OPÉRA - LE BARON D'OTRANTE - ACTE III - Scènes I à III - Partie 5
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LE BARON D'OTRANTE.
ACTE TROISIÈME.
SCÈNE I.
(Le théâtre représente un coin d'écurie.)
IRÈNE, LE BARON, en souquenille, une étrille à la main.
IRÈNE, chante.
Oui, oui, je dois tout espérer ;
Tout est prêt pour vous délivrer.
Oui... oui... je peux tout espérer :
L'amour vous protège et m'inspire.
Votre malheur m'a fait pleurer ;
Mais en trompant ce Turc que je fais soupirer,
Je suis prête à mourir de rire.
LE BARON.
Lorsque vous me voyez une étrille à la main,
Si vous riez, c'est de moi-même.
Je l'ai bien mérité : dans ma grandeur suprême,
J'étais indigne, hélas ! du pouvoir souverain,
Et du charmant objet que j'aime.
IRÈNE.
Non, le destin volage
Ne peut rien sur mon cœur.
Je vous aimai dans la grandeur ;
Je vous aime dans l'esclavage.
Rien ne peut nous humilier ;
Et quand mon tendre amant devient un muletier,
Je l'en aime encor davantage.
(Elle répète.)
Et quand mon tendre amant devient un muletier,
Je l'en aime encor davantage.
LE BARON.
Il faut donc mériter un si parfait amour :
Ainsi que mon destin je change en un seul jour ;
Irène et mes malheurs éveillent mon courage.
(A ses vassaux, qui paraissent un armes.)
Amis, le fer en main, frayons-nous un passage
Dans nos propres foyers ravis par ces brigands.
Enchaînons, à leur tour, ces vainqueurs insolents
Plongés dans leur ivresse, et se livrant en proie
A la sécurité de leur brutale joie.
Vous, gardez cette porte ; et vous, vous m'attendrez
Près de ma chambre même, au haut de ces degrés
Qui donnent au palais une secrète issue.
J'en ouvrirai la porte au public inconnue.
Je veux que de ma main le corsaire soit pris.
Dans le même moment appelez à grands cris
Tous les bons citoyens au secours de leur maître :
Frappez, percez, tuez, jetez par la fenêtre,
Quiconque à ma valeur osera résister.
(à Irène.)
Déesse de mon cœur, c'est trop vous arrêter :
Allez à ce festin que le vainqueur prépare.
Je lui destine un plat qu'il pourra trouver rare ;
Et j'espère ce soir, plus heureux qu'au matin,
De manger le rôti qu'on cuit pour le vilain.
IRÈNE.
J'y cours ; vous m'y verrez : mais que votre tendresse
Ne s'effarouche pas si de quelque caresse
Je daigne encourager ses désirs effrontés :
Ce ne sont point, seigneur, des infidélités :
Je ne pense qu'à vous, quand je lui dis que j'aime ;
En buvant avec lui, je bois avec vous-même ;
En acceptant son cœur je vous donne le mien.
Il faut un petit mal souvent pour un grand bien.
(Elle sort.)
SCÈNE II.
LE BARON, à ses vassaux.
Allons donc, mes amis, hâtons-nous de nous rendre
Au souper où l'Amour avec Mars doit m'attendre.
Le temps est précieux : je cours quelque hasard
D'être un peu passé maître, et d'arriver trop tard.
Faites de point en point ce que j'ai su prescrire ;
Gardez de vous méprendre, et laissez-vous conduire.
Avancez à tâtons sous ces longs souterrains :
De la gloire bientôt ils seront les chemins.
SCÈNE III.
(Le théâtre représente une jolie salle à manger.)
ABDALLA, IRÈNE, seuls à table, sans domestiques.
IRÈNE, un verre en main, chante.
Ah ! Quel plaisir
De boire avec son corsaire !
Chaque coup que je bois augmente mon désir
De boire encore, et de lui plaire.
Verse, verse, mon bel amant :
Ah ! Que tu verses tendrement
Tous les feux d'amour dans mon verre !
ABDALLA.
Si, si brindisi a te,
Amate, bevete, ridete.
Si, si, brindisi a te,
Questo vino di Champagna
A te somiglia,
Incanta tutta la terra,
Li christiani,
Li musulmani.
Begli occhi, scintillate
Al par del vino spumante.
Si, si brindisi a te,
(Tous deux ensemble.)
Si, si brindisi a te,
Amate, bevete, ridete.
Si, si, brindisi a te, etc.
(Ils dansent ensemble, le verre à la main, en chantant.)
Si, si, brindisi a te, etc.