CORRESPONDANCE avec D'ALEMBERT - Partie 122 et FIN

Publié le par loveVoltaire

CORRESPONDANCE avec D'ALEMBERT - Partie 122 et FIN

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DE VOLTAIRE.

 

4 de janvier 1778.

 

 

      Ce héros, mon cher philosophe, n’aime pas la métaphysique, et peut-être n’a-t-il pas grand tort ; mais croyez-moi, il n’aime pas davantage la géométrie ; il me mande (1) à peu près les mêmes choses qu’à vous.

 

      Je crois qu’il se trompe sur notre pauvre Delisle, et que ce serait un sujet dont il serait fort content ; Il est laborieux et exact ?

 

Ad nutus aptus heriles.

 

HOR., lib. II, Ep. II.

 

      Il serait assurément plus satisfait de lui que d’un petit laquais (2) qu’il me prit autrefois pour en faire son secrétaire.

 

      Que voulez-vous, mon cher ami, il faut prendre les rois comme ils sont, et Dieu aussi. Il est triste que Delisle ne puisse prétendre à rien, et que Sabotier et Polissot (3) aient fait une fortune ; cela est capable de dégoûter les honnêtes gens. Peut-être se trouvera-t-il à Paris quelque soi-disant grand seigneur qui aura besoin d’un précepteur pour son fils. Le président de Maisons prit chez lui Dumarsais sur ce qu’on disait qu’il était athée ; Delisle, qui n’est que déiste, pourrait trouver pratique.

 

      J’ai lu les trois éloges (4), et surtout le vôtre, avec plaisir. Il me semble que le grand Condé et M. de Turenne n’avaient eu que deux oraisons funèbres. Il est beau qu’une simple citoyenne en ait eu trois : aussi avait-elle fait beaucoup plus de bien qu’aucune de vos princesses, et même de vos reines. Cet exemple unique sera-t-il imité ? Je ne crois pas que ce soit par sa fille.

 

      Je ne suis ni fâché ni bien aise que le rédacteur des Mémoires de Noailles (5) soit des nôtres ; mais je voudrais bien mourir confrère de Pascal-Condorcet, ou, si vous voulez, d’Anti-Pascal.

 

      Je vous souhaite, comme on dit, la bonne année, et je suis bien étonné d’avoir vu finir l’année des trois 7.

 

      J’ai donné à Villette la plus belle et la meilleure femme du monde. J’ose espérer qu’il en sera digne ; car, après tout, il a bien de l’esprit, et il est très aimable dans la société. Vivez heureux, mon très cher philosophe.

 

 

1 – Voyez la lettre de Frédéric du 17 Décembre. (G.A.)

 

2 – Nommé Villaume. Voyez la lettre à Dargot du 11 juin 1755. (G.A.)

 

3 – Pour Sabatier et Palissot. (G.A.)

 

4 – Voyez la note des éditeurs de Kehl sur la lettre du 16 décembre. (G.A.)

 

5 – Millot. (G.A.)

 

 

 

 

DE D’ALEMBERT.

 

A Paris, ce 24 de janvier 1778.

 

 

      Mon cher et illustre confrère, vous recevrez vraisemblablement, avec cette lettre, le long cancan que je viens de faire à l’Académie pour la réception de l’ex-jésuite Millot, qui a du moins le mérite d’être tout à fait ex-jésuite, et dans tous les sens. J’aimerais bien mieux avoir eu à recevoir le Pascal dont vous me parlez, qui vaut mieux que tous les ex-jésuites ensemble ; mais j’espère que nous ne tarderons pas à faire cet acte de justice, qui devrait être déjà fait, et qui le serait déjà si la chose ne dépendait que de nous.

 

      Vous croyez donc que le héros dont vous me parlez n’aime ni la métaphysique ni la géométrie ; j’ai bien peur, et j’ai plus d’une raison pour le craindre, qu’il ne pousse ses haines encore plus loin et que la philosophie ne soit guère mieux sur ses papiers. Il ne lui a pas pardonné le Système de la nature, dont l’auteur en effet a fait une grande sottise de réunir, contre la philosophie, les princes et les prêtres, en leur persuadant, très mal à propos, selon moi, qu’ils font bourse et cause communes. Il y a partout des gâte-métiers, et cet écrivain en est un. Je vois que vous n’avez pas eu plus de crédit que moi pour ce pauvre diable de Delisle ; c’était pourtant bien l’homme qu’il fallait à votre disciple. Je suis fâché qu’à force d’humeur et en mauvaise santé, qui en est la cause, il connaisse si mal ce qui peut lui convenir : ce sont ses affaires. Tout cela n’est rien si vous continuez à vous bien porter, et surtout à m’aimer comme je vous aime.

 

La petite diatribe que je vous envoie a été fort applaudie à la représentation ; mais gare la lecture. J’ai bien peur d’être comme le fils de Dieu, triomphant le dimanche sur un âne, crucifié le vendredi, et enterré le samedi, pour ne pas ressusciter comme lui dans la huitaine.

 

      Si ce rogaton ne vous ennuie pas à la mort (car c’est là toute mon ambition),

 

Sublimi feiram sidera vertice.

 

HOR., Od. I.

 

      Adieu, mon cher et illustre maître. Votre Bertrand embrasse bien tendrement les pattes de son cher et respectable Raton.

 

 

 

 

 

DE VOLTAIRE.

 

Paris, 19 de Mars 1778 (1).

 

 

      J’aime à voir, par vos vitres, mon cher maître, et surtout à voir par vos yeux. Vous êtes mon voyant. Tout mort que je suis, je compte venir aujourd’hui à l’Académie. Je tâcherai de bien voir, et de faire bien voir, et de commencer dès demain à travailler sans discontinuer (2). Je veux mourir en m’éclairant avec vous, et en vous servant.

 

 

 

1 – Voltaire était à Paris depuis le 10 février. (G.A.)

 

2 – Au Dictionnaire de l’Académie. Voyez le Plan d’un dictionnaire ; et, dans le Dictionnaire philosophique, quelques articles à la lettre T. (G.A.)

 

 

 

 

 

 

DE VOLTAIRE.

 

Le…

 

 

      Très aimable chef de notre Académie, je vous prie de m’apprendre si cette épître dédicatoire (1) n’est pas indigne d’elle et de vous, et si je pourrais espérer qu’elle fût de quelque utilité. Je voulais courir à l’Académie ; deux maladies cruelles me retiennent.

 

      Mon très cher secrétaire et maître perpétuel, je vous recommande, et à mes respectables confrères, les vingt-quatre lettres de l’alphabet.

 

 

1 – Voyez l’épître dédicatoire à l’Académie, en tête de la tragédie d’Irène. (G.A.)

 

 

 

 

 

 

F.I.N

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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J
C'est avec peine que je lis ce mot FIN . La correspondance de ces deux lumières est un modèle , et je suis fan de l'humour de d'Alembert qui fait écho à l'esprit de Voltaire . Merci LoveV.
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