OPÉRA - LE BARON D'OTRANTE - ACTE I - Scènes IV à VI - Partie 3
Photo de PAPAPOUSS
LE BARON D'OTRANTE.
SCÈNE IV.
LE BARON, IRÈNE, UN CONSEILLER PRIVÉ.
LE CONSEILLER.
Ah ! Seigneur, c'en est fait, les Turcs sont dans la ville.
IRÈNE.
Les Turcs !
LE BARON.
Est-il bien vrai ?
LE CONSEILLER.
Vous n'avez plus d'asile !
LE BARON.
Comment cela ? par où sont-ils donc arrivés ?
IRÈNE.
Voilà ce qu'on produit vos conseillers privés.
LE BARON.
Allez dire à mes gens qu'on fasse résistance ;
Je cours les seconder.
LE CONSEILLER.
Seigneur, votre grandeur
De son rang glorieux doit garder la décadence.
IRÈNE.
Hélas ! ma gouvernante et mes filles d'honneur
Viennent de tous côtés, et sont toutes tremblantes.
SCÈNE V.
LES PRÉCÉDENTS, LA GOUVERNANTE, ET LES FILLES D'HONNEUR.
LA GOUVERNANTE.
Ah ! madame ! les Turcs...
IRÈNE.
Ah ! pauvres innocentes !...
Qu'on fait ces Turcs maudits ?...
LA GOUVERNANTE.
Les Turcs... je n'en puis plus...
Dans votre appartement... ils sont tous répandus.
Le corsaire Abdalla tout enlève, et tout pille ;
On enchaîne à la fois père, enfant, femme, fille.
Madame !... entendez-vous les tambours... les clameurs ?..
LES TURCS, derrière le théâtre.
Alla ! alla ! guerra !
LA GOUVERNANTE.
Madame... je me meurs !
SCÈNE VI.
LES PRÉCÉDENTS ; ABDALLA, suivi de ses TURCS.
QUATUOR DE TURCS.
Pillar, pillar, grand Abdalla !
Alla, ylla, alla !
Tout conquir,
Tout occir,
Tout ravir ;
Alla, ylla, alla !
ABDALLA.
Non amazzar,
No, no, non amazzar.
Basta, basta tout saccagear :
Ma non amazzar,
Incatenar,
Bever, violar,
Non amazzar.
(Pendant qu'ils chantent, les Turcs enchaînent tous les hommes
avec une longue corde qui fait le tour de la troupe, et dont un
Levantis tient le bout.)
LE BARON, enchaîné avec deux conseillers en grande perruque.
Irène, vous voyez si dans cette posture
Je fais pour un baron une noble figure.
QUATUOR DE TURCS.
Pillar, pillar, grand Abdalla !
Tout saccager ;
Pillar, bever, violar.
Alla, ylla, alla !
IRÈNE.
Quoi ! ces Turcs si méchants n'enchaînent point les dames ;
Tant d'honneur entre-t-il dans ces vilaines âmes ?
ABDALLA chante.
O bravi corsari,
Spavento de' mari,
Andate a partagir,
A bever, a fruir.
A' vostri strapazzi
Cedo li ragazzi,
Et tutti li consiglieri.
Tutte le done son per me ;
E'l moi costume,
Tutte le done son per me.
LES TURCS.
Pillar, pillar, grand Abdalla !
Alla, ylla, alla !
IRÈNE, au baron qu'on emmène.
Allez, mon cher cousin, je me flatte, j'espère,
Si ce Turc est galant, de vous tirer d'affaire.
Peut-être direz-vous, par mes soins relevé,
Qu'une femme vaut mieux qu'un conseiller privé.