DIVERS - PROCÈS RAVAILLAC
Photo de PAPAPOUSS
EXTRAIT
DU PROCÈS CRIMINEL
FAIT A
FRANÇOIS RAVAILLAC.
DU 19 MAI 1710.
A dit qu'il n'a jamais reçu aucun outrage du roi, et que la cour a assez d'arguments suffisants par les interrogatoires et réponses au procès ; qu'il n'y a nullement apparence qu'il y ait été induit par argent, ou suscité par gens ambitieux du sceptre de France ; car si tant est qu'il eût été porté par argent ou autrement, il semble qu'il ne fût pas venu jusqu'à trois fois et à trois voyages exprès d'Angoulême à Paris, distants l'un de l'autre de cent lieues, pour donner conseil au roi de ranger à l'Église catholique et romaine ceux de la religion prétendue réformée, gens du tout contraires à la volonté de Dieu et de son Église ; parce que qui a volonté de tuer autrui par argent, dès qu'il se laisse malheureusement corrompre pour assassiner son prince, ne va pas le faire avertir comme il a fait trois diverses fois, ainsi que le sieur de La Force a reconnu, depuis l'homicide commis par l'accusé, avoir été dans le Louvre, et prié instamment de le faire parler au roi, à quoi ledit sieur de La Force aurait répondu qu'il était un papaute et un catholique à gros grain ; et ayant dit au sieur de La Force qu'étant catholique, apostolique et romain, et voulant tel vivre et mourir, il le supplie de vouloir le faire parler au roi, afin de déclarer à Sa Majesté l'intention où il était depuis si longtemps de le tuer, n'osant le déclarer à aucun autre, parce que l'ayant dit à Sa Majesté, il se serait désisté tout à fait de cette mauvaise volonté.
Enquis si de lors qu'il fit ses voyages pour parler au roi et lui conseiller de faire la guerre à ceux de la religion prétendue réformée, il avait protesté à son curé que, si Sa Majesté ne voulait accorder ce dont l'accusé la suppliait, il ferait le malheureux acte qu'il a commis ;
A dit que non, et que s'il l'avait projeté, s'en était désisté, et avait cru qu'il était expédient de lui faire cette remontrance plutôt que de le tuer.
Remontré qu'il n'avait changé sa mauvaise intention, parce que depuis le dernier voyage qu'il a fait à Angoulême le jour de Pâques, il n'a cherché les moyens de parler au roi ; ce qui démontre assez qu'il était parti en cette résolution de faire ce qu'il a fait.
A dit qu'il est véritable.
Enquis si le jour de Pâques et de son départ il fit la sainte communion ; a dit que non, et l'avait faite le premier dimanche de carême ; mais néanmoins qu'il fit célébrer le sacrifice de la sainte messe à l'église Saint-Paul d'Angoulême, sa paroisse, comme se reconnaissant indigne d'approcher de ce très saint et très auguste sacrement, plein de mystère et d'incompréhensible vertu, parce qu'il se sentait encore vexé de cette tentation de tuer le roi, et en tel état ne voulait s'approcher de la sainte table.
….. Enquis s'il ne les a pas fait venir (les démons) dans la chambre où était couché ledit Dubois ;
A dit que non ; qu'il est bien vrai que lui accusé étant couché dans un grenier au-dessus de la chambre dudit Dubois, dans lequel grenier étaient aussi couchées d'autres personnes, il entendit à l'heure de minuit ledit Dubois qui le priait de descendre dans sa chambre, s'exclamant avec grands cris : « Ravaillac, mon ami, descends en bas, je suis mort ; mon Dieu, ayez pitié de moi ! » Alors l'accusé voulut descendre ; mais il en fut empêché par ceux qui étaient avec lui, pour la crainte qu'ils avaient ; de sorte qu'il ne descendit point, et le lendemain il demanda audit Dubois qui l'avait mù de crier ainsi ; à quoi il lui fit réponse qu'il avait vu dans sa chambre un chien d'une excessive grosseur et fort effroyable, lequel s'était mis les deux pieds de devant sur son lit ; de quoi il avait eu telle peur qu'il en avait pensé mourir, et avait appelé l'accusé à son secours ; à quoi l'accusé fit réponse que, pour renverser ses visions, il devait avoir recours à la sainte communion, ou à la célébration de la messe, pour armer la grâce de Dieu contre les visions de Satan, ennemi commun des hommes.
Remontré qu'il y a apparence que c'était lui qui avait fait paraître ce chien ;
A dit que non, et de peur que nous n'ajoutions pas de foi à ses réponses, cette vérité serait attestée par ceux qui étaient dans la chambre où il était couché, qui l'empêchèrent de descendre, qui étaient l'hôtesse de la maison et une sienne cousine, qui le prièrent de n'y point aller, à cause qu'elles avaient entendu un grand bruit dans la chambre.
Remontré qu'il n'a pas eu volonté de changer son malheureux dessein, ne voulant recevoir la communion le jour de Pâques, parce que c'était le moyen de s'en divertir, duquel moyen n'ayant usé, et s'étant ainsi éloigné de la sainte communion, il a continué en sa méchante entreprise ;
A dit que ce qui l'empêcha de communier fut qu'il avait pris cette résolution le jour de Pâques pour venir tuer le roi ; mais aurait ouï la sainte messe auparavant de partir, croyant que la communion réelle de sa mère était suffisante pour elle et pour lui.
Remontré que lui ayant cette mauvaise intention de commettre cet acte, il était en péché et en danger de damnation, ne pouvant participer à la grâce de Dieu et communion des fidèles chrétiens, pendant qu'il avait cette mauvaise volonté dont se devait départir pour être en la grâce de Dieu ;
A dit qu'il ne fait pas de difficulté de convenir qu'il n'ait été porté d'un propre mouvement et particulier, contraire à la volonté de Dieu, auteur de tout bien et vérité, contraire au diable, père du mensonge ; mais que maintenant, à la remontrance que lui faisons, il reconnaît qu'il n'a pu résister à cette tentation, étant hors du pouvoir des hommes de s'empêcher du mal ; et qu'à présent qu'il a déclaré la vérité entière sans rien retenir et cacher, il espérait que Dieu tout bénin et miséricordieux lui ferait pardon et rémission de ses péchés, étant plus puissant pour dissoudre le péché, moyennant la confession et absolution sacerdotale, que les hommes pour l'offenser ; priant la sacrée Vierge, saint Pierre, saint Paul, saint François (en pleurant), saint Bernard, et toute la cour céleste du paradis, requérir être ses avocats envers sa sacrée majesté, afin qu'elle impose sa croix entre sa mort et être participant des mérites de la passion de notre Sauveur Jésus-Christ, le priant bien très humblement lui faire la grâce d'être associé aux mérites de tous les trésors qu'il a infus en sa puissance apostolique, lorsqu'il a dit : Tu es Pétrus.
EXTRAIT
DU PROCÈS-VERBAL DE LA QUESTION.
DU 27 MAI.
Arrêt de mort prononcé par le greffier, qui l'a prévenu que, pour révélation de ses complices, serait appliqué à la question ; et le serment de lui pris, a été exhorté de prévenir le tourment, et s'en rédimer par la connaissance de la vérité qui l'avait induit, persuadé et fortifié au méchant acte, à qui il en avait conféré et communiqué ;
A dit que, par la damnation de son âme, il n'y a eu homme, femme, ni autre que lui qui l'ait su ; et persisté, etc...