MÉMOIRES ET TRAITÉS DIVERS - Chapitre XIX
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MÉMOIRES ET TRAITÉS DIVERS.
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CHAPITRE XIX.
Des germes.
Des philosophes tâchèrent donc d'établir quelque système qui bannît les germes par lesquels les générations des hommes, des animaux et des plantes s'étaient perpétuées jusqu'à nos jours. C'est en vain que nos yeux voient, et que nos mains manient les semences que nous jetons en terre ; c'est en vain que les animaux sont tous évidemment produits par un germe ; on s'est plu à démentir la nature pour établir d'autres systèmes que le sien (1).
Celui des animaux spermatiques ne semble point contredire la physique ; cependant on s'en est dégoûté comme d'une mode. Il était très commun alors que tous les philosophes, excepté ceux de quatre-vingts ans, dérobassent à l'union des deux sexes la liqueur séminale productrice du genre humain, et que, dans cette liqueur, on vît, à l'aide du microscope, nager les petits vers qui devaient devenir hommes, comme on voit dans les étangs glisser les têtards destinés à être grenouilles.
Dans ce système les mâles étaient les principaux dépositaires de l'espèce ; au lieu que, dans les système des œufs, qui avait prévalu jusqu'alors, c'étaient les femelles qui contenaient en elles toutes les générations, et qui étaient véritablement mères. Le mâle ne servait qu'à féconder les œufs, comme les coqs fécondent les poules. Ce système des œufs avait un prodigieux avantage, celui de l'expérience journalière et incontestable dans plusieurs espèces. Cependant on a fini par douter de l'un et de l'autre ; mais, soit que le mâle contienne en lui l'animal qui doit naître, soit que la femelle le renferme dans son ovaire, et que la ligueur du mâle serve à son développement, il est certain que, dans les deux cas, il y a un germe : et c'est ce germe que l'amour de la nouveauté, la fureur des systèmes, et encore plus celle de l'amour-propre, entreprirent de détruire.
L'auteur d'un petit livre intitula la Vénus physique (2) imagina que tout se faisait par attraction dans la matrice, que la jambe droite attirait à elle la jambe gauche, que l'humeur vitrée d'un œil, sa rétine, sa cornée, sa conjonctive, étaient attirées par de semblables parties de l'autre œil. Personne n'avait jamais corrompu à cet inconcevable excès l'attraction démontrée par Newton dans des cas absolument différents : une telle chimère était digne de l'idée de disséquer des têtes de géants pour connaître la nature de l'âme, et d'exalter cette âme pour prédire l'avenir. Cette folie ne servit pas peu à décréditer l'esprit systématique, qui est pourtant si nécessaire au progrès des sciences, quand il n'est que l'esprit d'ordre, et qu'il est réglé par la raison.
1 – On voit que Voltaire prend nettement et d'abord parti pour les germes nécessaires. (DELAVAUT.)
2 – Maupertuis. (G.A.)