MÉMOIRES ET TRAITÉS DIVERS - Chapitre III
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MÉMOIRES ET TRAITÉS DIVERS.
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CHAPITRE III.
Des polypes.
Est-il bien avéré que les lentilles d'eau, qu'on a nommées polypes d'eau douce, soient de vrais animaux ? Je me défie beaucoup de mes yeux et de mes lumières ; mais je n'ai jamais pu apercevoir jusqu'à présent dans ces polypes que des espèces de petits joncs très fins qui semblent tenir de la nature des sensitives. L'héliotrope ou la fleur au soleil, qui souvent se tourne d'elle-même du côté de ces astre, a pu paraître d'abord un phénomène aussi extraordinaire que celui des polypes. La mimose des Indes, qui semble imiter le mouvement des animaux, n'est pourtant point dans le genre animal. La petite progression beaucoup plus rapide et plus visible des petites pierres plates qui descendent des bords d'un plat dans le milieu, quand ce plat est rempli de vinaigre. Les plats du polype pourraient bien n'être que des ramifications ; ses têtes, de simples boutons ; son estomac, des fibres creuses ; ses mouvements, des ondulations de ces fibres. Les petits insectes que cette plante semble quelquefois avaler peuvent entrer dans sa substance pour s'y nourrir et y périr, aussi bien qu'être attirés par cette substance pour être mangés par elle. Le polype subsiste très bien sans que ces petits insectes tombent dans ses fibres: il n'a donc pas besoin d'aliments : on peut donc croire qu'il n'est qu'une plante. Ce qu'on a pris pour ses œufs peut n'être que de la graine. Sa reproduction par bouture paraît indiquer que c'est une simple plante. Enfin il jette des rameaux quand on l'a retourné comme on retourne un gant ; certainement la nature ne l'a pas fait pour être ainsi retourné par nos mains ; et il n'y a rien là qui sente l'animalité.
Feu M. Dufaï avait sur sa cheminée une belle garniture de polypes de la grande espèce dans des vases. Ses parents et moi nous regardions de tous nos yeux, et nous lui disions que nous ressemblions à Sancho Pança, qui ne voyait que des moulins à vent où son maître voyait des géants armés. Notre incrédulité ne doit pourtant pas dépouiller ces polypes de la dignité d'animaux. Des expériences frappantes déposent pour eux. Je ne prétends pas leur ravir leurs titres ; mais ont-ils la sensibilité et la perception qui distinguent le règne animal du végétal ? Reconnaissons-nous pour nos confrères des êtres qui n'ont pas avec nous la moindre ressemblance ? Certainement le flûteur de M. Vaucanson a plus l'air d'un homme qu'un polype n'a l'air d'un animal. Peut-être devrait-on n'accorder la qualité d'animal qu'aux êtres qui feraient toutes les fonctions de la vie, qui manifesteraient du sentiment, des désirs, des volontés, et des idées.
Il est bon de douter encore, jusqu'à ce qu'un nombre suffisant d'expériences réitérées nous ait convaincus que ces plantes aquatiques sont des êtres doués de sentiment, de perception, et des organes qui constituent l'animal réel. La vérité ne peut que gagner à attendre (1).
1 – Voyez l'ouvrage de M. Trembley sur les polypes. Il résulte de ses observations que les polypes donnent des signes d'irritabilité et de spontanéité dans leurs mouvements ; que leur manière de se nourrir est plus analogue à celle des animaux qu'à celle des plantes. Mais pourquoi n'y aurait-il pas des êtres organisés qui ne seraient ni végétaux ni animaux ? D'ailleurs, il faut s'en tenir aux faits ; et pourvu qu'on connaisse avec exactitude les phénomènes des polypes, il est très peu important de savoir dans quelle classe on doit les ranger. (K.)