MÉMOIRES ET TRAITÉS DIVERS - Les colimaçons - Partie 4

Publié le par loveVoltaire

MÉMOIRES ET TRAITÉS DIVERS - Les colimaçons - Partie 4

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MÉMOIRES ET TRAITÉS DIVERS.

 

 

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LES COLIMAÇONS

 

 

DU RÉVÉREND PÈRE L'ESCARBOTIER,

PAR LA GRÂCE DE DIEU CAPUCIN INDIGNE,

PRÉDICATEUR ORDINAIRE ET CUISINIER DU

GRAND COUVENT DE LA VILLE DE CLERMONT

EN AUVERGNE, AU RÉVÉREND PÈRE ÉLIE,

CARME DÉCHAUSSÉ, DOCTEUR EN THÉOLOGIE.

 

 

 

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RÉPONSE DU CARME AU CAPUCIN,

 

ET SON SENTIMENT SUR LA DISSERTATION PRÉCÉDENTE.

 

 

 

 

 

      Gardez-vous bien, mon révérend père, de vous laissez séduire par les philosophes dangereux qui avancent que tous les animaux et les végétaux naissent d'un germe qui se développe, et que rien ne vient de corruption : c'est une hérésie damnable.

 

      Saint Thomas dit en termes formels : Primum in generatione est, ultimum in corruptione ; là où la corruption finit la génération commence. Saint Paul, dans la première aux Corinthiens, parle ainsi aux incrédules : « Mais , dira quelqu'un comment les morts ressusciteront-ils ? Insensés ! ne voyez-vous pas que les grains semés par vous ne se vivifient point s'ils ne meurent ! » Il dit ensuite : « On sème dans la corruption, on recueille dans l'incorruption. » Voyez l'Évangile de saint Jean, chapitre XII : « Si un grain de froment tombant en terre ne meurt pas, il demeure inutile ; mais s'il meurt, il donne beaucoup de fruit. »

 

      Il est donc évident que c'est la pourriture qui est la mère de tout ce qui respire.

 

      A l'égard de l'océan, qui a couvert les montagnes, saint Thomas n'en dit rien. Aussi je ne vous en parlerai pas. Le nom d'océan ne se trouve jamais dans l'Écriture ; de là je juge que cet océan dont on parle tant est fort peu de chose.

 

      Mais, pour les montagnes, je suis entièrement de l'avis de ceux qui pensent qu'elles se sont formées en peu de temps ; car vous trouverez au psaume XCVI que les montagnes ont fondu comme de la cire. Vous trouverez aussi au psaume CXIII qu'elles ont dansé comme des béliers. Or, si étant fondues, psaume XCVI, elles ont dansé, psaume CXIII, il faut donc qu'elles se soient entièrement relevées dans l'espace de dix-sept psaumes. Cela est démontré en rigueur.

 

      Vous savez que la théorie des montagnes fait une grande partie de notre théologie, surtout quand elles sont plantées de vignes. Nous avons été fondés sur le mont Carmel ; mandez-moi s'il est vrai que vous l'ayez été à Montmartre. Adieu ; que les colimaçons qui vous sont soumis, et tous les insectes qui vous accompagnent, bénissent toujours votre révérence.

 

 

 

 

 

RÉFLEXION DE L'ÉDITEUR.

 

 

 

      Quoi qu'il en soit de tout cela, il est indubitable que les limaçons à coque, les escargots, commencent à reprendre une tête quelque temps après qu'on la leur a coupée. Cette nouvelle tête renferme tout l'appareil d'organes très compliqués que renfermait la première. Il n'y a point de petit garçon qui ne puisse faire cette expérience ; mais y a-t-il quelque homme fait qui puisse l'expliquer ? Hélas ! Les philosophes et les théologiens raisonnent tous en petits garçons. Qui me dira comment une âme, un principe de sensation et d'idées réside entre quatre cornes, et comment l'âme restera dans l'animal, quand les quatre cornes et la tête sont coupées ? On ne peut guère dire d'un limaçon :

 

 

Igneus est illi vigor et cœlestis origo.

 

(VIRG. Ǣn. VI.)

 

 

      Il serait difficile de prouver que l'âme d'un animal qui n'est qu'une glaire en vie, soit un feu céleste. Enfin ce prodige d'une tête renaissante, inconnu depuis le commencement des choses jusqu'à nous, est plus inexplicable que la direction de l'aimant. Cet étonnant objet de notre curiosité confondue tient à la nature des choses, aux premiers principes qui ne sont pas plus à notre portée que la nature des habitants de Sirius et de Canope. Pour peu qu'on creuse, on trouve un abîme infini. Il faut admirer et se taire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

FIN DES MÉMOIRES ET DES TRAITÉS DIVERS.

 

 

 

 

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