MÉMOIRES ET TRAITÉS DIVERS - Chapitre XXXVII
Photo de PAPAPOUSS
MÉMOIRES ET TRAITÉS DIVERS.
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CHAPITRE XXXVII.
De la population.
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La population a-t-elle toujours été abondante ? non, sans doute ; les peuples paresseux, comme la plupart des Américains, ont dû toujours être en petit nombre ; ils laissent leurs terres en friche ; les fleuves les inondent ; des marais immenses infectent l'air ; on respire des poisons. La paucité (2) de la race humaine rend la terre inhabitable, et cette terre abandonnée contribue à son tour à la dépopulation. Notre continent est tantôt plus ou moins peuplé. Le nombre des citoyens romains diminua sensiblement depuis les horribles scélératesses de Sylla et de Marius, jusqu'à celle du lâche Octave, surnommé Auguste, et de l'effréné Antoine.
L'espèce diminua beaucoup en France, dans les guerres civiles, jusqu'aux belles années du divin Henri IV. J'ai lu, dans je ne sais quel livre, que, sous Charles IX, au temps de la Saint-Barthélemy, la France avait 29 millions d'habitants (3). Une pareille erreur ne mérite pas d'être réfutée.
Il est certain que la peste, la guerre, la famine, l'inquisition, ont dépeuplé des royaumes entiers. D'un autre côté, il y a des provinces trop peuplées, comme la Basse-Allemagne, dont il est sorti plus de 20 mille familles pour aller chercher des terres dans les colonies anglaises. Le pays du pape manque d'hommes, celui des Provinces-Unies en regorge ; la raison en est assez connue : l'un est habité par des prêtres qui immolent les races futures à l'espérance d'un petit bénéfice ; l'autre est peuplé des facteurs des deux mondes. Si on avait dit à Trajan, dans son beau Forum : Londres sera un jour six fois plus peuplée que votre Rome, on l'aurait bien étonné.
L'Europe est-elle plus peuplée qu'elle ne l'était du temps de Charlemagne ? oui, malgré les moines ; regardez Amsterdam, Venise, Paris, Londres, Milan, Naples, Hambourg, et tant d'autres villes qui n'étaient alors que des villages très chétifs, ou qui n'existaient pas.
La plus grande partie de la forêt Hercinie est couverte de villes, de villages et de moissons. Le bois commence à manquer de nos jours presque partout : notre Europe est si peuplée, qu'il est impossible que chacun ait du pain blanc, et mange quatre livres de viande par mois. Voilà où nous en sommes : avons-nous trop de monde ? n'en avons-nous pas assez ?
Au reste, ne négligeons jamais l'occasion de remarquer l'épouvantable ridicule de ceux qui donnent à chaque enfant de Noé des centaines de milliards de descendants au bout de quelques années.
Un célèbre Écossais, M. Templeman, a calculé que si toute la terre habitée était peuplée comme la Hollande, elle contiendrai 34,720 millions d'hommes ; si comme la Russie, 435 millions seulement. L'auteur de l'Essai sur les mœurs et l'esprit des nations assigne autour de 900 millions de têtes au genre humain. Je crois qu'il ne s'éloigne pas beaucoup de la vérité. Quand on ne se trompe que d'un million dans de tels calculs, le mal n'est pas grand. Je ne sais si la terre manque d'hommes, mais certainement elle manque d'hommes heureux.
1 – Voyez, dans le Dictionnaire philosophique, l'article POPULATION. (G.A.)
2 – Paucité : Rareté, manque. Qualité de ce qui est rare, peu commun, très difficile à trouver.
3 – L'Ami des hommes de Mirabeau porte dix-neuf millions. (G.A.)