POÉSIE MÊLÉE - ÉPITAPHE DE MADAME DU CHÂTELET

Publié le par loveVoltaire

POÉSIE MÊLÉE  - ÉPITAPHE DE MADAME DU CHÂTELET

Photo de PAPAPOUSS

 

 

 

 

 

ÉPITAPHE DE MADAME DU CHÂTELET.

 

 

 

(1)

 

 

 

 

 

       L’univers a perdu la sublime Émilie !

      Elle aima les plaisirs, les arts, la vérité.

      Les dieux, en lui donnant leur âme et leur génie,

      N’avaient gardé pour eux que l’immortalité.

 

 

 

 

1 – Voyez la lettre (ci-dessous) à madame du Bocage, 12 Octobre 1749, où ce quatrain est désavoué par Voltaire. (G.A.)

 

 

 

 

à Madame du Boccage.

A Paris, ce 12 Octobre 1749.

 

 

      J’arrive à Paris, madame ; l’excès de ma douleur et de ma mauvaise santé ne m’empêche pas de vous dire à quel point je suis sensible à vos bontés. Il est d’une âme aussi belle que la vôtre de regretter une femme telle que madame du Châtelet. Elle faisait, comme vous, la gloire de son sexe et de la France. Elle était en philosophie ce que vous êtes dans les belles-lettres ; et cette même personne, qui venait de traduire et d’éclaircir Newton, c’est-à-dire de faire ce que trois ou quatre hommes au plus, en France, auraient pu entreprendre, cultivait sans cesse, par la lecture des ouvrages de goût, cet esprit sublime que la nature lui avait donné. Hélas ! madame, il n’y avait pas quatre jours que j’avais relu votre tragédie avec elle. Nous avions lu ensemble votre Milton avec l’anglais. Vous la regretteriez bien davantage, si vous aviez été témoin de cette lecture. Elle vous rendait bien justice ; vous n’aviez point de partisan plus sincère. Il a couru, après sa mort, quatre vers assez médiocres à sa louange. Des gens qui n’ont ni goût ni âme me les ont attribués (1). Il faut être bien indigne de l’amitié, et avoir un cœur bien frivole, pour penser que, dans l’état horrible où je suis, mon esprit eût la malheureuse liberté de faire des vers pour elle ; mais ce qu’il y a d’affreux et de punissable, c’est que ce monstre nommé Roi en a fait contre sa mémoire.

 

      Je ne vous connais, madame, qu’une tache dans votre vie, c’est d’avoir été louée par ce misérable que la société devrait exterminer à frais communs. Faut-il qu’une telle horreur soit ajoutée à mon affliction ! Adieu, madame ; si je peux avoir quelque consolation sur la terre, ce sera de vous faire ma cour à Paris, et de vous dire à quel point je vous respecte et vous admire. Ce ne sont pas là les sentiments où l’on se borne quand on a l’honneur de vous connaître. Permettez mes compliments à M. du Boccage.

 

 

1 – Voyez aux POÉSIES MÊLÉES. Voltaire renie ce quatrain, parce que Fréron en fit une critique assez piquante. (G.A.)

 

 

 

 

 

 

 

 

Commenter cet article