ANNALES DE L'EMPIRE - CATALOGUE DES EMPEREURS - CHARLES QUINT - Partie 49.2

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ANNALES DE L'EMPIRE - CATALOGUE DES EMPEREURS - CHARLES QUINT - Partie 49.2

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(Partie 2)

 

 

 

 

 

CHARLES-QUINT,

 

 

QUARANTIÈME EMPEREUR.

 

 

 

 

Cette année est celle de la première capitulation dressée pour les empereurs. On se contentait auparavant du serment qu'ils faisaient à leur sacre. Un serment vague d'être juste ouvre la porte à l'injustice. Il fallait une digue plus forte contre l'abus de l'autorité d'un prince si puissant par lui-même.

 

Par ce contrat véritable du chef avec les membres, l'empereur promet que, s'il a quelque domaine qu'il ne possède pas à bon titre, il le restituera à la première sommation des électeurs. C'est promettre beaucoup.

 

Des auteurs considérables prétendent qu'on lui fit jurer aussi de résider toujours dans l'Allemagne ; mais la capitulation porte expressément qu'il y résidera autant qu'il sera possible : exiger une chose injuste eût fourni un trop beau prétexte de ne pas exécuter ce qui était juste.

 

Le jour de l'élection de Charles-Quint est marqué par un combat entre un évêque de Hildesheim et un duc de Brunsvick dans le duché de Lunebourg. Ils se disputaient un fief ; et malgré l'établissement des austrègues, de la chambre impériale, et du conseil aulique, malgré l'autorité des deux vicaires de l'empire, on voyait tous les jours princes, évêques, barons, donner des combats sanglants pour le moindre procès. Il y avait quelques lois ; mais le pouvoir coactif, qui est la première des lois, manquait à l'Allemagne.

 

L'électeur palatin porte en Espagne à Charles la nouvelle de son élection. Les grands d'Espagne se disaient alors égaux aux électeurs ; les pairs de France à plus forte raison ; et les cardinaux prenaient le pas sur eux tous.

 

L'Espagne craint d'être province de l'empire. Charles est obligé de déclarer l'Espagne indépendante. Il va en Allemagne, mais il passe auparavant en Angleterre pour se lier déjà avec Henri VIII contre François Ier. Il est couronné à Aix-la-Chapelle le 23 octobre 1520.

 

1520 – Au temps de cet avènement de Charles-Quint à l'empire, l'Europe prend insensiblement une face nouvelle. La puissance ottomane s'affermit sur des fondements inébranlables dans Constantinople.

 

L'empereur, roi des Deux-Siciles et d'Espagne, paraît fait pour opposer une digue aux Turcs. Les Vénitiens craignaient à la fois le sultan et l'empereur.

 

Le pape Léon X est maître d'un petit État, et sent déjà que la moitié de l'Europe va échapper à son autorité spirituelle. Car dès l'an 1520, depuis le fond du Nord jusqu'à la France, les esprits étaient soulevés, et contre les abus de l'Église romaine, et contre ses lois.

 

François Ier, roi de France, plus brave chevalier que grand prince, avait plutôt l'envie que le pouvoir d'abaisser Charles-Quint. Comment eût-il pu, à armes et à prudence égales, l'emporter sur un empereur, roi d'Espagne et de Naples, souverain des Pays-Bas, dont les frontières allaient jusqu'aux portes d'Amiens, et qui commençait à recevoir déjà dans ses ports d'Espagne les trésors d'un nouveau monde ?

 

Henri VIII, roi d'Angleterre, prétendait d'abord tenir la balance entre Charles-Quint et François Ier. Grand exemple de ce que pouvait le courage anglais, soutenu déjà des richesses du commerce.

 

On peut observer dans ce tableau de l'Europe que Henri VIII, l'un des principaux personnages, était un des plus grands fléaux qu'ait éprouvés la terre : despotique avec brutalité, furieux dans sa colère, barbare dans ses amours, meurtrier de ses femmes, tyran capricieux dans l'État et dans la religion. Cependant il mourut dans son lit ; et Marie Stuart, qui n'avait eu qu'une faiblesse criminelle, et Charles Ier, qui n'eut à se reprocher que sa bonté, sont morts sur l'échafaud (1).

 

Un roi plus méchant encore que Henri VIII, c'est Christiern II, naguère réunissant sous son pouvoir le Danemark, la Norvège et la Suède, monstre toujours souillé de sang, surnommé le Néron du Nord, puni à la fin de tous ses crimes, quoique beau-frère de Charles-Quint, détrôné et mort en prison dans une vieillesse abhorrée et méprisée.

 

Voilà à peu près les principaux princes chrétiens qui figuraient en Europe quand Charles-Quint prit les rênes de l'empire.

 

L'Italie fut plus brillante alors par les beaux-arts qu'elle ne l'a jamais été ; mais jamais on ne la vit plus loin du grand but que s'était proposé Jules II, di cacciare i barbari d'Italia.

 

Les puissances de l'Europe étaient presque toujours en guerre ; mais, heureusement pour les peuples, les petites armées qu'on levait pour un temps retournaient ensuite cultiver les campagnes ; et au milieu des guerres les plus acharnées, il n'y avait pas dans l'Europe la cinquième partie des soldats qu'on voit aujourd'hui dans la plus profonde paix. On ne connaissait point cet effort continuel et funeste qui consume toute la substance d'un gouvernement dans l'entretien de ces armées nombreuses toujours subsistantes, qui, en temps de paix, ne peuvent être employées que contre les peuples, et qui un jour pourront être funestes à leurs maîtres (2).

 

La gendarmerie faisait toujours la principale force des armées chrétiennes : les fantassins étaient méprisés ; c'est pourquoi les Allemands les appelaient Lands-Knechte, valets de terre. La milice des janissaires était la seule infanterie redoutable.

 

Les rois de France se servaient presque toujours d'une infanterie étrangère ; les Suisses ne faisaient encore usage de leur liberté que pour vendre leur sang, et d'ordinaire celui qui avait le plus de Suisses dans son armée se croyait sûr de la victoire. Ils eurent au moins cette réputation jusqu'à la bataille de Marignan, que François Ier gagna contre eux avec sa gendarmerie, quand il voulut pour la première fois descendre en Italie.

 

L'art de la guerre fut plus approfondi sous Charles-Quint qu'il ne l'avait été encore. Ses grands succès, le progrès des beaux-arts en Italie, le changement de religion dans la moitié de l'Europe, le commerce des Grandes-Indes par l'Océan, la conquête du Mexique et du Pérou, rendent ce siècle éternellement mémorable.

 

1521 – Diète de Vorms, fameuse par le rétablissement de la chambre impériale, qui ne subsistait plus que de nom.

 

Charles-Quint établit deux vicaires, non pas de l'empire, mais de l'empereur. Les vicaires nés de l'empire sont Saxe et Palatin, et leurs arrêts sont irrévocables. Les vicaires de l'empereur sont des régents qui rendent compte au souverain. Ces régents furent son frère Ferdinand, auquel il avait cédé ses États d'Autriche, le comte palatin, et vingt-deux assesseurs.

 

Cette diète ordonne que les ducs de Brunsvick et de Lunebourg d'un côté, et les évêques d'Hildesheim et de Minden et l'autre, qui se faisaient la guerre, comparaîtront ils méprisent cet arrêt : on les met au ban de l'empire, et ils méprisent ce ban. La guerre continue entre eux. La puissance de Charles-Quint n'est pas encore assez grande pour donner de la force aux lois. Deux évêques armés et rebelles n'indisposent pas médiocrement les esprits contre l'Église et contre les biens de l'Église.

 

Luther vient à cette diète avec un sauf-conduit de l'empereur : il ne craignait pas le sort de Jean Hus : les prêtres n'étaient pas les plus forts à la diète. On confère avec lui sans trop s'entendre ; on ne convient de rien ; on le laisse paisiblement retourner en Saxe détruire la religion romaine. Le 6 mai, l'empereur donne un édit contre Luther absent, et ordonne, sous peine de désobéissance, à tout prince et état de l'empire d'emprisonner Luther et ses adhérents. Cet ordre était contre le duc de Saxe. On savait bien qu'il n'obéirait pas ; mais l'empereur, qui s'unissait avec le pape Léon X contre François Ier, voulait paraître catholique.

 

Il veut, dans cette diète, faire conclure une alliance entre l'empire et le roi de Danemark Christiern II, son beau-frère, et lui assurer des secours. Il règne toujours dans les grandes assemblées un sentiment d'horreur pour la tyrannie ; le cri de la nature s'y fait entendre ; et l'enthousiasme de la vertu se communique. Toute la diète s'éleva contre une alliance avec un scélérat, teint du sang de quatre-vingt-quatorze sénateurs massacrés à ses yeux par des bourreaux dans Stockholm livrée au pillage. On prétend que Charles-Quint voulait s'assurer les trois couronnes du Nord en secourant son indigne beau-frère.

 

La même année, le pape Léon X, plus intrigant peut-être que politique, et qui, se trouvant entre François Ier et Charles-Quint, ne pouvait guère être qu'intrigant, fait presque à la fois un traité avec l'un et avec l'autre : le premier en 1520, avec François Ier, auquel il promet le royaume de Naples en se réservant Gaëte ; et cela en vertu de cette loi chimérique que jamais un roi de Naples ne peut être empereur ; le second en 1521, avec Charles-Quint, pour chasser les Français de l'Italie, et pour donner le Milanais à François Sforce, fils puîné de Louis-le-Maure, et surtout pour donner au saint-siège Ferrare, qu'on voulait toujours ôter à la maison d'Est.

 

Première hostilité qui met aux mains l'empire et la France. Le duc de Bouillon-la-Mark, souverain du château de Bouillon, déclare solennellement la guerre par un héraut à Charles-Quint, et ravage le Luxembourg. On sent bien qu'il agissait pour François Ier, qui le désavouait en public.

 

Charles, uni avec Henri VIII, et Léon X, fait la guerre à François Ier, du côté de la Picardie et vers le Milanais ; elle avait déjà commencé en Espagne, dès 1520 ; mais l'Espagne n'est qu'un accessoire à ces Annales de l'Empire.

 

Lautrec, gouverneur du Milanais pour le roi de France, général malheureux parce qu'il était fier et imprudent, est chassé de Milan, de Pavie, de Lodi, de Parme, et de Plaisance, par Prosper Colonne.

 

Léon X meurt le 2 décembre. Georges, marquis de Malaspina, attaché à la France, soupçonné d'avoir empoisonné le pape, est arrêté, et se justifie d'un crime qu'il est difficile de prouver.

 

Ce pape avait douze mille Suisses à son service.

 

Le cardinal Wolsey, tyran de Henri VIII, qui était le tyran de l'Angleterre, veut être pape. Charles-Quint le joue, et manifeste son pouvoir en faisant pape son précepteur Adrien Florent, natif d'Utrecht, alors régent en Espagne.

 

Adrien est élu le 9 janvier. Il garde son nom, malgré la coutume établie dès l'onzième siècle. L'empereur gouverne absolument le pontificat.

 

L'ancienne ligue des villes de Souabe est confirmée à Ulm pour onze ans. L'empereur pouvait la craindre ; mais il voulait plaire aux Allemands.

 

1522 – Charles va encore en Angleterre, reçoit à Windsor l'ordre de la Jarretière ; il promet d'épouser sa cousine Marie, fille de sa tante Catherine d'Aragon et de Henri VIII, que son fils Philippe épousa depuis. Il se soumet, par une clause étonnante, à payer cinq mille écus s'il n'épouse pas cette princesse. C'est la cinquième fois qu'il est promis sans être marié. Il partage la France en idée avec Henri VIII, qui compte alors faire revivre les prétentions de ses aïeux sur ce royaume.

 

L'empereur emprunte de l'argent du roi d'Angleterre Voilà l'explication de cette énigme du dédit de cinq cent mille écus. Cet argent prêté aurait servi un jour de dot ; et ce dédit singulier est exigé de Henri VIII comme une espèce de caution.

 

L'empereur donne au cardinal-ministre Wolsey des pensions qui ne le dédommagent pas de la tiare.

 

Pourquoi le plus puissant empereur qu'on ait vu depuis Charlemagne est-il obligé d'aller demander de l'argent à Henri VIII comme Maximilien ? Il faisait la guerre vers les Pyrénées, vers la Picardie, en Italie, tout à la fois , l'Allemagne ne lui fournissait rien ; l'Espagne peu de chose : les mines du Mexique ne faisaient pas encore un produit réglé ; les dépenses de son couronnement et des premiers établissements en tout genre furent immenses.

 

Charles-Quint est heureux partout. Il ne reste à François Ier, dans le Milanais, que Crémone et Lodi. Gênes, qu'il tenait encore, lui est enlevée par les impériaux. L'empereur permet que François Sforce, dernier prince de cette race, entre dans Milan.

 

Mais pendant ce temps-là même la puissance ottomane menace l'Allemagne. Les Turcs sont en Hongrie. Soliman, aussi redoutable que Sélim et Mahomet II, prend Belgrade, et de là il va au siège de Rhodes, qui capitule après un siège de trois mois.

 

Cette année est féconde en grands événements. Les états du Danemark déposent solennellement le tyran Christiern, comme on juge un coupable, et en se bornant à le déposer on lui fait grâce.

 

Gustave Vasa proscrit en Suède la religion catholique. Tout le Nord jusqu'au Veser est près de suivre cet exemple.

 

1523 – Pendant que la guerre de controverse menace l'Allemagne d'une révolution, et que Soliman menace l'Europe chrétienne, les querelles de Charles-Quint et de François Ier font les malheurs de l'Italie et de la France.

 

Charles et Henri VIII, pour accabler François Ier, gagnent le connétable de Bourbon, qui, plus rempli d'ambition et de vengeance que d'amour pour la patrie, s'engage à attaquer le milieu de la France, tandis que ses ennemis pénétreront par ses frontières (3). On lui promet Éléonore, sœur de Charles-Quint, veuve du roi de Portugal, et, ce qui est plus essentiel, la Provence avec d'autres terres qu'on érigera en royaume.

 

Pour porter le dernier coup à la France, l'empereur se ligue encore avec les Vénitiens, le pape Adrien et les Florentins. Le duc François Sforce reste possesseur du Milanais, dont François Ier est dépouillé : mais l'empereur ne reconnaît point encore Sforce pour duc de Milan, et il diffère à se décider sur cette province, dont il sera toujours maître quand les Français n'y seront plus.

 

Les troupes impériales entrent dans la Champagne : le connétable de Bourbon, dont les desseins sont découverts, fuit et va commander pour l'empereur en Italie.

 

Au milieu de ces grands troubles, une petite guerre s'élève entre l'électeur de Trèves et la noblesse d'Alsace, comme un petit tourbillon qui s'agite dans un grand. Charles-Quint est trop occupé de ses vastes desseins et de la multitude de ses intérêts, pour penser à pacifier ces querelles passagères.

 

Clément VII succède à Adrien le 29 novembre (4) ; il était de la maison de Médicis. Son pontificat est éternellement remarquable par ses malheureuses intrigues et par sa faiblesse, qui causèrent depuis le pillage de Rome, que saccagea l'armée de Charles-Quint, par la perte de la liberté des Florentins, et par l'irrévocable défection de l'Angleterre arrachée à l'Église romaine.

 

1524 – Clément VII commence par envoyer à la diète de Nuremberg un légat pour armer l'Allemagne contre Soliman, et pour répondre à un écrit intitulé : Les cent griefs contre la cour de Rome. Il ne réussit ni à l'un ni à l'autre.

 

Il n'était pas extraordinaire qu'Adrien, précepteur et depuis ministre de Charles-Quint, né avec le génie d'un subalterne, fût entré dans la ligue qui devait rendre l'empereur maître absolu de l'Italie, et bientôt de l'Europe. Clément VII eut d'abord le courage de se détacher de cette ligue, espérant tenir la balance égale.

 

Il y avait alors un homme de sa famille qui était véritablement un grand homme ; c'est Jean de Médicis, général de Charles-Quint. Il commandait pour l'empereur en Italie avec le connétable de Bourbon ; c'est lui qui acheva de chasser cette année les Français de la petite partie du Milanais qu'ils occupaient encore, qui battit Bonnivet à Biagrasse, où fut tué le chevalier Bayard, très renommé en France.

 

Le marquis de Pescara, que les Français appellent Pescaire, digne émule de ce Jean de Médicis, marche en Provence avec le duc de Bourbon. Celui-ci veut assiéger Marseille malgré Pescara, et l'entreprise échoue; mais la Provence est ravagée.

 

François Ier a le temps d'assembler une armée ; il poursuit les impériaux, qui se retirent ; il passe les Alpes. Il rentre pour son malheur dans ce duché de Milan pris et perdu tant de fois. La maison de Savoie n'était pas encore assez puissante pour fermer le passage aux armées de France.

 

Alors l'ancienne politique des papes se déploie, et la crainte qu'inspire un empereur trop puissant lie Clément VII avec François Ier : il veut lui donner le royaume de Naples. François y fait marcher un gros détachement de son armée. Par là il s'affaiblit en divisant ses forces, et prépare ses malheurs et ceux de Rome.

 

 

 

 

1 – Il faut en appeler de ces deux jugements. (G.A.)

 

2 – Cette parole est plus que jamais à l'ordre du jour en Europe. (G.A.)

 

3 – Voltaire se prononce ici en toute franchise sur le connétable. Dans l'Essai, au contraire, la trahison est presque niée. (G.A.)

 

4 – D'autres disent le 28, et d'autres le 19. (G.A.)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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M
Merci pour cet article, au plaisir de vous voir sur mon blog. https://mael-jouet.blogspot.com/
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