LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 13

Publié le par loveVoltaire

LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 13

Photo de PAPAPOUSS

 

 

 

 

LA BIBLE EXPLIQUÉE.

 

 

 

________

 

 

 

ANCIEN TESTAMENT.

 

 

 

(Partie 13)

 

 

______

 

 

AVIS DE L'ÉDITEUR.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Or Jacob ayant entendu les enfants de Laban qui disaient : Jacob a volé tout ce qui était à notre père ; et le Seigneur ayant dit surtout à Jacob : Sauve-toi dans le pays de tes pères et vers ta parenté, et je serai avec toi, il appela Rachel et Lia, les fit monter sur des chameaux, et partit ; et prenant tous ses meubles avec ses troupeaux, il alla vers Isaac, son père, au pays de Canaan. Ayant passé l'Euphrate, Laban le poursuivit pendant sept jours, et l'atteignit enfin vers la montagne de Galaad ; mais Dieu apparut en songe à Laban, et lui dit : Garde-toi bien de rien dire contre Jacob (1).

 

      Or, Laban étant allé tondre ses brebis, Rachel, avant de fuir, avait pris ce temps pour voler les Théraphim, les idoles de son père ; et Laban ayant enfin atteint Jacob, il lui dit : Je pourrais te punir ; mais le Dieu de ton père m'a dit hier : Prends garde de molester Jacob. Eh bien ! veux-tu t'en aller voir ton père Isaac ? soit ; mais pourquoi m'as-tu volé mes dieux ? Jacob lui répondit : Je craignais que tu ne m'enlevasses tes filles par violence ; mais pour tes dieux, je consens qu'on fasse mourir celui qui les aura volés (2).

 

      Laban entra donc dans les tentes de Jacob, de Lia et des servantes, et ne trouva rien ; et étant entré dans les tentes de Rachel, elle cacha promptement les idoles sous le bât d'un chameau, s'assit dessus, et dit à son père : Ne te fâche pas, mon père, si je ne puis me lever, car j'ai mes ordinaires. Alors Jacob et Laban se querellèrent et se raccommodèrent, puis firent un pacte ensemble. Ils élevèrent un monceau de pierres pour servir de témoignage, et l'appelèrent le monceau du témoin, chacun dans sa langue.

 

      Comme il était seul en chemin pendant la nuit, voici qu'un fantôme lutta contre lui du soir jusqu'au matin ; et ce fantôme, ne pouvant le terrasser, lui frappa le nerf de la cuisse, qui se sécha aussitôt ; et le fantôme, l'ayant ainsi frappé, lui dit : Laisse-moi aller, car l'aurore monte. Je ne te lâcherai point, répondit Jacob, que tu ne m'aies béni. Le spectre dit : Quel est ton nom ? Il lui répondit : On m'appelle Jacob. Le spectre dit alors : On ne t'appellera plus Jacob ; car si tu as pu combattre contre Dieu, combien seras-tu plus fort contre les hommes (3) !

 

      Jacob étant donc revenu de Mésopotamie, vint à Salem, et acheta des enfants d'Hémor, père du jeune prince Sichem, une partie d'un champ pour ces agneaux, ou pour cent dragmonim.

 

      Alors Dina, fille de Lia, sortit pour voir les femmes du pays de Sichem ; et le prince Sichem, fils d'Hémor, roi du pays, l'aima, l'enleva, et coucha avec elle, et lui fit de grandes caresses, et son âme demeura jointe avec elle. Et courant chez son père Hémor, il lui dit : Mon père, je t'en conjure, donne moi cette fille pour femme (4).

 

      Hémor alla en parler à Jacob, et il en parla aussi aux enfants de Jacob. Il leur dit : Allions-nous ensemble par des mariages ; donnez-nous vos filles, et prenez les nôtres ; demeurez avec nous. Cette terre est à vous : cultivez-là, possédez-la, faites-y commerce. Sichem parla de même ; il dit : Demandez la dot que vous voudrez, les présents que vous voudrez, vous aurez tout pourvu que j'aie Dina.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1 - Il y a bien des choses dignes d'observation. D'abord Dieu défend à Abraham, à Isaac, et à Jacob, d'épouser des filles idolâtres, et tous trois, par l'ordre de Dieu même, épousent des filles idolâtres, car ils épousent leurs parentes idolâtres, petites-filles de Tharé, potier de terre, faiseur d'idoles. Laban est idolâtre ; Rachel et Lia sont idolâtres. Ensuite Laban et Jacob son gendre ne sont occupés, pendant vingt ans, qu'à se trmoper l'un l'autre. Jacob s'enfuit avec ses femmes et ses concubines, comme un voleur ; et il traîne de l'Euphrate avec lui douze enfants, qui sont les douze patriarches qu'il a eus des deux sœurs et de leurs deux servantes. Dieu prend son parti, et avertit Laban l'idolâtre de ne point molester Jacob. C'est, dit-on, une figure de l'Église chrétienne. Nous respectons cette figure, et nous ne sommes ni assez savants pour la comprendre, ni assez téméraires pour entrer dans les jugements de Dieu.

 

2 - On ne voit dans toute cette histoire que des larcins. L'idolâtre Rachel, quoiqu'elle soit la figure de l'Église, vole les Théraphim, les idoles de son père. Etait-ce pour les adorer ? Pour avoir une sauvegarde contre les recherches, elle feint d'avoir ses ordinaires pour ne se point lever devant Laban ; comme si une femme qui passait sa vie à garder les troupeaux ne pouvait se lever dans le temps de ses règles.

 

On demande ce que c'était que ces Théraphim. C'étaient sans doute de ces petites idoles, tells qu'en faisait Tharé le potier ; c'étaient des pénates. Les hommes de tous les temps et de tous les pays ont été assez fous pour avoir chez eux de petites figures, des anneaux, des amulettes, des images, des caractères, auxquels ils attachaient une vertu secrète. Le pieux Enée, en fuyant de Troie au milieu des flammes, ne manque pas d'emporter avec lui ses Théraphim, ses pénates, ses petits dieux. Quand Genseric, Totila et le connétable de Bourbon prirent Rome, les vieilles femmes emportaient ou cachaient les images en qui elles avaient le plus de dévotion.

 

Il reste à savoir comment l'auteur sacré, qui plusieurs siècles après écrivit cette histoire, a pu savoir toutes ces particularités, tous ces discours, et l'anecdote des ordinaires de Rachel. C'est sur quoi le professeur de médecine Astruc a écrit un livre intitulé : Conjectures sur l'Ancien Testament ; mais ce livre n'a pas tenu ce qu'il promettait. - Astruc, né en 1684, mort en 1763. Son livre sur les Mémoires originaux dont il paraît que Moïse s'est servi pour composer la Genèse, est de 1753. (G.A.)

 

3 - Ici vous voyez la paix faite entre le beau-père et le gendre, qui s'accusaient mutuellement de vol. Ensuite Jacob lutte toute la nuit contre un spectre, un fantôme, un homme ; et cet homme, ce spectre, c'est Dieu même. Dieu, en se battant contre lui, le frappe au nerf de la cuisse. Mais il y a six sortes de nerfs qui se perdent dans le nerf crural antérieur et dans le postérieur. Il y a, outre ces nerfs, le grand nerf sciatique qui se partage en deux. C'est ce nerf qui cause la goutte sciatique, et qui peut rendre boiteux. L'auteur ne pouvait entrer dans ces détails ; l'anatomie n'était pas connue. C'est un usage immémorial chez les Juifs d'ôter un nerf de la cuisse des gros animaux dont ils mangent, quoique la loi ne l'ordonne pas.

 

Une autre observation, c'est que la croyance que tous les spectres s'enfuient au point du jour est immémoriale. L'origine de cette idée vient uniquement des rêves qu'on fait quelquefois pendant la nuit, et qui cessent quand on s'éveille le matin.

 

Quant au nom de Jacob changé en celui d'Israël, il est à remarquer que ce nom est celui d'un ange chaldéen. Philon, Juif très savant, nous dit que ce nom chaldéen signifie Voyant Dieu, et non pas Fort contre Dieu. Ce nom de Fort contre Dieu semblerait ne convenir qu'à un mauvais ange.

 

Il est surprenant que Jacob, frappé à la cuisse, et cette cuisse étant desséchée, ait encore assez de force pour lutter contre Dieu, et pour lui dire : Je ne te lâcherai point que tu ne m'aies béni. Tout cela est inexplicable par nos faibles connaissances. - Munk traduit Israël par combattant ou prince de Dieu. (G.A.)

 

4 - Mainmonide fut le premier qui remarqua les contradictions résultantes de cette aventure de Dina. Il crut que cette fille avait été mariée au même Job, à cet Arabe iduméen dont nous avons le livre, qui est le plus ancien monument de nos antiquités. Depuis ce temps, Aben Hezra, et ensuite Alphonse, évêque d'Avila, dans son Commentaire sur la Genèse, le cardinal Cajélan, presque tous les nouveaux commentateurs, et surtout Astruc, ont prouvé, par la manière dont les livres saints sont disposés, qu'en suivant l'ordre chronologique, Dina ne pouvait tout au plus être âgée que de six ans quand le prince Sichem fut si éperdûment amoureux d'elle ; que Siméon ne pouvait avoir qu'onze ans, et son frère Lévi dix, quand ils tuèrent eux seuls tous les Sichémites ; que par conséquent cette histoire est impossible, si on laisse la Genèse dans l'ordre où elle est. Une réforme paraîtrait donc nécessaire pour laver le peuple de Dieu de l'opprobre éternel dont cette horrible action l'a souillé. Il n'y a personne qui ne souhaite que deux patriarches n'aient pas assassiné tout un peuple, et que les autres patriarches n'aient pas fait un désert d'une ville qui les avait reçus avec tant de bonté. Le crime est si exécrable que Jacob même le condamne expressément. Les savants nient absolument toute cette aventure de Dina et de Sichem. Mais aussi comment nier ce que le Saint-Esprit a dicté ? Pourra-t-on adopter une partie de l'ancien Testament, et rejeter l'autre ? Si l'atrocité horrible des Hébreux révolte le lecteur dans l'histoire de Dina, nous lui verrons commettre d'autres horreurs, qui rendent celle-ci vraisemblable. Dieu, qui conduisit ce peuple, ne le rendit pas impeccable. On sait assez combien il était grossier et barbare. Quel que fût l'âge de Dina et des patriarches enfants de Jacob, le Saint-Esprit déclare qu'ils mirent à feu et à sang toute une ville où ils avaient été reçus comme frères ; qu'ils massacrèrent tout, qu'ils pillèrent tout, qu'il emportèrent tout, et que jamais assassins ne furent ni plus perfides, ni plus voleurs, ni plus sanguinaires, ni plus sacrilèges. Il faut absolument ou croire cette histoire, ou refuser de croire le reste de la Bible.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Commenter cet article