LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 9

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LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 9

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LA BIBLE EXPLIQUÉE.

 

 

 

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ANCIEN TESTAMENT.

 

(Partie 9)

 

 

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GENÈSE.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      De là Abraham alla dans les terres australes, et il habita entre Cadès et Sur, et il voyagea en Gérare, et il dit que sa femme Sara était sa soeur ; c'est pourquoi Abimélech, roi de Gérare enleva Sara ; mais le Seigneur vint par un songe, pendant la nuit, vers Abimélech, et lui dit : Tu mourras à cause de cette femme ; car elle a un mari (1). Mais Abimélech ne l'avait point touchée ; et il dit : Seigneur, ferais-tu mourir des gens innocents et ignorants ? Ne m'a-t-elle pas dit : Il est mon frère ? J'ai fait cela dans la simplicité de mon coeur, et dans la pureté de mes mains... Dieu lui répondit : Je sais que tu l'as fait avec un coeur simple, c'est pourquoi je t'ai empêché de la toucher. Rends donc la femme à son mari, parce que c'est un prophète, et qui priera pour toi, et tu vivras ; mais si tu ne veux pas la rendre, sache que tu mourras, toi et tout ce qui est à toi. Aussitôt Abimélech se lève au milieu de la nuit ; il appela aussi Abraham, et lui dit : Qu'as-tu fait ? Quel mal t'avions nous fait pour attirer sur moi et sur mon royaume le châtiment d'un si grand crime ? Tu n'as pas du faire ainsi envers nous. Abraham répondit : J'ai pensé en moi-même qu'il n'y avait peut-être point de crainte de Dieu dans ce pays-ci, et qu'on me tuerait pour avoir ma femme. D'ailleurs ma femme est aussi ma soeur, fille de mon père, mais non pas fille de ma mère... Mais depuis que les dieux me font voyager loin de la maison de mon père, j'ai toujours dit à ma femme : Fais-moi le plaisir de dire partout où nous irons que je suis ton frère...

 

      Abimélech donna donc des brebis et des boeufs, et des garçons et des servantes à Abraham, et lui dit : Va-t'en, et habite où tu voudras. Et il dit à Sara ; Voici mille pièces d'argent pour ton frère, pour t'acheter un voile ; et partout où tu iras, souviens-toi que tu y as été prise (2).

 

 

      Or Dieu avait fermé toutes les vulves (3) à cause de Sara, femme d'Abraham; et à la prière d'Abraham, Dieu guérit Abimélech, et sa femme, et ses servantes, et elles enfantèrent.

 

      Or Dieu visita Sara, comme il l'avait promis, et elle enfanta un fils dans sa vieillesse, dans le temps que Dieu avait prédit ; et Abraham nomma ce fils Isaac... et il le circoncit le huitième jour, comme Dieu l'avait ordonné ; et il avait alors cent ans (4).

 

      L'enfant prit sa croissance, et il fut sevré ; mais Sara voyant le fils d'Agar l'Égyptienne jouer avec son fils Isaac, elle dit à Abraham : Chassez-moi cette servante avec son fils ; car le fils de cette servante n'héritera point avec mon fils Isaac. Et Abraham, ayant consulté Dieu, se leva au matin, et prenant du pain et une outre d'eau, les mit sur l'épaule d'Agar, et la renvoya ainsi elle et son fils (5), et Agar s'en, alla errante dans le désert de Bersabée ; et l'eau ayant manqué dans son outre, elle laissa son fils couché sous un arbre : elle s'éloigna de lui d'un trait d'arc, et s'assit en le regardant, et en pleurant, et en disant : Je ne verrai point mourir mon enfant... Dieu écouta la voix de l'enfant. L'ange de Dieu appela Agar du haut du ciel, et lui dit : Agar, que fais-tu là ? Ne crains rien ; car Dieu a entendu la voix de l'enfant : lève-toi, prends le petit par la main, car j'en ferai une grande nation. Et Dieu ouvrit les yeux d'Agar, laquelle ayant vu un puits d'eau, remplit sa cruche, et donna à boire à l'enfant, et Dieu fut avec lui. Il devint grand, demeura dans le désert ; il fut un grand archer, et il habita le désert de Pharan, et sa mère lui donna une femme d'Égypte.

 

      Après cela, Dieu tenta Abraham, et lui dit : Abraham ! Abraham ! Et il répondit : Me voilà. Et Dieu lui dit : Prends ton fils unique Isaac que tu aimes, mène-le dans la terre de la vision, et tu m'offriras ton fils en sacrifice sur une montagne que je te montrerai (6)... Abraham donc, se levant la nuit, sangla son âne, et emmena avec lui deux jeunes gens et Isaac son fils, et ayant coupé du bois pour le sacrifice, il alla au lieu où Dieu lui avait commandé d'aller ; et le troisième jour, il vit de loin le lieu, et il dit aux jeunes gens : Attendez ici avec l'âne. Nous ne ferons qu'aller jusque-là, mon fils et moi ; et après avoir adoré, nous reviendrons... Il prit le bois du sacrifice, il le mit sur le dos de son fils ; et pour lui, il portait en ses mains du feu et un sabre. Comme ils marchaient ensemble, Isaac dit à son père : Mon père ! Abraham lui répondit : Que veux-tu, mon fils ? Voilà, dit Isaac, le feu et le bois, où est la victime du sacrifice ? Abraham dit : Dieu pourvoira à la victime du sacrifice , mon fils. Ils s'avancèrent donc ensemble, et ils arrivèrent à l'endroit que Dieu avait montré à Abraham : il y éleva un autel, arrangea le bois par-dessus, lia Isaac son fils, et le mit sur le bois ; il étendit sa main et prit son glaive ; et voilà que l'ange de Dieu cria du haut du ciel, disant : Abraham ! Abraham ! qui répondit : Me voici. L'ange lui dit : N'étends pas la main sur l'enfant, et ne lui fais rien. Maintenant j'ai connu que tu crains Dieu, et tu n'as pas pardonné à ton fils unique à cause de moi. Abraham leva les yeux, et il aperçut derrière lui un bélier embarrassé par ses cornes dans un buisson, et le prenant, il l'offrit en sacrifice pour son fils... Or l'ange du Seigneur appela Abraham du ciel pour la seconde fois. J'ai juré par moi-même, dit le Seigneur, que parce que tu as fait cette chose, et que tu n'as point épargné ton propre fils à cause de moi, je te bénirai, je multiplierai ta semence comme les étoiles du ciel, et comme le sable qui est sur le bord de la mer ; sa semence possédera les portes de tes ennemis, et toutes les nations de la terre seront bénies dans sa semence, parce que tu as obéi à ma voix (7).

 

 

      Or Sara, ayant vécu cent vingt-sept ans, mourut dans la ville d'Arbée, qui est Hébron dans la terre de Sanaan (8) ; et Abraham vint pour crier, et pour la pleurer ; et s'étant levé, après avoir fait le devoir des funérailles, il dit aux enfants de Heth : Je suis chez vous étranger ; donnez-moi droit de sépulture chez vous, afin que j'enterre ma morte. Et les fils de Heth lui répondirent en disant : Tu es prince de Dieu chez nous, enterre ta morte dans nos plus beaux sépulcres ; personne ne t'en empêchera. Abraham s'étant levé, et ayant adoré le peuple, il leur dit : S'il plaît à vos âmes que j'enterre ma morte, parlez pour moi à Ephron, fils de Séor ; qu'il me donne sa caverne double à l'extrémité de son champ, qu'il me la cède devant vous, et que je sois en possession du sépulcre... Et Ephron dit : La terre que tu demandes vaut quatre cents sicles d'argent ; c'est le prix entre toi et moi ; ensevelis ta morte (9).

 

      Abraham, ayant entendu cela, pesa l'argent qu'Ephron lui demandait, et lui paya quatre cents sicles de monnaie courante publique... Or Abraham était vieux de beaucoup de jours. Il dit au plus vieux serviteur de sa maison, qui présidait sur les autres serviteurs : Mets ta main sous ma cuisse, afin que je t'adjure, au nom du ciel et de la terre, que tu ne prendras aucune fille des Canaéens pour faire épouser à mon fils ; mais que tu iras dans la terre de ma famille, et que tu y prendras une fille pour mon fils Isaac (10)... Ce serviteur mit donc la main sous la cuisse d'Abraham son maître, et jura sur son discours. Il prit dix chameaux des troupeaux de son maître ; il partit chargé des biens de son maître, et alla en Mésopotamie, à la ville de Nachor... Étant arrivé le soir, au temps où les filles vont chercher de l'eau (11), il vit Rébecca, fille de Bathuel, fils de Melcha et de Nachor, frères d'Abraham, qui vint avec une cruche d'eau sur l'épaule. C'était une fille très agréable, une vierge très belle qui n'avait point connu d'homme, et elle s'en retournait à la maison avec sa cruche. Le serviteur d'Abraham alla à elle, et lui dit : Donne-moi à boire de l'eau de ta cruche. Et elle lui dit : Bois, mon bon seigneur. Elle mit sa cruche sur son bras, et après qu'il eut bu elle ajouta : Je m'en vais tirer aussi de l'eau du puits pour les chameaux, afin qu'ils boivent tous... Et après que les chameaux eurent bu, le serviteur tira deux pendants d'or pour le nez, qui pesaient deux sicles, et autant de bracelets, qui pesaient dix sicles... Le serviteur d'Abraham dit au maître de la maison : Je bénis le Dieu d'Abraham mon maître, qui m'a conduit par le droit chemin, afin que je prisse la fille du frère à mon maître pour femme à son fils...

 

      Puis Eliézer, serviteur d'Abraham, dit : Renvoyez-moi, et que j'aille à mon maître... Les frères et la mère de Rébecca répondirent : Que cette fille demeure au moins dix jours avec nous, et elle partira... Et ils dirent : Appelons la fille, et interrogeons sa bouche (12). Étant appelée, elle vint ; ils lui demandèrent : Veux-tu partir avec cet homme ? Elle répondit : Je partirai. Ils l'envoyèrent donc avec sa nourrice et le serviteur d'Abraham et ses compagnons, lui souhaitant prospérité, et lui disant : Tu es notre sœur ; puisses-tu croître en mille et mille, et que ta semence possède les portes de tes ennemis (13).

 

      Ainsi donc Rébecca et ses compagnes, montées sur des chameaux, suivirent cet homme qui s'en retourna en grande diligence vers son maître... Isaac fit entrer Rébecca dans la tente de Sara sa mère (14) ; il la prit en femme, et il l'aima tant, que la douleur de la mort de sa mère en fut tempérée.

 

 

 

1 - Voici qui est aussi extraordinaire que tout le reste, quoique d'un autre genre. Premièrement, on voit un roi dans Gérare, désert horrible où depuis ce temps il n'y a eu aucune habitation. Secondairement, Sara est encore enlevée pour sa beauté, ainsi qu'en Égypte, quoique l'Écriture lui donne alors quatre-vingt-dix ans. Troisièmement, elle était grosse dans ce temps-là même de son fils Isacc. Quatrièmement, Abraham se sert de la même adresse qu'en Égypte, et il dit que sa femme est sa sœur. Cinquièmement, il dit qu'en effet il avait épousé sa sœur fille de son père, et non de sa mère. Sixièmement, les commentateurs disent qu'elle était sa nièce. Septièmement, Dieu avertit en songe le roi de Gérare que Sara est la femme d'Abraham. Huitièmement, ce roi ou ce chef d'Arabes Bédoins donne à Abraham, ainsi que le roi d'Égypte, des brebis, des bœufs, des serviteurs et des servantes, et mille pièces d'argent. Neuvièmement, le dieu des Hébreux apparaît à Abimélech, oi ou che'f des Arabes de Gérare, aussi bien qu'à Abraham et à Loth. Cependant Abimélech, roi de Gérare, n'était point de la religion d'Abraham : Dieu n'avait fait un pacte qu'avec Habraham et sa semence. Dixièmement, Loth, que Dieu sauva miraculeusement de l'incendie miraculeux de Sodome, n'était pas non plus de la semence d'Abraham. Il est, par son double inceste, père de deux nations idolâtres. Ce sont autant de nouvelles difficultés pour les doctes, et autant d'objets de docilité et de soumission pour nous.

 

2 - Si la conduite d'Abraham paraît extraordinaire, si sa crainte d'être tué à cause de la beauté d'une femme nonagénaire paraît la chose du monde la plus chimérique, la conduite du chef des Arabes de Gérare paraît bien généreuse, et son discours très sage. Mais pourquoi Abraham dit-il les dieux et non pas Dieu ; Eloïm et non pas Eloï ? Les commentateurs disent que c'est parce que trois Elöm et lui étaient apparus, et non pas un seul Eloï ou Eloa.

 

3 - Il faut que ce roi de désert est retenu Sara longtemps, pour que ces femmes se soient aperçues qu'elles avaient toutes la matrice fermée, et qu'elles ne pouvaient enfanter. La maladie dont elles furent affligées n'est pas spécifiée. On ne sait si Dieu se contenta de les rendre stériles, ce dont on ne peut être assuré qu'au bout de quelques années ; ou si Dieu les rendit inhabiles à recevoir les embrassements d'Abimélech. Cette expression fermer la vulve peut signifier l'un et l'autre. Mais dans les deux cas il paraît qu'Abimélech voulut leur rendre ou leur rendit le devoir conjugal, et qu'il n'était point tenté de donner la préférence à une femme de quatre-vingt-dix ans. Tout cela est, encore une fois, un grand sujet de surprise, et un grand objet de la soumission de notre entendement.

 

4 - Nous avons déjà dit qu'en suppurtant le temps où Abraham naquit, il devait avoir cent soixante ans au moins, au rapport de saint Etienne, et selon la lettre du texte. Mais selon le cours de la nature humaine, il est aussi rare de faire des enfants à cent ans

 

5 - Si Abraham était un seigneur si puissant, s'il avait été vainqueur de cinq rois avec trois cent dix-huit hommes de l'élite de ses domestiques, si sa femme lui avait valu tant d'argent de la part du roi d'Égypte et du roi de Gérare, il paraît bien dur et bien infumain de renvoyer sa concubine et son premier-né dans le désert avec un morceau de pain et une cruche d'eau, sous prétexte que ce premier-né jouait avec le fils de Sara. Il exposa l'un et l'autre à mourir dans le désert. Il fallut que Dieu lui-même montrât un puits à Agar pour l'empêcher de mourir. Mais comment tirer l'eau de ce puits ? Lorsque les Arabes vagabonds trouvaient quelque source saumâtre sous terre dans cette solitude sablonneuse, ils avaient grand soin de la couvrir et de la marquer avec un bâton. Quel emploi pour le Créateur du monde, dit M. Boulanger, de descendre du haut de son trône éternel pour aller montrer un puits à une pauvre servante à qui on a fait un enfant dans un pays barbare que les Juifs nomment Canaan !

 

Nous pourrions dire à ces détracteurs que Dieu voulut par là nous enseigner le devoir de la charité. Mais la réponse la plus courte est qu'il ne nous appartient ni de critiquer ni d'expliquer la sainte Écriture, et qu'il faut tout croire sans rien examiner. (Voltaire.) - Boulanger, dont Voltaire parle ici, est le célèbre ingénieur et philosophe, né en 1722, mort en 1759, et sous le nom duquel d'Holbach a publié le Crhistianisme dévoilé. (G.A.)

 

6 - On ne sait point ce que c'est que la terre de la vision. L'hébreu, dit dans la terre de Moria. Or Moria est la montagne sur laquelle on bâtit depuis le temple de Jérusalem. C'est ce qui a fait croire depuis à quelques savants téméraires que la Genèse ne put être écrite dans le désert par Moïse, qui, n'étant point entré dans le Caanan, ne pouvait connaître la montagne Moria. On a recherché si dans le temps où l'on place Abraham les hommes étaient déjà dans l'usage de sacrifier des enfants à leurs dieux. Sanchoniathon nous apprend qu'Illéus avait déjà immolé son fils Jéhud longtemps auparavant. Mais depuis, l'histoire est remplie du récit de ces horribles sacrifices. On remarque qu'Abraham avait intercédé pour les habitants de Sodome qui lui étaient étrangers, et qu'il n'intercéda pas pour son propre fils. On accuse aussi Abraham d'un nouveau mensonge, quand il dit à ses deux valets : Nous ne ferons qu'aller mon fils et moi, et nous reviendrons. Puisqu'il allait sur la montagne pour égorger son fils, il ne pouvait, dit-on, avoir l'intention de revenir avec lui. Et on a osé avancer que ce mensonge était d'un barbare, si les autres avaient été d'un avare et d'un lâche qui prostituait sa femme pour de l'argent. Mais nous devons regarder ces accusations contre Abraham comme des blasphèmes.

 

7 - C'est encore ici une nouvelle promesse de bénir toutes les nations de la terre comme descendantes d'Abraham, quoiqu'elles n'en descendissent point. On peut entendre par toutes les nations de la terre la postérité de Jacob, qui fut assez nombreuse. Tous les incrédules regardent ces histoires sacrées comme des contes arabes, inventés d'abord pour bercer les petits enfants, et n'ayant aucun rapport à l'essentiel de la loi juive. Ils disent que ces contes ayant été peu à peu insérés dans le catalogue des livres juifs, devinrent sacrés pour ce peuple, et ensuite pour les chrétiens qui lui succédèrent.

 

8 - Si Sara mourut à cent vingt-sept ans, et si elle mourut immédiatement après qu'Abraham avait voulu égorger son fils unique Isaac, ce fils avait donc trente-sept ans, et non pas treize, quand son père voulut l'immoler au Seigneur : car sa mère avait accouché de lui à quatre-vingt-dix ans. Or, la foi et l'obéissance d'Isaac avaient été encore plus grandes que celles d'Abraham, puisqu'il s'était laisssé lier et étendre sur le bûcher par un vieillard de cent ans pour le moins. Toutes ces choses sont au-dessus de la nature humaine telle qu'elle est aujourd'hui. Saint Paul, dans l'Épître aux Galates, dit que Sara est la figure de l'Église. Le R.P dom Calmet assure qu'Isaac est la figure de Jésus-Christ, et qu'on ne peut pas s'y méprendre.

 

9 - On voit à la vérité qu'Abraham, tout grand prince qu'il était, ne possédait pas un pouce de terre en propre, et on ne conçoit pas comment, avec tant de troupes et tant de richesses, il n'avait pu acquérir le moindre terrain. Il faut qu'il achète une caverne pour enterrer sa femme. On lui vend un champ et une caverne pour quatre cents sicles. Le sicle a été évalué à trois livres quatre sous de notre monnaie. Ainsi quatre cents sicles vaudraient douze cent quatre-vingt livres. Cela paraît énormément cher dans un pays aussi stérile et aussi pauvre que celui d'Hébron, qui fait partie du désert dont le lac Asphaltide est entouré, et où il ne paraît pas qu'il y eût le moindre commerce. Il est dit qu'il paya ces quatre cents sicles en bonne monnaie courante. Mais non-seulement il n'y avait point alors de monnaie dans Canaan, mais jamais les Juifs n'ont frappé de monnaie à leur coin. Il faut donc entendre que ces quatre cents sicles avaient la valeur de la monnaie qui courait du temps que l'auteur sacré écrivait. Mais c'est encore une difficulté, puisqu'on ne connaissait point la monnaie au temps de Moïse.

 

10 - Ce serviteur, nommé Eliézer, mit donc la main sous la cuisse d'Abraham. Plusieurs savants prétendent que ce n'était pas sous la cuisse, mais sous les parties viriles, très révérées par les Orientaux, surtout dans les anciens temps, non-seulement à cause de la circoncision qui avait consacré ces parties à Dieu, mais parce qu'elle sont la source de la propagation du genre humain, et le gage dela bénédiction du Seigneur. Par cuisse, il faut toujours entendre ces parties. Un chef sorti de la cuisse de Juda signifie évidemment un chef sorti de la semence ou de la partie virile de Juda. Abraham fit donc jurer son serviteur qu'il ne prendrait point une Canaéenne pour femme à Isaac son fils. L'auteur sacré manque peut l'occasion d'insinuer que les habitants du pays sont maudits, et de préparer à l'invasion que les Juifs firent de cette terre sous Josué et sous David.

 

11 - Il nous paraît toujours étrange que les anciens fassent travailler les filles des princes comme des servantes ; que dans Homère les filles du roi de Corfou aillent en charrette faire la lessive. Mais il faut considérer que ces prétendus rois chantés par Homère n'étaient que des possesseurs de quelques villages ; et qu'un homme qui n'aurait pour tout bien que l'île d'Itaque ferait une mince figure à Paris et à Londres. Rebecca vient avec une cruche sur son épaule, et donne à boire aux chameaux. Eliézer lui présente deux pendants de nez ou deux pendants d'oreilles d'or de deux sicles. Ce n'était qu'un présent de six livres huit sous, et les présents qu'on fait aujourd'hui à nos villageoises sont beaucoup plus considérables. Les bracelets valaient trente-deux livres, ce qui paraît plus honnête. Il est inutile de remarquer si les pendants étaient pour les oreilles ou pour le nez. Il est certain que dans les pays chauds, où l'on ne se mouche presque jamais, les femmes avait des pendants de nez. Elles se faisaient percer le nez comme nos femmes se font percer les oreilles. Cette coutume est encore établie en Afrique, et dans l'Inde.

 

Aben Hezra avoue qu'il y a très loin du Canaan en Mésopotamie, et il s'étonne qu'Abraham ayant fait une si prodigieuse fortune en Canaan, étant devenu si puissant, ayant vaincu cinq grands rois avec ses seuls valets, n'ait pas fait venir dans ses États ses parents et amis de Mésopotamie, et ne leur ait pas donné de grandes charges dans sa maison.

 

M. Fréret est encore plus étonné que ce grand prince Abraham ait été si pauvre qu'il ne fut jamais possesseur d'une toise de terrain en Canaan, jusqu'à ce qu'il eût acheté un petit coin pour enterrer sa femme. S'il était riche en troupeaux, dit M. Fréret, que n'allait-il s'établir lui et son fils dans la Mésopotamie, où les pâturages sont si bons ? S'il fuyait les Charléeens comme idolâtres, les Cananéens étaient idolâtres aussi, et Rébecca était idolâtre.

 

M. Fréret ne songe pas que Dieu avait promis le Canaan et la Mésopotamie aux Juifs, et qu'il fallait s'établir vers le lac de Sodome, avant de conquérir les bords de l'Euphrate. (Voltaire.) - Fréret, savant, né en 1688, mort en 1749, sous le nom duquel on publia la Lettre de Thrastbule à Leucippe et l'Examen critique des apologistes de la religion chrétienne. (G.A.)

 

12 - On a observé que Rébecca voulut partir sur-le-champ sans demander la bénédiction de ses père et mère, sans faire le moindre compliment à sa famille. On a cru qu'elle avait une grande impatience d'être mariée ; mais l'auteur sacré n'était pas obligé d'entrer dans tous ces détails.

 

13 - Nouvelle insinuation que les Cananéens deviendraient les ennemis des Juifs, après avoir reçu leur père avec tant d'hospitalité.

 

14 - Il veut dire la tente qui avait appatenu à Sara : car il y avait trois ans que Sara était morte. Calmet dit qu'Abraham envoya chercher une fille pour son fils chez les idolâtres, parce que Jésus-Christ n'a point prêché lui-même aux gentils, mais qu'il y a envoyé ses apôtres.

 

 

 

 

 

 

 

 

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