LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 16
Photo de PAPAPOUSS
LA BIBLE EXPLIQUÉE.
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ANCIEN TESTAMENT.
(Partie 16)
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Après cela, il arriva que deux autres eunuques du roi d'Égypte, son échanson et son panetier (1), furent mis dans la prison du prince de l'armée, dans laquelle prison Joseph était enchaîné, et ils eurent chacun un songe dans la même nuit ; ils dirent à Joseph : Nous avons eu chacun un songe, et il n'y a personne pour l'expliquer ; et Joseph leur dit (2) : N'est-ce pas Dieu qui interprète les songes ? Raconte-moi ce que tu as vu. Le grand échanson du roi lui répondit : J'ai vu une vigne : il y avait trois branches qui ont produit des boutons, des fleurs, et des raisins mûrs ; je tenais dans ma main la coupe du roi ; j'ai pressé dans sa coupe le jus des raisins, et j'en ai donné à boire au roi. Joseph lui dit : Voici l'interprétation de ce songe. Les trois branches sont trois jours, après lesquels Pharaon te rendra ton emploi, et tu lui serviras à boire comme à l'ordinaire. Je te prie seulement de te souvenir de moi, afin que le pharaon me fasse sortir de cette prison, car j'ai été enlevé par fraude de la terre des Hébreux, et j'ai été mis dans une citerne.
Le grand panetier dit à Joseph : J'ai eu aussi un songe. J'avais trois paniers de farine sur ma tête, et les oiseaux sont venus la manger. Joseph lui répondit : Les trois corbeilles signifient trois jours, après quoi Pharaon te fera pendre, et les oiseaux te mangeront.
Trois jours après arriva le jour de la naissance de Pharaon : il fit un grand festin à ses officiers, et se ressouvint à table de son grand échanson et de son grand panetier. Il rétablit l'un pour lui donner à boire, et fit pendre l'autre, afin de vérifier l'explication de Joseph ; mais le grand échanson étant rétabli oublia l'interprète de son rêve.
Deux ans après, Pharaon eut un songe. Il crut être sur le bord d'un fleuve d'où sortaient sept vaches belles et grasses, et ensuite sept maigres et vilaines, et ces vilaines dévorèrent les belles. Il se rendormit, et vit sept épis très beaux à une même tige, et sept autres épis désséchés qui mangèrent les autres épis. Saisi de terreur, il envoya dès le matin chercher tous les sages et tous les devins ; nul ne put lui expliquer son rêve. Alors le grand échanson se souvint de Joseph ; il fut tiré de prison par ordre du roi, et présenté à lui, après qu'on l'eut rasé et habillé.
Joseph répondit : Les deux songes du roi signifient la même chose. Les sept belles vaches et les sept beaux épis signifient sept ans d'abondance ; les sept vaches maigres et les sept épis désséchés signifient sept années de stérilité. Il faut donc que le roi choisisse un homme sage et habile qui gouverne toute la terre d'Égypte, et qui établisse des préposés qui gardent chaque année la cinquième partie des fruits. Le conseil plut à Pharaon et à ses ministres. Le roi leur dit : Où pouvons-nous trouver un homme aussi rempli que lui de l'esprit de Dieu ? Et il dit à Joseph : Puisque Dieu t'a montré tout ce que tu m'as dit, où pourrai-je trouver un homme plus sage que toi, et semblable à toi ? (3) Il lui donna son anneau, le vêtit d'une robe de fin lin, il lui mit au cou un collier d'or, le fit monter sur un char ; un héraut criait : Que tout le monde fléchisse le genou devant le gouverneur de l'Égypte ! Il changea aussi son nom ; il l'appela Zaphnat-Paeneah, et lui fit épouser Aseneth, fille de Putiphar, qui était prêtre d'Héliopolis.
Avant que la famine commençât, Joseph eut deux fils de sa femme Aseneth, fille de Putiphar, et il nomma l'aîné Manassé, et l'autre Ephraïm (4).
Or Jacob, ayant appris qu'on vendait du blé en Égypte, dit à ses enfants : Allez acheter en Égypte du blé... Ils vinrent donc se présenter devant Joseph. Joseph les ayant reconnus, ses frères ne le reconnurent pas, quoiqu'il les eût bien reconnus ; et il leur dit : Vous êtes des espions. Ils répliquèrent : Nous sommes douze frères et vos serviteurs, tous enfants d'un même père, et l'autre n'est plus au monde. Allez, allez, leur dit Joseph, vous êtes des espions. Envoyez quelqu'un de vous chercher votre petit frère, et vous resterez en prison jusqu'à ce que je sache si vous avez dit vrai ou faux. Il les fit donc mettre en prison pour trois jours, et le troisième jour il les fit sortir, et leur dit : Qu'un seul de vos frères demeure dans les liens en prison ; vous autres, allez-vous-en, et emportez le froment que vous avez acheté ; mais amenez-moi le plus jeune de vos frères, afin que je voie si vous m'avez trompé, et que vous ne mouriez point. Et ayant fait prendre Siméon, il le fit lier en leur présence. Il ordonna à ses gens d'emplir leurs sacs de blé, et de remettre dans leurs sacs leur argent, et de leur donner encore des vivres pour leur voyage. Les frères de Joseph partirent donc avec leurs ânes chargés de froment, et étant arrivés à l'hôtellerie (5), l'un d'eux ouvrit son sac pour donner à manger à son âne ; et il dit à ses frères : On m'a rendu mon argent, le voici dans mon sac. Et ils furent tous saisis d'étonnement (6). Étant arrivés chez leur père en la terre de Canaan, ils lui contèrent tout ce qui leur était arrivé. Jacob leur dit : S'il est nécessaire que j'envoie mon fils Benjamin, faites ce que vous voudrez. Prenez les meilleurs fruits de ce pays-ci dans vos vases, un peu de résine, de miel, de storax, du térébinthe et de la menthe ; portez aussi avec vous le double de l'argent que vous avez porté à votre voyage, de peur qu'il n'y ait eu de la méprise...
1 - Il se peut que dans des temps très postérieurs le mot eunuque fût devenu un titre d'honneur, et que les peuples accoutumés à voir ces hommes dépouillés des marques de l'homme, parvenus aux plus grandes places pour avoir gardé des femmes, se soient accoutumés enfin à donner le nom d'eunuques aux principaux officiers des rois orientaux : on aura dit l'eunuque du roi, au lieu de dire le grand écuyer, le grand échanson du roi ; mais cela ne peut être arrivé dans des temps voisins du déluge. Il faut donc croire que Putiphar, et ses deux officiers qualifiés eunuques, l'étaient véritablement.
2 - L'explication des songes doit être encore plus ancienne que l'usage de châtrer les hommes que les rois admettaient dans l'intérieur de leur palais. C'est une faiblesse naturelle d'être inquiet d'un songe pénible ; et quiconque manifeste sa faiblesse trouve bientôt un charlatan qui en abuse. Un songe ne signifie rien ; et si par hasard il signifiait quelque chose, il n'y aurait que Dieu qui le sût et qui pût le révéler. Il est défendu dans le Lévitique d'expliquer les songes ; mais le Lévitique n'était pas fait du temps de Joseph. On doit croire que Dieu même l'instruisit, puisqu'il dit que Dieu est l'interprète des songes.
Ce qui peut embarrasser, c'est qu'il semble ici que le pharaon, et ses officiers, et Joseph leur dit que Dieu envoie les songes et les explique, ils ne répliquent rien ; ils en conviennent. Cependant l'Égypte et les enfants de Jacob n'avaient pas la même religion ; mais on peut reconnaître le même Dieu, et différer dans les dogmes. Les catholiques romains et les catholiques grecs, les luthériens et les calvinistes, les Turcs et les Persans, ont le même Dieu, et ne sont point d'accord ensemble.
3 - Le pharaon déclare ici deux fois que l'esclave hébreu est inspiré de Dieu ; il ne dit pas, de son Dieu particulier ; il dit de Dieu en général. Il semble donc ici que, malgré toutes les superstitions qui dominaient, malgré la magie et les sorcelleries auxquelles on croyait, le Dieu universel était reconnu à Memphis comme dans la famille d'Abraham, du moins au temps de Joseph. Mais comment savoir ce que croyaient des Égyptiens ? ils ne le savaient pas eux-mêmes.
On fait une autre question moins importante. On demande comment sept épis de blé en purent manger sept autres ? Nous n'entreprendrons point d'expliquer ce repas.
4 - Ceci est singulier. Joseph, petit-fils d'Abraham, épouse Aseneth, fille de la femme d'un eunuque qui l'avait mis dans les fers. Quel était le père d'Aseneth ? Ce n'était pas l'eunuque Putiphar. L'Alcoran, au Sura Joseph, conte, d'après d'anciens auteurs juifs, que cette Aseneth était un enfant au berceau lorsque la femme de Putiphar accusa Joseph de l'avoir voulu violer. Un domestique de la maison dit qu'il fallait s'en rapporter à cet enfant, qui ne pouvait encore parler : l'enfant parla. Écoutez, dit-elle à Putiphar : si ma mère a déchiré le manteau de Joseph par devant, c'est une preuve que Joseph voulait la prendre à force ; mais si ma mère a pris et déchiré le manteau par derrière, c'est une preuve qu'elle courait après lui. (Voltaire.) - Nous avons donné en note, dans le Dictionnaire philosophique, à l'article JOSEPH, la traduction exacte de ce passage du Koran. (G.A.)
5 - Les critiques assurent qu'il n'y avait point encore d'hôtelleries dans ce temps-là. Ils ajoutent cette objection à tant d'autres, pour faire voir que Moïse n'a pu être l'auteur de la Genèse. Il est vrai que nous ne connaissons point d'hôtelleries chez les Grecs, et qu'il n'y en eut point chez les premiers Romains. On conjecture que l'usage des hôtelleries était aussi inconnu chez les Égyptiens que dans la Palestine ; mais on n'en a pas de preuves certaines. Il n'est pas impossible que des marchands arabes eussent établi quelques hangars, quelques cabanes, comme depuis on a établi des caravansérails. Il est même vraisemblable que des rois d'Égypte, qui avaient bâti des pyramides, n'avaient pas négligé de construire quelques édifices en faveur du négoce.
6 - On dit que si les patriarches chargèrent leurs ânes, il est à croire qu'ils marchèrent à pied depuis le Canaan jusqu'à Memphis, ce qui fait un chemin d'environ cent lieues. On infère de là qu'ils étaient fort pauvres, ne possédant aucun domaine considérable, et ne vivant que comme des Arabes du désert, voyageant sans cesse, et plantant leurs tentes où ils pouvaient. Cependant le pillage de Sichem devait les avoir enrichis. La seule difficulté est de savoir comment Jacob et ses onze enfants avaient pu être soufferts dans un pays où ils avaient commis une action si horrible, et où toutes les hordes cananéennes devaient se réunir pour les exterminer.
Au reste, si la famine forçait les enfants d'Israël d'aller à Memphis, tous les Cananéens, qui manquaient de blé, devaient y aller aussi.