LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 10

Publié le par loveVoltaire

LA BIBLE EXPLIQUÉE  - Partie 10

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LA BIBLE EXPLIQUÉE.

 

 

 

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ANCIEN TESTAMENT.

 

(Partie 10)

 

 

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GENÈSE.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Or Abraham prit une autre femme, nommée Cetura, qui lui enfanta Zamram, Jecsan, Madan, Madian, et Jesboc, et Suhé (1). Or les jours d'Abraham furent de cent soixante et quinze années, et il mourut de faiblesse dans une bonne vieillesse, plein de jours, et il fut réuni à son peuple... Isaac et Ismaël ses fils l'ensevelirent dans la caverne double qui est dans le champ d'Ephron, fils de Séor l'Ethéen, vis-à-vis Mambré... Isaac, âgé de quarante ans, ayant donc épousé Rébecca fille de Bathuel le Syrien de Mésopotamie, et sœur de Laban, Isaac pria le Seigneur pour sa femme, parce qu'elle était stérile, et le Seigneur l'exauça en faisant concevoir Rébecca ; mais les deux enfants dont elle était grosse se battaient dans son ventre l'un contre l'autre (2) ; et elle dit : Si cela est ainsi, pourquoi ai-je conçu ? Et elle alla consulter le Seigneur qui lui dit : Deux nations sont dans ton ventre, et deux peuples sortiront de ta matrice, ils se diviseront ; un peuple surmontera l'autre, et le plus grand sera assujetti au plus petit... Le temps d'enfanter étant venu, voilà qu'on trouva deux jumeaux dans sa matrice. Le premier qui sortit était roux et hérissé de poil (3) comme un manteau ; son nom est Esaü ; l'autre, sortant aussitôt, tenait son frère par le pied avec la main ; et on l'appela Jacob. Isaac avait soixante ans quand ces deux petits naquirent. Lorsqu'ils furent adultes,Esaü fut homme habile à la chasse et laboureur : Jacob, homme simple, habitait dans les tentes.

 

      Isaac aimait Esaü, parce qu'il mangeait du gibier de sa chasse ; mais Rébecca aimait Jacob. Un jour Jacob fit cuire une fricassée, et Esaü étant arrivé, fatigué des champs, lui dit : Donne-moi, je t'en prie, de cette fricassée rousse, parce que je suis très fatigué. C'est pour cela qu'on l'appela depuis Esaü le Roux. Jacob lui dit : Vends-moi donc ton droit d'aînesse (4). Esaü répondit : Je me meurs de faim ; de quoi mon droit d'aînesse me servira-t-il (5) ! Jure-le-moi donc, dit Jacob. Esaü le jura, et lui vendit sa primogéniture ; et ayant pris la fricassée de pain et de lentilles, il mangea et but, et s'en alla, se souciant peu d'avoir vendu sa primogéniture.

 

      Or, une grande famine étant arrivée sur la terre, après la famine arrivée du temps d'Abraham. Isaac s'en alla vers Abimélech, roi des Philistins, dans la ville de Gérare (6) ; et Dieu lui apparut et lui dit : Ne descends point en Égypte ; mais repose-toi dans la terre que je te dirai, et voyage dans cette terre : je serai avec toi, je te bénirai ; car je donnerai à toi et à ta semence tous ces pays ; j'accomplirai le serment que j'ai fait à Abraham ton père (7). Je multiplierai ta semence comme les étoiles du ciel ; je donnerai à ta postérité toutes les terres, et toutes les nations de la terre seront bénies en ta semence ; et cela parce qu'Abraham a obéi à ma voix, et qu'il a observé mes préceptes, mes ordonnances, mes cérémonies, et mes lois (8)... Isaac demeura donc à Gérare. Les habitants de ce lieu l'interrogeant sur sa femme, il leur répondit : C'est ma sœur (9). Car il craignait d'avouer qu'elle était sa femme, pensant qu'ils le tueraient à cause de la beauté de sa femme, et comme ils avaient demeuré plusieurs jours en ce lieu, Abimélech, roi des Philistins, ayant vu par la fenêtre Isacc qui caressait sa femme, il le fit venir et lui dit : Il est clair qu'elle est ta femme, pourquoi as-tu menti en disant qu'elle est ta soeur ? Isaac répondit : J'ai eu peur qu'on ne me tuât à cause d'elle. Abimélech lui dit : Pourquoi nous as-tu trompés ? Il s'en est peu fallu que quelqu'un n'ait couché avec ta femme (10), et tu nous aurais attiré un grand péché. Et il fit une ordonnance à tout le peuple, disant : Quiconque touchera la femme de cet homme, mourra de mort.

 

      Or, Isaac sema dans cette terre ; et dans la même année, il recueillit le centuple (11) ; et le Seigneur le bénit, et il s'enrichit, profitant de plus en plus, et devint très grand ; et il eut beaucoup de brebis et de grands troupeaux, et de serviteurs, et de servantes. Les Philistins lui portant beaucoup d'envie, ils bouchèrent avec de la terre tous les puits que son père Abraham avait creusés. Abimélech lui-même dit à Isaac : Retire-toi de nous ; car tu es devenu plus puissant que nous ; et Isaac s'en allant vint au torrent de Gérare, et y habita, et y fit de nouveau creuser les puits que les gens de son père y avaient creusés ; et ayant creusé dans le torrent, ils y trouvèrent de l'eau vive (12) ; mais il y eut encore une querelle entre les pasteurs de Gérare et les pasteurs d'Isaac, disant : Cette eau est à nous (13) ; c'est pourquoi Isaac appela ce puits le puits de la calomnie... et les serviteurs d'Isaac vinrent lui dire qu'ils avaient trouvé un puits ; c'est pourquoi Isaac nomma ce puits l'abondance.

 

      Et Essaû, âgé de quarante ans, épousa Judith, fille de Berr, Ethéen (14), et Basemath, fille d'Elon, du même lieu, qui, toutes deux, offensèrent Isaac et Rébecca.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1 - On croit que Cetura était Cananéenne. Cela serait étrange, après avoir dit tant de fois qu'il ne fallait point se marier à des Cananéennes. Il est encore plus étrange qu'il se soit remarié à deux cents ans, ou au moins à cent quarante ans, d'autant plus que Sara elle-même l'avait trouvé trop vieux à cent ans pour engendrer. Cependant il fait encore six enfants à Cetura. Ces six enfants régnèrent, dit-on, dans l'Arabie Déserte. Ce n'aurait pas été un fort beau royaume ; mais il se trouverait par là que les enfants de Cetura auraient été pourvus dans le temps que les enfants de Sara, auxquels Dieu avait promis toute la terre, ne possédaient rien du tout. Ils ne se rendirent maître de la terre de Jéricho que quatre cent soixante et dix ans après, selon la computation hébraïque.

 

2 - Il est difficile que deux enfants se battent dans une matrice, et surtout dans le commencement de la grossesse. Une femme peut sentir des douleurs, mais elle ne peut sentir que ses deux fils se battent. On ne dit point comment et où Rébecca alla consulter le Seigneur sur ce prodige ; ni comment Dieu lui répondit : "Deux peuples sont dans ton ventre, et l'un vaincra l'autre." Il n'y avait point encore d'endroit privilégié où l'on consultât le Seigneur : il apparaissait quand il voulait : et c'est probablement dans une de ces apparitions fréquentes que Rébecca le consulta.

 

3 - Il est rare qu'un enfant naisse tout velu, Essaü en est le seul exemple. Il n'en est pas moins rare qu'un enfant en naissant, en tienne un autre par le pied. Ce sont de ces choses qui n'arrivent plus aujourd'hui, mais qui pouvaient arriver alors.

 

4 - Il n'y avait pas encore de droit d'aînesse, puisqu'il n'y avait point de loi positive. Ce n'est que très longtemps après, dans le Deutéronome, qu'on trouve que l'aîné doit avoir une double portion, c'est-à-dire le double de ce qu'il aurait dû prendre, si on avait partagé également. On s'est encore servi de ce passage pour tâcher de prouver que la Genèse n'avait pu être écrite que lorsque les Juifs eurent un code de lois. Mais en quelque temps qu'elle ait été écrite, elle est toujours infiniment respectable.

 

5 - La plupart des Pères ont condamné Esaü, et ont justifié Jacob, quoiqu'il paraisse, par le texte, qu'Esaü périssait de faim, et que Jacob abusait de l'état où il le voyait. Le nom de Jacob signifiait supplantateur. Il semble, en effet, qu'il méritait ce nom, puisqu'il supplanta toujours son frère. Il ne se contente pas de lui vendre ses lentilles si chèrement, il le force de jurer qu'il renonce à ses droits prétendus ; il le ruine pour un dîner de lapins, et ce n'est pas là le seul tort qu'il lui fera. Il n'y a point de tribunal sur la terre où Jacob n'eût été condamné.

 

6 - On a cru que la ville de Gérare ne signifie que le passage de Gérare, le désert de Gérare, et qu'il n'y a jamais eu de ville dans cette solitude, excepté Pétra qui est beaucoup plus loin. Observez qu'il y a toujours famine dans ce malheureux pays. Dieu ne donne point de pain à Isaac, mais il lui donne des visions.

 

7 - Remarquez que l'auteur sacré ne perd pas une seule occasion de promettre à la horde hébraïque errante dans ces déserts l'empire du monde entier.

 

8 - Nous ne voyons point que Dieu ait donné de loi particulière à Abraham, aucun précepte général, excepté celui de la circoncision.

 

9 - Voilà le même mensonge qu'on reproche à Abraham ; et c'est pour la troisième fois. C'est dans le même pays ; c'est le même Abimélech, à ce qu'il paraît ; car il a le même capitaine de ses armées que du temps d'Abraham. Il enlève Rébecca comme il avait enlevé Sara, sa belle-mère. Mais, si cela est, il y aura eu quatre-vingts ans, selon le comput hébraïque, que cet Abimélech avait enlevé Sara, quoique ce comput soit encore très fautif. Supposons qu'il eût alors trente ans ; il y avait quatre-vingts ans entre le mensonge d'Abraham et le mensonge d'Isaac ; donc Abimélech avait cent dix ans au temps du voyage d'Isaac.

 

10 - Il semble toujours, par le texte, que les gens de Gérare reconnaissaient le même Dieu qu'Isaac et Abraham. Nous marchons à chaque ligne sur des difficultés insurmontables à notre faible entendement.

 

11 - On ne voit pas comment Isaac put semer dans une terre qui n'était pas à lui. On voit encore moins comment il put semer dans un désert de sable, tel que celui de Gérare. On ne comprend pas davantage comment il put avoir une récolte de cent pour un. Les plus fertiles terres de l'Égypte, de la Mésopotamie, de la Sicile, de la Chine, ont rarement produit vingt-cinq pour un : et quiconque aurait de telles récoltes posséderait des richesses immenses. Les contes qu'on nous fait du terrain de Babylone, qui produisait trois cents pour un sont absurdes. Il arrive souvent que dans un jardin un grain de blé, tombé par hasard, en produise une centaine, et davantage ; mais jamais cela n'est arrivé dans un champ entier.

 

12 - Il n'y a point de torrent dans ce pays, si ce n'est quelques filets d'eau saumâtre qui s'échappent quelquefois des puits qu'on a creusés lorsque le lac Asphaltide étant enflé, et se filtrant dans la terre, en fait sortir ses eaux, dont à peine les hommes et les animaux peuvent boire. Les caravanes qui passent par ce désert sont obligés de porter de l'eau dans des outres. Quand ils ont trouvé par hasard un puits, ils le cachent très soigneusement : et il y a eu plusieurs voyageurs que la soif a fait mourrir dans ce pays inhabitable.

 

13 - Ces disputes continuelles, pour un puits, confirment ce que nous venons de dire sur la disette d'eau et sur la stérilité du pays.

 

14 - Malgré les défenses positives du Seigneur d"épouser des filles canaéennes, voilà pourtant Esaü qui en épouse deux à la fois, et Dieu ne lui en fait nulle réprimande.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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