ANNALES DE L'EMPIRE - CATALOGUE DES EMPEREURS - CHARLES QUINT - Partie 49.3
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(Partie 3)
CHARLES-QUINT,
QUARANTIÈME EMPEREUR.
1525 – Le roi de France assiège Pavie. Le comte de Lannoy, vice-roi de Naples, Pescara et Bourbon, veulent faire lever le siège, en s'ouvrant un passage par le parc de Mirabel, où François Ier était posté. La seule artillerie française met les impériaux en déroute. Le roi de France n'avait qu'à ne rien faire, et ils étaient vaincus. Il veut les poursuivre et il est battu entièrement. Les Suisses, qui faisaient la force de son infanterie, s'enfuient et l'abandonnent ; et il ne reconnaît la faute de n'avoir qu'une infanterie mercenaire et d'avoir trop écouté son courage, que lorsqu'il tombe captif entre les mains des impériaux et de ce Bourbon qu'il avait outragé, et qu'il avait forcé à être rebelle.
Charles-Quint, qui était alors à Madrid, apprend l'excès de son bonheur, et dissimule celui de sa joie. On lui envoie son prisonnier. Il semblait alors le maître de l'Europe. Il l'eût été en effet, si, au lieu de rester à Madrid, il eût suivi sa fortune à la tête de cinquante mille hommes ; mais ses succès lui firent des ennemis d'autant plus aisément, que lui, qui passait pour le plus actif des princes, ne profita pas de ces succès.
Le cardinal Wolsey, mécontent de l'empereur, au lieu de porter Henri VIII, qu'il gouvernait, à entrer dans la France abandonnée et à la conquérir, porte son maître à se déclarer contre Charles-Quint, et à tenir cette balance qui échappait aux faibles mains de Clément VII.
Bourbon, que Charles flattait de l'espérance d'un royaume composé de la Provence, du Dauphiné, et des terres de ce connétable, n'est que gouverneur du Milanais.
Il faut croire que Charles-Quint avait de grandes affaires secrètes en Espagne, puisque, dans ce moment critique, il ne venait ni vers la France, où il pouvait entrer, ni dans l'Italie, qu'il pouvait subjuguer, ni dans l'Allemagne, que les nouveaux dogmes et d'amours de l'indépendance remplissaient de troubles.
Les différents sectaires savaient bien ce qu'ils ne voulaient pas croire ; mais ils ne savaient pas ce qu'ils voulaient croire. Tous s'accordaient à s'élever contre les abus de la cour et de l'Église romaine : tous introduisaient d'autres abus. Mélanchthon s'oppose à Luther sur quelques articles.
Storck, né en Silésie, va plus loin que Luther. Il est le fondateur de la secte des anabaptistes ; Muncer en est l'apôtre ; tous deux prêchent les armes à la main. Luther avait commencé par mettre dans son parti les princes ; Muncer met dans le sien les habitants de la campagne. Il les flatte et les anime par cette idée d'égalité, loi primitive de la nature, que la force et les conventions ont détruite. Les premières fureurs des paysans éclatent dans la Souabe, où ils étaient plus esclaves qu'ailleurs. Muncer passe en Thuringe. Il s'y rend maître de Mulhausen (1) en prêchant l'égalité, et fait porter à ses pieds l'argent des habitants en prêchant le désintéressement. Tous les paysans se soulèvent en Souabe, en Franconie, dans une partie de la Thuringe, dans le Palatinat, dans l'Alsace.
A la vérité ces espèces de sauvages firent un manifeste que Lycurgue aurait signé. Ils demandaient « qu'on ne levât sur eux que les dîmes des blés, et qu'elles fussent employées à soulager les pauvres ; que la chasse et la pêche leur fussent permises ; qu'ils eussent du bois pour se bâtir des cabanes et pour se garantir du froid, qu'on modérât leurs corvées. » Ils réclamaient les droits du genre humain : mais ils les soutinrent en bêtes féroces. Ils massacrent les gentilshommes qu'ils rencontrent. Une fille naturelle de l'empereur Maximilien est égorgée.
Ce qui est très remarquable, c'est qu'à l'exemple de ces anciens esclaves révoltés qui, se sentant incapables de gouverner, choisirent, dit-on, autrefois pour leur roi le seul maître qui avait échappé au carnage, ces paysans mirent à leur tête un gentilhomme. Ils s'emparent de Heilbron, de Spire de Vurtzbourg, de tous les pays entre ces villes.
Muncer et Storck conduisent l'armée en qualité de prophètes. Le vieux Frédéric, électeur de Saxe, leur livre une sanglante bataille près de Franckusen dans le comté de Mansfeld. En vain les deux prophètes entonnent des cantiques au nom du Seigneur : ces fanatiques sont entièrement défaits. Muncer, pris après la bataille, est condamné à perdre la tête. Il abjura sa secte avant de mourir. Il n'avait point été enthousiaste ; il avait conduit ceux qui l'était ; mais son disciple Pfiffer, condamné comme lui, mourut persuadé. Stock retourne prêcher en Silésie, et envoie des disciples en Pologne. L'empereur, cependant, négociait tranquillement avec le roi de France, son prisonnier à Madrid.
1526 – Principaux articles du traité dont Charles-Quint impose les lois à François Ier.
Le roi de France cède à l'empereur le duché de Bourgogne et le comté de Charolais ; il renonce au droit de souveraineté sur l'Artois et sur la Flandre. Il lui laisse Arras, Tournai, Mortagne, Saint-Amand, Lille, Douai, Orchies, Hesdin. Il se désiste de tous ses droits sur les Deux-Siciles, sur le Milanais, sur le comté d'Asti, sur Gênes. Il promet de ne jamais protéger ni le duc de Gueldre, qui se soutenait toujours contre cet empereur si puissant, ni le duc de Virtemberg, qui revendiquait son duché vendu à la maison d'Autriche il promet de faire renoncer les héritiers de la Navarre à leur droit sur ce royaume ; il signe une ligue défensive et même offensive avec son vainqueur qui lui ravit tant d'États ; il s'engage à épouser Éléonore, sa sœur.
Il est forcé à recevoir le duc de Bourbon en grâce, à lui rendre tous ses biens, à de dédommager lui et tous ceux qui ont pris son parti.
Ce n'était pas tout. Les deux fils aînés du roi doivent être livrés en otage jusqu'à l'accomplissement du traité ; il est signé le 14 janvier.
Pendant que le roi de France fait venir ses deux enfants pour être captifs à sa place, Lannoy, vice-roi de Naples, entre dans sa chambre en bottes, et vient lui faire signer le contrat de mariage avec Éléonore, qui était à quatre lieues de là, et qu'il ne vit point : étrange façon de se marier !
On assure que François Ier fit une protestation par devant notaire contre ses promesses, avant de les signer. Il est difficile de croire qu'un notaire de Madrid ait voulu et pu venir signer un tel acte dans la prison du roi.
Le dauphin et le duc d'Orléans sont amenés en Espagne, échangés avec leur père, au milieu de la rivière d'Andaye, et menés en otage.
Charles aurait pu avoir la Bourgogne, s'il se l'était fait céder avant de relâcher son prisonnier. Le roi de France exposé ses deux enfants au courroux de l'empereur en ne tenant pas sa parole. Il y a eu des temps où cette infraction aurait coûté la vie à ces deux princes.
François Ier se fait représenter par les états de Bourgogne qu'il n'a pu céder cette grande province de la France. Il ne fallait donc pas la promettre. Ce roi était dans un état où tous les partis étaient tristes pour lui.
Le 22 mai, François Ier, à qui ses malheurs et ses ressources ont donné des amis, signe à Cognac une ligue avec le pape Clément VII, le roi d'Angleterre, les Vénitiens, les Florentins, les Suisses, contre l'empereur. Cette ligue est appelée sainte, parce que le pape en est le chef. Le roi stipule de mettre en possession du Milanais ce même duc François Sforce qu'il avait voulu dépouiller. Il finit par combattre pour ses anciens ennemis. L'empereur voit tout d'un coup la France, l'Angleterre, l'Italie, armées contre sa puissance, parce que cette puissance même n'a pas été assez grande pour empêcher cette révolution, et parce qu'il est resté oisif à Madrid au lieu d'aller profiter de la victoire de ses généraux.
Dans ce chaos d'intrigues et de guerres, les impériaux étaient maîtres de Milan et de presque toute la province, François Sforce avait le seul château de Milan.
Mais dès que la ligue est signée, le Milanais se soulève ; il prend le parti de son duc. Les Vénitiens marchent et enlèvent Lodi à l'empereur. Le duc d'Urbin, à la tête de l'armée du pape, est dans le Milanais. Malgré tant d'ennemis, le bonheur de Charles-Quint lui conserve l'Italie. Il devait la perdre en restant à Madrid ; le vieil Antoine de Lève et ses autres généraux la lui conservent. François Ier ne peut assez tôt faire partir des troupes de son royaume épuisé. L'armée du pape se conduit lâchement, celle de Venise mollement. François Sforce est obligé de rendre son château de Milan. Un très petit nombre d'Espagnols et d'Allemands, bien commandés et accoutumés à la victoire, vaut à Charles-Quint tous ces avantages, dans le même temps de sa vie où il lit le moins de choses par lui-même. Il reste toujours à Madrid. Il s'applique à régler les rangs et à former l'étiquette; il se marie avec Isabelle, fille d'Emmanuel-le-Grand, roi de Portugal, pendant que le nouvel électeur de Saxe, Jean-le-Constant fait profession de la religion nouvelle, et abolit la romaine en Saxe ; pendant que le landgrave de Hesse, Philippe, en fait autant dans ses États ; que Francfort établit un sénat luthérien, et qu'enfin un assez grand nombre de chevaliers teutons, destinés à défendre l'Église, l'abandonnent pour se marier, et approprier à leurs familles les commanderies de l'ordre.
1 – Où il établit un gouvernement théocratique. (G.A.)