LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 14
Photo de PAPAPOUSS
LA BIBLE EXPLIQUÉE.
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ANCIEN TESTAMENT.
(Partie 14)
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Les fils de Jacob répondirent frauduleusement à Sichem et à son père : il est illicite et abominable parmi nous de donner notre sœur aux incirconcis ; rendez-vous semblables à nous coupez vos prépuces, et alors nous vous donnerons nos filles, et nous prendrons les vôtres, et nous ne ferons qu'un peuple. La proposition fut agréable à Sichem, à Hémor, et au peuple. Tous les mâles se firent couper le prépuce ; et au troisième jour de l'opération, Siméon et Lévi, frères de Dina, entrèrent dans la ville, massacrèrent tous les mâles, tuèrent surtout le roi Hémor et le prince Sichem ; après quoi tous les autres fils de Jacob vinrent dépouiller les morts, saccagèrent la ville, prirent les moutons, les bœufs, et les ânes, ruinèrent la campagne, et emmenèrent les femmes et les enfants captifs.
Sur ces entrefaites Dieu dit à Jacob (1) : Lève-toi, va à Béthel, habite-s-y, dresse un autel au Dieu qui t'apparut quand tu fuyais ton frère Esaü. Jacob ayant rassemblé tous ses gens, leur dit : Jetez loin de vous tous les dieux étrangers qui sont parmi vous ; purifiez-vous, et changez d'habits. Ils lui donnèrent donc tous les dieux qu'ils avaient, et les ornements qui étaient aux oreilles de ces dieux ; et Jacob les enfouit au pied d'un térébinthe, derrière la ville de Sichem. Quand ils furent partis, Dieu jeta la terreur dans toutes les villes des environs, et personne n'osa les poursuivre dans leur retraite.
Dieu apparut une seconde fois à Jacob, depuis son retour de Mésopotamie, et Dieu lui dit : Ton nom ne sera plus Jacob, mais ton nom sera Israël ; et il lui dit : Je suis le Dieu très puissant, je te terai croître et multiplier ; tu seras père de plusieurs nations, et des rois sortiront de tes reins.
Jacob partit ensuite de Béthel, et vint au printemps au pays qui mène à Ephrata, Rachel étant près d'accoucher. Ses couches furent si douloureuses qu'elles la mirent à la mort. Son âme étant près de sortir, elle donna à son fils le nom de Benoni, le fils de ma douleur. Mais Jacob l'appela Benjamin, le fils de ma droite. Rachel mourut, et fut enterrée sur le chemin qui mène à Ephrata, c'est-à-dire à Bethélem. Jacob mit une pierre sur le lieu de la sépulture, qu'on voit encore aujourd'hui.
Or, étant parti de ce lieu, il transporta ses tentes dans un endroit appelé la Tour des troupeaux, et ce fut là que Ruben, fils aîné de Jacob, coucha avec Bala (2); femme ou concubine de son père.
Or Jacob avait douze fils. Les fils de Lia sont Ruben, Siméon, Lévi, Juda, Issachar, et Zabulon. Les fils de Rachel sont Dan et Nephtali (3). Les fils de la servante Zalpha sont Gad et Azer. Voilà les fils qui sont né à Jacob en Mésopotamie.
Or voici les générations d'Esaü, qui sont nées d'Esaü qui est le même qu'Edom. Esaü épousa des filles cananéennes, Ada, Oolibama, Basémath, et il en eut plusieurs fils qui furent princes, et qui firent paître des ânes.
(Ici l'auteur sacré, après avoir nommé tous ces princes arabes, ajoute :) Ce sont là les rois qui régnèrent dans le pays d'Edom, avant que les enfants d'Israël eussent un roi (4).
Or Jacob habita dans la terre de Canaan, où son père avait voyagé ; et voici les affaires de la famille de Jacob. Joseph, âgé de seize ans (5), menait paître le troupeau de ses frères, et il accusa ses frères auprès de son père d'un très grand crime. Or, Israël aimait son fils Joseph plus que tous ses enfants, parce qu'il l'avait engendré étant vieux ; et même il lui avait donné une tunique bigarré ; c'est pourquoi ses frères le haïssaient.
Il arriva aussi qu'il leur raconta un songe qui le fit haïr encore davantage. Il leur dit : Écoutez mon songe : J'ai songé que nous étions occupés ensemble à lier des gerbes, que ma gerbe s'élevait et que vos gerbes adoraient ma gerbe. J'ai songé encore un autre songe ; c'est que le soleil et la lune et onze étoiles m'adoraient... Et ses frères se disaient : Tuons notre songeur, et nous dirons qu'une bête l'a mangé, et nous verrons de quoi lui auront servi ses songes... Et, s'étant assis ensuite pour manger leur pain, ils virent des Ismaélites qui venaient de Galaad avec des chameaux chargés d'aromates ; ils vendirent à ces marchands leur frère Joseph qu'ils avaient jeté tout nu dans un puits sec, après l'avoir dépouillé de sa belle robe bigarrée, et ils le vendirent vingt pièces d'argent (6). Alors ils prirent la tunique de Joseph, et l'ayant arrosée du sang d'un chevreau, ils l'envoyèrent à leur père, et lui dirent dire : Nous avons trouvé cela ; vois si c'est la robe de ton fils, ou non. Et Jacob ayant déchiré ses vêtements, il se revêtit d'un cilice, pleurant longtemps son fils ; et il dit : Je descendrai avec mon fils dans l'enfer. Et il continua de pleurer.
1 - Plusieurs critiques ont remarqué, avec étonnement et avec douleur, que le Dieu de Jacob ne marque ici aucun ressentiment qui tuerait Caïn, et septante fois sept fois ceux qui tueraient Lamech.
On ne dit point quels étaient ces dieux étrangers que ces domestiques avait amenés de Mésopotamie ; on croit qu'ils étaient les mêmes que les Théraphim de Rachel.
Dieu bénit encore Jacob, et lui promet que des rois sortiront de ses reins. Des critiques ont supposé que Dieu seul étant roi des Hébreux, Moïse, qui était le lieutenant de Dieu, ne pouvait regarder comme une bénédiction la promesse de faire sortir des rois des reins de Jacob, attendu que lorsque dans la suite les Juifs eurent des rois, le prophète Samuel regarda ce changement comme une malédiction, et dit expressément au peuple que c'était trahir Dieu, et renoncer à lui, que de reconnaître un roi. De là ces censeurs conclurent témérairement qu'il est impossible que Moïse ait écrit le Pentateuque. Nous ne nous arrêterons point à de telles critiques : seulement nous remarquerons encore que les Iduméens, fils d'Esaü, furent toujours plus puissants, plus nombreux, plus riches, que les descendants de Jacob, qui furent si souvent esclaves.
2 - Ce que dit le texte de la ville d'Ephrata et du bourg de Bethléem donne encore occasion aux critiques de dire que Moïse n'a pu écrire le Pentateuque. Leur raison est que la ville d'Ephrata ne reçut ce nom que de Caleb du temps de Josué, et que ni Béthléem ni Jésuraslem n'existaient encore. Bethléem reçut de nom de la femme de Caleb, qui se nommait Ephrala. Cette nouvelle critique est forte ; nous y répondons ce que nous avons déjà répondu aux autres.
Il est étrange que Ruben, le premier des patriarches, prenne précisément le temps de la mort de Rachel pour coucher avec la concubine ou la femme de son père, sans que la sainte Écriture marque son horreur pour ce nouveau crime. Les voies du Seigneur ne sont pas les nôtres. La servante Bala, souillée de cet inceste, est la première des prostituées dont il soit parlé dans l'Écriture ; elle est femme de ce même Jacob dont Jésus-Christ lui-même a daigné naître, pour montrer, sans doute, qu'il lavait tous les péchés. Jacob ne témoigne ici aucune colère de cette abomination. Il attendit l'article de sa mort pour reprocher à Ruben sa turpitude, et le massacre des Sichémites à Siméon et à Lévi. On lui fait dire à Ruben en mourant : "Mon fils premier-né, tu étais ma force, mais la cause de ma douleur : tu t'es répandu comme l'eau : tu ne croîtras point, parce que tu as monté sur le lit de ton père, et que tu as maculé sa couche." Et il ajouta : "Les deux frères Siméon et Lévi ont été des vases belliqueux d'iniquités : que leur fureur soit maudite, etc."
3 - Erreur de copiste. Il faudrait lire : Les fils de Rachel sont Joseph et Benjamin, les fils de Bala sont Dan et Nephtali. (G.A.)
4 - Ce passage de l'auteur sacré a enhardi plus qu'aucun autre les critiques à soutenir que Moïse ne pouvait être l'auteur de ce livre : ils ont dit qu'il était de la plus grande évidence que ces mots "avant que les enfants d'Israël eussent un roi," n'ont pu être écrits que sous les rois d'Israël. C'est le sentiment du savant Leclerc, de plusieurs théologiens de Hollande, d'Angleterre, et même du grand Newton. Nous ne pouvons nous empêcher d'avouer que si la Bible était un livre ordinaire, écrit par les hommes avec cette scrupuleuse exactitude qu'on exige aujourd'hui, ce passage aurait été tourné autrement. Il est certain que si un auteur moderne avait écrit : "Voici les rois qui ont régné en Espagne avant que l'Allemagne eût sept électeurs." tout le monde conviendrait que l'auteur écrivait du temps des électeurs. Le Saint-Esprit ne se règle pas sur de pareilles critiques ; il s'élève au-dessus des temps et des lois de l'histoire ; il parle par anticipation ; il mêle le présent et le passé avec le futur. En un mot, ce livre ne ressemble à aucun autre livre, et les faits qui y sont contenus ne ressemblent à aucun des autres événements qui se sont passés sur la terre.
5 - Voyez le Dictionnaire philosophique, article JOSEPH. (G.A.)
6 - Le peuple de Dieu n'était alors composé que de quatorze hommes, Isaac, Jacob et ses douze enfants, dans le temps qu'on voyait partout de grandes nations. Les Pères ont remarqué que c'est la figure du petit nombre des élus ; mais, parmi ces élus, Jacob trompe son père et son frère, et il vole son beau-père. Il couche avec ses servantes. Ruben couche avec sa belle-mère. Deux enfants de Jacob égorgent tous les mâles de Sichem. Les autres enfants pillent la ville. Ces mêmes enfants veulent assassiner leur frère Joseph, et ils le vendent pour esclave à des marchands. Cette famille semble bien abominable aux critiques. Mais le R.P dom Calmet prouve que Joseph, vendu par ses frères pour vingt pièces d'argent, annonce évidemment Jésus-Christ vendu trente pièces par Judas Iscariote. Encore une fois, les voies de Dieu ne sont pas nos voies.
A l'égard des songes qui attirèrent à Joseph la haine de ses frères, ils ont toujours été regardés comme envoyés du ciel ; et dans toutes les nations il se trouva des charlatans qui les expliquaient. Cette explication des songes est expressément défendue dans le Lévitage, chapitre XIX ; et il est dit dans le chapitre XIII du Deutéronome, que le songeur de songes doit être mis à mort dans certains cas. Mais pour Joseph, on verra qu'il ne réussit en Égypte, et qu'il ne fut le soutien de sa famille, qu'à cause de ses songes.
Quant aux marchands ismaélites, on voit qu'ils faisaient déjà un grand commerce d'aromates et d'esclaves : ce qui marque une extrême population. Les douze enfants d'Ismaël avaient déjà produit un peuple immense, et les douze enfants de son neveu Jacob paraissaient être encore dans la misère, réduits à garder les moutons, malgré les richesses que le sac de la ville de Sichem devait leur avoir procurées.