ANNALES DE L'EMPIRE - CATALOGUE DES EMPEREURS - CHARLES QUINT - Partie 49.13
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(Partie 13)
CHARLES-QUINT,
QUARANTIÈME EMPEREUR.
1552 – L'électeur Maurice de Saxe lève le masque, et publie par un manifeste qu'il s'est allié avec le roi de France pour la liberté de ce même Jean-Frédéric, ci-devant électeur, que lui-même avait dépossédé, pour celle du landgrave de Hesse (1), et pour le soutien de la religion (2).
L'électeur de Brandebourg, Joachim, se joint à lui, Guillaume, fils du landgrave de Hesse, prisonnier ; Henri Othon, électeur palatin ; Albert de Mecklenbourg, sont en armes avant que l'empereur ait assemblé des troupes.
Maurice et les confédérés marchent vers les défilés du Tyrol, et chassent le peu d'impériaux qui les gardaient. L'empereur et son frère Ferdinand, sur le point d'être pris, sont obligés de fuir en désordre. Charles menait toujours avec lui son prisonnier, l'ancien électeur de Saxe. Il lui offre sa liberté. Il est difficile de rendre raison pourquoi ce prince ne voulut pas l'accepter. La véritable raison peut-être, c'est que l'empereur ne la lui offrit pas (3).
Cependant le roi de France s'était saisi de Toul, de Verdun et de Metz, dès le commencement du mois d'avril. Il prend Haguenau et Vissembourg ; de là il tourne vers le pays de Luxembourg, et s'empare de plusieurs villes.
L'empereur, pour comble de disgrâces, apprend dans sa fuite que le pape l'a abandonné, et s'est déclaré neutre entre lui et la France. C'est alors que son frère Ferdinand fut excommunié pour avoir fait assassiner le cardinal Martinusius. Il eût été plus beau au pape de ne pas attendre que ces censures ne parussent que l'effet de sa politique.
Au milieu de tous ces troubles, les Pères du concile se retirent de Trente, et le concile est encore suspendu.
Dans ce temps funeste toute l'Allemagne est en proie aux ravages. Albert de Brandebourg pille toutes les commanderies de l'ordre Teutonique, les terres de Bamberg, de Nuremberg, de Vurtzbourg, et plusieurs villes de Souabe. Les confédérés mettent à feu et à sang les États de l'électeur de Mayence, Vorms, Spire, et assiègent Francfort.
Cependant l'empereur, retiré dans Passau, et ayant rassemblé une armée, après tant de disgrâces, amène les confédérés à un traité (4). La paix est conclue le 12 août. Il accorde par cette paix célèbre de Passau une amnistie générale à tous ceux qui ont porté les armes contre lui depuis l'année 1546. Non-seulement les protestants obtiennent le libre exercice de la religion, mais ils sont admis dans la chambre impériale, dont on les avait exclus après la victoire de Muhlberg. Il y a sujet de s'étonner qu'on ne rende pas une liberté entière au landgrave de Hesse par ce traité, qu'il soit confié dans le fort de Rheinfeld jusqu'à ce qu'il donne des assurances de sa fidélité, et qu'il ne soit rien stipulé pour Jean-Frédéric, l'ancien électeur de Saxe.
L'empereur cependant rendit bientôt après la liberté à ce malheureux prince, et le renvoya dans les États de Thuringe qui lui restaient.
L'heureux Maurice de Saxe, ayant fait triompher sa religion, et ayant humilié l'empereur, jouit encore de la gloire de le défendre. Il conduit seize mille hommes en Hongrie ; mais Ferdinand, malgré ce secours, ne peut rester en possession de la Haute-Hongrie, qu'en souffrant que les États se soumettent à payer un tribut annuel de vingt mille écus d'or à Soliman.
Cette année est funeste à Charles-Quint. Les troupes de France sont dans le Piémont, dans le Montferrat, dans Parme. Il était à craindre que de plus grandes forces n'entrassent dans le Milanais, ou dans le royaume de Naples. Dragut infestait les côtes de l'Italie, et l'Europe voyait toujours les troupes du roi très chrétien jointes avec les Turcs contre les chrétiens, tandis qu'on ne cessait de brûler les protestants de France par arrêt des tribunaux nommés parlements.
Les finances de Charles étaient épuisées, malgré les taxes imposées en Allemagne, après sa victoire de Muhlberg, et malgré les trésors du Mexique. La vaste étendue de ses États, ses voyages, ses guerres, absorbaient tout : il emprunte deux cent mille écus d'or au duc de Florence, Cosme de Médicis, et lui donne la souveraineté de Piombino et de l'île d'Albe : aidé de ce secours, il se soutient du moins en Italie, et il va assiéger Metz avec une puissante armée.
Albert de Brandebourg, le seul des princes protestants qui était encore en armes contre lui, abandonne la France dont il a reçu de l'argent, et sert sous Charles-Quint au siège de Metz. Le fameux François, duc de Guise, qui défendait Metz avec l'élite de la noblesse française, l'oblige de lever le siège, le 26 décembre, au bout de soixante-cinq jours : Charles y perdit plus du tiers de son armée.
1553 – Charles se venge du malheur qu'il a essuyé devant Metz, en envoyant les comtes de Lalain, et de Reuss assiéger Térouane : la ville est prise et rasée.
Philibert-Emmanuel, prince de Piémont, depuis duc de Savoie, qui devient bientôt un des plus grands généraux de ce siècle, est mis à la tête de l'armée de l'empereur ; il prend Hesdin, qui est rasé comme Térouane. Mais le duc d'Arschot, qui commandait un corps considérable, se laisse battre, et la fortune de Charles est encore arrêtée.
Les affaires en Italie restent dans la même situation ; l'Allemagne n'est pas tranquille. L'inquiet Albert de Brandebourg, qu'on nommait l'Alcibiade, toujours à la tête d'un corps de troupes, les fait subsister de pillage ; il ravage les terres de Henri de Brunsvick, et même de l'électeur Maurice de Saxe.
L'électeur Maurice lui livre bataille auprès de Hildesheim, au mois de juillet ; il la gagne, mais il y est tué. Ce prince n'avait que trente-deux ans, mais il avait acquis la réputation d'un grand capitaine et d'un grand politique : son frère Auguste lui succède.
Albert l'Alcibiade fait encore la guerre civile ; la chambre impériale lui fait son procès ; il n'en continue pas moins ses ravages : mais enfin, manquant d'argent et de troupes, il se réfugie en France. L'empereur, pour mieux soutenir cette grande puissance, qui avait reçu tant d'accroissement et tant de diminution, arrête le mariage de son fils Philippe avec Marie, reine d'Angleterre, fille de Henri VIII et de Catherine d'Aragon.
Quoique le parlement d'Angleterre ajoutât aux clauses du contrat de mariage, que l'alliance entre les Français et les Anglais subsisterait, Charles n'en espérait pas moins, et avec raison, que cette alliance serait bientôt rompue. C'était en effet armer l'Angleterre contre la France, que de lui donner son fils pour roi ; et si Marie avait eu des enfants, la maison d'Autriche voyait sous ses lois tous les États de l'Europe depuis la mer Baltique, excepté la France.
1554 – Charles cède à son fils Philippe le royaume de Naples et de Sicile, avant que ce prince s'embarque pour l'Angleterre, où il arrive au mois de juillet, et est couronné roi conjointement avec Marie son épouse, comme depuis le roi Guillaume l'a été avec une autre Marie (5), mais non pas avec le pouvoir qu'a eu Guillaume.
Cependant la guerre dure toujours entre Charles-Quint et Henri II, sur les frontières de la France et en Italie, avec des succès divers et toujours balancés.
Les troupes de France étaient toujours dans le Piémont et dans le Montferrat, mais en petit nombre. L'empereur n'avait pas de grandes forces dans le Milanais ; il semblait qu'on fût épuisé des deux côtés.
Le duc de Florence, Cosme, armait pour l'empereur, Sienne, qui craignait de tomber un jour au pouvoir des Florentins, comme il lui est arrivé, était protégée par les Français. Medechino, marquis de Marignan, général de l'armée du duc de Florence, remporte une victoire sur quelques troupes de France et sur leurs alliés, le 2 auguste ; c'est en mémoire de cette victoire que Cosme institua l'ordre de Saint-Étienne, parce que c'était le jour de Saint-Étienne que la bataille avait été gagnée.
1555 - Ernest comte de Mansfeld, gouverneur du Luxembourg, est près de reprendre, par les artifices d'un cordelier, la ville de Metz, que l'empereur n'avait pu réduire avec cinquante mille hommes. Ce cordelier, nommé Léonard, gardien du couvent, qui avait été confesseur du duc de Guise, et qu'on respectait dans la ville, faisait entrer tous les jours de vieux soldats, allemands, espagnols, et italiens déguisés en cordeliers, sous prétexte d'un chapitre général qui devait se tenir.
Un chartreux découvre le complot : on arrête le P. Léonard, qu'on trouva mort le lendemain : son corps fut porté au gibet, et on se contenta de faire assister dix-huit cordeliers à la potence. Tant d'exemples du danger d'avoir des moines n'ont pu encore les faire abolir.
L'ancienne politique des papes se renouvelle sous Paul IV, de la maison de Caraffe : cette politique est, comme on a vu dans le cours de cet ouvrage, d'empêcher l'empereur d'être trop puissant en Italie.
Paul IV ne songe point au concile de Trente, mais à faire la guerre dans le royaume de Naples et dans le Milanais, avec le secours de la France, pour donner, s'il le peut, des principautés à ses neveux. Il s'engage à joindre dix mille hommes aux nouvelles troupes que Henri II doit envoyer.
La guerre allait donc devenir plus vive que jamais. Charles voyait qu'il n'aurait pas un moment de repos dans sa vie ; la goutte le tourmentait ; le fardeau de tant d'affaires devenait pesant ; il avait joué longtemps le plus grand rôle dans l'Europe ; il voulut finir par une action plus singulière que tout ce qu'il avait fait dans sa vie, par abdiquer toutes ses couronnes et l'empire (6).
Tandis qu'il se préparait à renoncer à tant d'États pour s'ensevelir dans un monastère, il assurait la liberté des protestants dans la diète d'Augsbourg ; il leur abandonnait les biens ecclésiastiques dont ils s'étaient emparés ; on changeait en leur faveur la formule du serment des conseillers de la chambre impériale ; on ne devait plus jurer par les saints, mais seulement par les Évangiles. Le vainqueur de Muhlberg cédait ainsi à la nécessité ; et près d'aller vivre en moine, il agissait en philosophe.
Le 24 novembre (7), il assemble les États à Bruxelles, et remet les Pays-Bas à son fils Philippe : le 10 janvier suivant, il lui cède l'Espagne, le Nouveau-Monde, et toutes ses provinces héréditaires.
Il pardonne à Octave Farnèse, son gendre ; il lui rend Plaisance et le Novarais, et se prépare à céder l'empire à son frère, le roi des Romains.
1 – Pour celle de l'Allemagne qui était menacée de la domination d'un monarque absolu. (G.A.)
2 – Le marquis de Brandebourg-Culmbach publia aussi un manifeste, et le roi de France un autre encore. On voyait en tête de ce dernier un bonnet Phrygien placé entre deux poignards, et Henri II s'y déclarait protecteur des libertés de l'Allemagne et de ses princes captifs (G.A.)
3 – L'électeur craignait de tomber entre les mains de Maurice lui-même, qu'il regardait avec raison comme la cause de tous ses malheurs. Il préférait encore se laisser traîner à la suite de Charles (G.A.)
4 – C'est Ferdinand seul qui se trouvait alors à Passau. L'empereur avait dû s'enfuir d'Inspruck, où Maurice avait failli le faire prisonnier, et il se tenait à Villach. (G.A.)
5 – Voyez le Siècle de Louis XIV, chap. XV. (G.A.)
6 – Tout cela est légendaire. Les motifs de son abdication furent un épuisement précoce de ses forces physiques ; rien autre chose. Il avait médité et préparé sa résolution pendant dix-sept ans. (G.A.)
7 – Ou plutôt, le 25 octobre. (G.A.)