OPÉRA - LE BARON D'OTRANTE - ACTE II - Scènes I à IV - Partie 4

Publié le par loveVoltaire

OPÉRA - LE BARON D'OTRANTE - ACTE II - Scènes I à IV - Partie 4

Photo de PAPAPOUSS

 

 

 

 

LE BARON D'OTRANTE.

 

 

 

 

 

 

 

ACTE DEUXIÈME.

 

 

 

SCÈNE I.

 

 

 

 

IRÈNE, LA GOUVERNANTE.

 

 

 

 

IRÈNE.

 

Consolons-nous, ma bonne ; il faut avec adresse

Corriger, si l'on peut, la fortune traîtresse.

Vous savez du baron le bizarre destin ?

 

 

LA GOUVERNANTE.

 

Point du tout.

 

IRÈNE.

 

Le corsaire, échauffé par le vin,

Dans les transports de joie où son cœur s'abandonne,

Sans s'informer du rang ni du nom de personne,

A, pour se réjouir, dans la cour du château

Assemblé les captifs, et, par un goût nouveau,

Fait tirer au trois dés les emplois qu'il leur donne.

Un grave magistrat se trouve cuisinier ;

Le baron, pour son lot, est reçu muletier.

Ce sont là, nous dit-on, les jeux de la fortune :

Cette bizarrerie en Turquie est commune.

 

 

LA GOUVERNANTE.

 

Se peut-il qu'un baron, hélas ! soit réduit là ?

Et quelle est votre place à la cour d'Abdalla ?

 

IRÈNE.

 

Je n'en ai point encor ; mais, si je dois en croire

Certains regards hardis que, du haut de sa gloire,

L'impudent, en passant, a fait tomber sur moi,

J'aurai bientôt, je pense, un assez bel emploi,

Et j'en ferai, ma bonne, un très honnête usage.

 

 

LA GOUVERNANTE.

 

Ah ! je n'en doute pas : je sais qu'Irène est sage.

Mais, madame, un corsaire est un peu dangereux :

Il paraît volontaire, et le pas est scabreux.

 

IRÈNE.

 

Il a pris sans façon l'appartement du maître.

« Je le suis, a-t-il dit, et j'ai seul droit de l'être.

Vin, fille, argent comptant, tout est pour le plus fort ;

Le vainqueur les mérite, et les vaincus ont tort. »

Dans cette belle idée il s'en donne à cœur-joie,

Et pour tous les plaisirs son bon goût se déploie,

Tandis que mon baron, une étrille à la main,

Gémit dans l'écurie, et s'y tourmente en vain.

Il fait venir ici les dames les plus belles,

Pour leur rendre justice, et pour juger entre elles,

Mettre au jour leur mérite, exercer leurs talents

Pour des pas de ballet, des mines, et des chants.

Nous allons lui donner cette petite fête ;

Et si de son mouchoir mes yeux font la conquête,

Je pourrai m'en servir pour lui jouer un tourmenter

Qui fera triompher ma gloire et mon amour.

J'entends déjà d'ici ses fifres, ses timbales ;

Voilà nos ennemis, et voici mes rivales.

 

 

 

 

 

 

 

SCÈNE II.

 

 

 

 

LES LEVANTIS arrivent, donnant chacun la main à une personne, IRÈNE, LA GOUVERNANTE ;.ABDALLA arrive au son d'une musique turque, un mouchoir à la main ; les DEMOISELLES du château d'Otrante forment un cercle autour de lui.

 

 

 

 

 

 

 

ABDALLA chante.

 

Su, su, zitelle tenere ;

La mia spada fa tremar.

Ma voi, fanciulle care,

Mi piacer, mi disarmar :

Mi sentir più grand'onore

Di rendirmi à l'amore,

Che rapir tutta la terra

Col terrore della guerra.

Su, su zitelle tenere, etc.

 

IRÈNE chante cet air tendre et mesuré.

 

C'est pour servir notre adorable maître,

C'est pour l'aimer que le ciel nous fit naître.

Mars et l'Amour à l'envi l'ont formé :

Son bras est craint, son cœur est plus aimé.

Des amours la tendre mère

Naquit dans le sein des eaux

Pour orner notre corsaire

De ses présents les plus beaux.

 

(elle parle.)

Votre mouchoir fait la plus chère envie

De ces beautés de notre baronnie ;

Mais nul objet n'a droit de s'en flatter :

On peut vous plaire, et non vous mériter.

 

 

(Abdalla fume sur un canapé : les dames passent en revue devant lui.

Il fait des mines à chacune et donne enfin le mouchoir à Irène.)

 

 

ABDALLA.

 

Pigliate voi il fazzoletto,

L'avete ben guadagnato ;

Che tutte le altre fanciulle

Men leggiadre, e meno belle

Aspettino per un altra volta

La mia sobrana volontùà.

 

 

(Il fait asseoir Irène à côté de lui.)

 

Al moi canto Irena stia ;

Et tutte le altre via, via.

 

 

(Elles s'en vont toutes, en lui faisant la révérence.)

 

 

Bene, bene, sarà per un' altra volta,

Un' altra volta.

 

 

 

 

 

 

SCÈNE III.

 

 

 

 

IRÈNE, ABDALLA.

 

 

 

 

 

 

ABDALLA.

 

Cara Irena, adesso,

Sedete appresso di me

Amor mi punge e mi consume

 

 

(Il la fait asseoir plus près,)

 

 

Più appresso, più appresso.

 

IRÈNE, à côté d'Abdalla, sur le canapé.

 

Seigneur, de vos bontés mon âme est pénétrée ;

Je n'ai jamais passé de plus belle soirée.

Quand je craignais les Turcs, si fiers dans les combats,

Mon cœur, mon tendre cœur, ne vous connaissait pas.

Non, il n'est point de Turc qui vous soit comparable ;

Je crois que Mahomet fut beaucoup moins aimable ;

Et, pour mettre le comble à des plaisirs si doux,

Je compte avoir l'honneur de souper avec vous.

 

 

ABDALLA.

 

Si, si, cara ; cerenemo insieme, tête à tête, l'uno dirimpetto

a l'altra ; senza schiavi ; solo con sola ; beveromodel vinogreco :e canteremo, e ci trastulleremo, dirimpetto l'uno à l'altra : si, si, cara, per dio Maccone.

 

IRÈNE.

 

Après tant de bontés aurai-je encor l'audace

D'implorer de mon Turc une nouvelle grâce ?

 

ABDALLA.

 

Parli, parli : faro tutto

Che vorrete, presto, presto.

 

IRÈNE.

 

Seigneur, je suis baronne et mon père autrefois

Dans Otrante a donné des lois.

Il était connétable, ou comte d'écurie ;

C'est une dignité que j'ai toujours chérie !

Mon cœur en est encor tellement occupé,

Que si vous permettez que j'aille avant soupé

Commander un quart d'heure où commandait mon père,

C'est le plus grand plaisir que vous me puissiez faire.

 

ABDALLA.

 

Come ! nella stalla ?

 

IRÈNE.

 

Nella stalla, signor,

Au nom du tendre amour je vous prie encor.

Un héros tel que vous, formé pour la tendresse,

Pourrait-il durement refuser sa maîtresse ?

 

ABDALLA.

 

La signora è matta. Le stalle sono puzzolente ; bisognerà

più d'un fiasco d'acqua nanta per nettarla. Or su andate a vostro piacere, lo concedo : andate, cara, e ritornate.

 

(Irène sort.)

 

 

SCÈNE IV.

 

 

 

 

ABDALLA chante.

 

(En se frappant le front.)

 

Ogni fanciulla tien là

Qualche fantasia,

Somigliante alla pazzia.

Ma l'ira mi a è vana.

Basta, che la zitella

Sia facile e bella ;Tutto si perdona.

Ogni fanciulle tien là

Quelche fantasia.

 

 

 

 

 

 

 

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