CONTE - L'INGÉNU - Avertissement - Partie 1
Photo de PAPAPOUSS
L'INGÉNU,
HISTOIRE VÉRITABLE
TIRÉE DES MANUSCRITS DU P. QUESNEL.
- 1767 -
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AVERTISSEMENT POUR LA PRÉSENTE ÉDITION.
Voltaire fit imprimer ce roman à Paris même. Il croyait qu'on n'en interdirait pas la vente ; mais, au bout de huit jours, l'ouvrage était saisi, et chaque exemplaire atteignait le prix de vingt-quatre livres.
Les allusions que l'Ingénu renferme sont en effet des plus transparentes, et devaient être des plus irritantes. Mettre en scène un naturel du Canada, lorsqu'on venait de perdre cette belle colonie ; faire commencer l'action du roman en Bretagne, lorsque cette province occupait l'attention publique par sa résistance à la cour ; risquer enfin la satire personnelle du dispensateur des lettres de cachet, Saint-Florentin, lorsque ce ministre était dans tout sa toute-puissance, - tout cela pouvait bien être des éléments de succès, mais assurément c'était aussi des motifs d'interdiction. Comment Voltaire ne s'en douta-t-il pas ? C'est que, éloigné de Paris depuis dix-sept ans et habitué à l'indépendance, il n'avait plus conscience de la force des coups qu'il portait, ni du milieu où ils arrivaient.
La saisie du livre n'empêcha pourtant pas Marmontel de brocher aussitôt sur le même sujet une comédie mêlée d'ariettes, avec musique de Grétry, mais sans la moindre allusion satirique. Ce littérateur voulait simplement payer son tribut de reconnaissance au patriarche, qui avait consacré une page de l'Ingénu à la défense de Bélisaire. On laissa jouer la pièce.
Nous avons eu depuis au théâtre : L'Ingénu ou le Sauvage du Canada, pantomime par Hus (1805) ; et Le Huron ou les Trois merlettes, folie philosophique en vers et en prose, par Xavier Duvert et Lausanne (1834).
Le P. Quesnel, à qui Voltaire attribue L'Ingénu, et le janséniste auteur des Réflexions morales, dont cent et une propositions furent condamnées par la bulle Unigenitus.
Georges AVENEL.