ANNALES DE L'EMPIRE - CATALOGUE DES EMPEREURS - FERDINAND III - Partie 55.5

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ANNALES DE L'EMPIRE - CATALOGUE DES EMPEREURS - FERDINAND III - Partie 55.5

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PAIX DE VESTPHALIE.

 

 

(1)

 

 

 

 

Cette paix de Vestphalie, signée enfin à Munster et à Osnabruck le 14 octobre 1648, fut convenue, donnée et reçue comme une loi fondamentale et perpétuelle : ce sont les propres termes du traité. Elle doit servir de base aux capitulations impériales. C'est une loi aussi reçue, aussi sacrée jusqu'à présent que la bulle d'or, et bien supérieure à cette bulle par le détail de tous les intérêts divers que ce traité embrasse, de tous les droits qu'il assure, et des changements faits dans l'état civil et dans la religion.

 

On travaillait dans Munster et dans Osnabruck, depuis six ans, presque sans relâche, à cet ouvrage. On avait d'abord perdu beaucoup de temps dans les disputes du cérémonial. L'empereur ne voulait point donner le titre de majesté aux rois ses vainqueurs. Son ministre Lutzau, dans le premier acte de 1641, qui établissait les saufs-conduits et les conférences, parle des préliminaires entre sa sacré majesté césarienne et le sérénissime roi très chrétien. Le roi de France, de son côté, refusait de reconnaître Ferdinand pour empereur ; et la cour de France avait eu de la peine à donner le titre de majesté au grand Gustave, qui croyait tous les rois égaux, et qui n'admettait de supériorité que celle de la victoire. Les ministres suédois au congrès de Vestphalie affectaient l'égalité avec ceux de France. Les plénipotentiaires d'Espagne avaient voulu en vain qu'on nommât leur roi immédiatement après l'empereur. Le nouvel État des Provinces-Unies demandait à être en usage. Les ministres se l'attribuaient ; et il fallait de longues négociations pour savoir à qui on le donnerait.

 

Dans le fameux traité de Munster, on nomme sa sacrée majesté impériale, sa sacrée majesté très chrétienne, et sa sacrée majesté royale de Suède.

 

Le titre d'excellence ne fut donné dans le cours des conférences à aucun plénipotentiaire des électeurs. Les ambassadeurs de France ne cédaient pas même le pas aux électeurs chez ces princes ; et le comte d'Avaux écrivait à l'électeur de Brandebourg : Monsieur (2) j'ai fait ce que j'ai pu pour vous servir. On qualifiait d'ordinaire les états-généraux des Provinces-Unies, les sieurs États, quand c'était le roi de France qui parlait ; et même quand le comte d'Avaux alla de Munster en Hollande, en 1644, il ne les appela jamais que messieurs. Ils ne purent obtenir que leurs plénipotentiaires eussent le titre d'excellence. Le comte d'Avaux avait refusé même ce nouveau titre à un ambassadeur de Venise, et ne le donna à Contarini que parce qu'il était médiateur. Les affaires furent retardées par ces prétentions et ces refus que les Romains nommaient gloriole, que tout le monde condamne quand on est sans caractère, et sur lesquels on insiste dès qu'on en a un.

 

Ces usages, ces titres, ces cérémonies, les dessus des lettres, les souscriptions, les formules, ont varié dans tous les temps. Souvent la négligence d'un secrétaire suffit pour fonder un titre. Les langues dans lesquelles on écrit établissent des formules qui passent ensuite dans d'autres langues où elles prennent un air étranger. Les empereurs, qui envoyaient, avant Rodolphe Ier, tous leurs mandats en latin, tutoyaient tous les princes dans cette langue qui admet cette grammaire. Ils ont continué à tutoyer les comtes de l'empire dans la langue allemande, qui réprouve ces expressions. On trouve partout de tels exemples, et ils ne tirent plus aujourd'hui à conséquence.

 

Les ministres médiateurs furent plutôt témoins qu'arbitres, surtout le nonce Chigi, qui ne fut là que pour voir l'Église sacrifiée. Il vit donner à la Suède luthérienne les diocèses de Brême et de Verden ; ceux de Magdebourg, d'Halberstadt, de Minden, de Cammin, à l'électeur de Brandebourg.

 

Les évêchés d'Osnabruck et de Lubeck ne furent pas à la vérité sécularisés, mais alternativement destinés à un évêque luthérien et à un évêque catholique : règlement délicat qui n'aurait jamais pu avoir lieu dans les premiers troubles de religion, mais qui ne s'est pas démenti chez une nation naturellement tranquille, dans laquelle la fureur du fanatisme était éteinte.

 

La liberté de conscience fut établie dans toute l'Allemagne. Les sujets luthériens de l'empereur en Silésie eurent le droit de faire bâtir de nouvelles églises, et l'empereur fut obligé d'admettre des protestants, dans son conseil aulique.

 

Les commanderies de Malte, les abbayes, les bénéfices dans les pays protestants, furent donnés aux princes, aux seigneurs, qu'il fallait indemniser des frais de la guerre.

 

Ces concessions étaient bien différentes de l'édit de Ferdinand II, qui avait ordonné la restitution des biens ecclésiastiques dans le temps de ses prospérités. La nécessité, le repos de l'empire lui firent la loi. Le nonce protesta, fulmina.

 

On n'avait jamais vu encore de médiateur condamner le traité auquel il avait présidé ; mais il ne lui seyait pas de faire une autre démarche. Le pape, par sa bulle. « casse de sa pleine puissance, annule tous les articles de la paix de Vestphalie, concernant la religion ; » mais s'il avait été à la place de Ferdinand III, il eût ratifié le traité qui subsista malgré les bulles du pape, bulles autrefois si révérées, et aujourd'hui si méprisées !

 

Cette révolution pacifique dans la religion était accompagnée d'une autre dans l'État devenait membre de l'empire. Elle eut toute la Poméranie citérieure, et la plus belle, la plus utile partie de l'autre, la principauté de Rugen, la ville de Vismar, beaucoup de bailliage voisins le duché de Brême et de Verden. Le duc de Holstein y gagna aussi quelques terres.

 

L'électeur de Brandebourg perdait à la vérité beaucoup dans la Poméranie citérieure, mais il acquérait le fertile pays de Magdebourg, qui valait mieux que son margraviat. Il avait Cammin, Halberstadt, la principauté de Minden.

 

Le duc de Mecklenbourg perdait Vismar, mais il gagnait le territoire de Ratzbourg et de Schverin.

 

Enfin on donnait aux Suédois cinq millions d'écus d'Allemagne, que sept cercles devaient payer. On donnait à la princesse landgrave de Hesse six cent mille écus ; et c'était sur les biens des archevêchés de Mayence, de Cologne, de Paderborn, de Munster, et de l'abbaye de Fulde, que cette somme devait être payée. L'Allemagne, s'appauvrissant par cette paix, comme par la guerre, ne pouvait guère payer plus cher ses protecteurs.

 

Ces plaies étaient adoucies par les règlements utiles qu'on fit pour le commerce et pour la justice ; par les soins qu'on prit de remédier aux griefs de toutes les villes, de tous les gentilshommes qui présentèrent leurs droits au congrès, comme à une cour suprême qui réglait le sort de tout le monde. Le détail en fut prodigieux.

 

La France s'assura pour toujours la possession des Trois Évêchés, et l'acquisition de l'Alsace, excepté Strasbourg : mais au lieu de recevoir de l'argent comme la Suède, elle en donna : les archiducs de la branche du Tyrol eurent trois millions de livres pour la cession de leurs droits sur l'Alsace et sur le Sundgau.

 

La France paya la guerre et la paix, mais elle n'acheta pas cher une si belle province ; elle eut encore l'ancien Brisach et ses dépendances, et le droit de mettre garnison dans Philipsbourg. Ces deux avantages ont été perdus depuis ; mais l'Alsace est demeurée ; et Strasbourg, en se donnant à la France, a achevé d'incorporer l'Alsace à ce royaume.

 

Il y a peu de publicistes qui ne condamnent l'énoncé de cette cession de l'Alsace dans ce fameux traité de Munster ; ils en trouvent les expressions équivoques : en effet, céder toute sorte de juridiction et de souveraineté, et céder la préfecture de dix villes libres impériales, sont deux choses différentes. Il y a grande apparence que les plénipotentiaires virent cette difficulté, et ne voulurent pas l'approfondir, sachant bien qu'il y a des choses qu'il faut laisser derrière un voile que le temps et la puissance font tomber (3).

 

La maison palatine fut enfin rétablie dans tous ses droits, excepté dans le Haut-Palatinat, qui demeura à la branche de Bavière. On créa un huitième électorat en faveur du palatin. On entra avec tant d'attention dans tous les droits et dans tous les griefs, qu'on alla jusqu'à stipuler vingt mille écus que l'empereur devait donner à la mère du comte palatin Charles-Louis, et dix mille à chacune de ses sœurs. Le moindre gentilhomme fut bien reçu à demander la restitution de quelques arpents de terre ; tout fut discuté et réglé ; il y eut cent quarante restitutions ordonnées. On remit à un arbitrage la restitution de la Lorraine et l'affaire de Juliers. L'Allemagne eut la paix après trente ans de guerre, mais la France ne l'eut pas.

 

Les troubles de Paris, vers l'an 1647, enhardirent l'Espagne à s'en prévaloir ; elle ne voulut plus entrer dans les négociations générales. Les états-généraux, qui devaient, ainsi que l'Espagne, traiter à Munster, firent une paix particulière avec l'Espagne, malgré toutes les obligations qu'ils avaient à la France, malgré les traités qui les liaient, et malgré les intérêts qui semblaient les attacher encore à leurs anciens protecteurs. Le ministère espagnol se servit d'une ruse singulière pour engager les états à ce manque de foi ; il leur persuada qu'il était prêt de donner l'infante à Louis XIV, avec les Pays-Bas en dot. Les états tremblèrent, et se hâtèrent de signer ; cette ruse n'était qu'un mensonge ; mais la politique est-elle autre chose que l'art de mentir à propos ? Louis XI n'avait-il pas raison, quand son ambassadeur, se plaignant que les ministres du duc de Bourgogne mentaient toujours, il lui répondait : Eh ! bête, que ne mens-tu plus qu'eux ?

 

Dans cet important traité de Vestphalie il ne fut presque point question de l'empire romain. La Suède n'avait d'intérêt à démêler qu'avec le roi d'Allemagne, et non avec le suzerain de l'Italie ; mais la France eut quelques points à régler, sur lesquels Ferdinand ne pouvait transiger que comme empereur. Il s'agissait de Pignerol, de la succession de Mantoue, et du Montferrat ; ce sont des fiefs de l'empire. Il fut réglé que le roi de France paierait encore six cent mille livres à monsieur le duc de Mantoue, à la décharge de monsieur le duc de Savoie, moyennant quoi il garderait Pignerol et Casal en pleine souveraineté indépendante de l'empire. Ces possessions ont été perdues depuis pour la France, comme Brême, Verden, et une partie de la Poméranie ont été enlevés à la Suède. Mais le traité de Vestphalie, en ce qui concerne la législation de l'Allemagne, a toujours été réputé et est toujours demeuré inviolable.

 

 

 

1 – Voyez, dans l'Essai, note du chapitre XLXXVIII, l'opinion de Philippe Lebas sur la manière dont le traité de Westphalie est ici présenté par Voltaire. (G.A.)

 

2 – Ce monsieur était Frédéric-Guillaume Ier, bisaïeul du roi de Prusse Frédéric II. (G.A.)

 

3 – On sait combien les expressions équivoques de la cession de l'Alsace ont occupé les juristes en 1792 et années suivantes. De Garden, dans son Histoire générale des traités de paix, où se trouvent fondus les travaux de Koch, Schœll, etc, conclut comme Voltaire sur la question, en disant que c'est à dessein qu'on a enveloppé ces articles dans des ambiguïtés qui permettaient aux deux parties de les expliquer un jour, selon que les circonstances leur seraient favorables. (G.A.)

 

 

 

 

 

 

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