, enfermés dans des coffres ou cercueils de bois de cèdre ; ensuite on les portait dans une pyramide, soit petite, soit grande. Les petites ont été détruites par le temps ; les grandes ont résisté. L'auteur De inirabilibus, sacrœ Scripturœ dit qu'on dressa une figure de veau sur le coffre où l'on mit Joseph, et qu'on rendit des honneurs divins à cette figure. Des commentateurs ont voulu qu'il fût Sérapis ; et ils se sont fondés sur ce que Sérapis passait pour avoir délivré l'Égypte de la famine. On a été chercher dans Plutarque le nom d'Osiris qui s'appelait Arsaphe : on a cru trouver dans le mot Arsaphe l'étymologie du mot Joseph : cependant ce Joseph ne s'appelle point Joseph chez les Orientaux, mais Joussouph. Un auteur moderne a prétendu que Joseph est la même chose que Salomon, ou, selon les Orientaux, Soleiman ; et que Joseph est encore le même que Logman ou qu'Esope. Ce n'est pas la peine d'examiner sérieusement des imaginations si bizarres : nous nous en tenons au texte divin.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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