ANNALES DE L'EMPIRE - CATALOGUE DES EMPEREURS - SIGISMOND - Partie 45-2

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ANNALES DE L'EMPIRE - CATALOGUE DES EMPEREURS - SIGISMOND - Partie 45-2

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SIGISMOND,

 

ROI DE BOHÊME ET DE HONGRIE,

MARGRAVE DE BRANDEBOURG.

 

 

TRENTE-SEPTIÈME EMPEREUR.

 

 

 

(Partie 2)

 

 

 

 

 

1411. La mort de Josse, trois mois après son élection, délivre l'Allemagne d'une guerre civile qu'il n'eût pu soutenir par lui-même, mais qu'on eût faite en son nom.

 

Sigismond reste empereur de nom et d'effet.

 

Tous les électeurs confirment son élection le 21 juillet.

 

Les villes n'avaient alors d'évêques que par le sort des armes ; car, dans les brigues pour les élections, Jean XXIII approuvant un évêque, et Corrario un autre, la guerre civile s'ensuivit ; et c'est ce qui arriva à Cologne comme à Liège. L'archevêque Théodoric, de la maison de Mœurs, ne prit possession de son siège qu'après une bataille sanglante où il avait vaincu son compétiteur de la maison de Berg.

 

Les chevaliers teutoniques reprennent les armes contre la Pologne. Ils étaient si redoutables, que Sigismond se ligue secrètement avec la Pologne contre eux. La Pologne avait cédé la Prusse aux chevaliers, et le grand-maître devenait insensiblement un souverain considérable.

 

1412. Sigismond paraît s'embarrasser peu du grand schisme d'Occident. Il se voyait roi de Hongrie, margrave de Brandebourg, et empereur. Il voulait assurer tout à sa postérité. Les Vénitiens, qui s'agrandissaient, avaient acquis une partie de la Dalmatie dans le temps des croisades ; il les défait dans le Frioul, et joint cette partie à la Hongrie.

 

D'un autre côté Ladislas ou Lancelot, ce roi de Hongrie chassé par Sigismond, se rend maître de Rome et de tout le pays jusqu'à Florence. Le pape Jean XXIII l'avait appelé d'abord, à l'exemple de ses prédécesseurs, pour le défendre, et il s'était donné un maître dangereux, de crainte d'en trouver un dans Sigismond. C'est bien cette démarche forcée de Jean XXIII qui lui coûta bientôt le trône pontificat.

 

1413. Jean transférait les restes du concile de Pise à Rome, pour extirper le schisme et confirmer son élection. Il devait être le plus fort à Rome.

 

L'empereur fait convoquer le concile à Constance pour perdre le pape. On voit peu de papes italiens pris pour dupes. Celui-ci le fut à la fois par Sigismond et par le roi de Naples Ladislas ou Lancelot. Ce prince, maître de Rome, était devenu son ennemi, et l'empereur l'était encore davantage. L'empereur écrit aux deux anti-papes, à Pierre Luna, alors en Aragon, et à Corrario, réfugié à Rimini ; mais ces deux papes fugitifs protestent contre le concile de Constance.

 

Lancelot meurt. Le pape, délivré d'un de ses maîtres, ne devait pas se mettre entre les mains de l'autre. Il va à Constance, espérant la protection de Frédéric, duc d'Autriche, héritier de la haine de la maison d'Autriche contre la maison de Luxembourg. Ce prince, à son tour protégé par le pape, accepte de lui le titre in partibus de général des troupes de l'Église, et même avec une pension de six mille florins d'or, aussi vaine que le généralat. Le pape s'unit encore avec le marquis de Bade, et quelques autres princes. Il entre enfin en pompe dans Constance, le 28 octobre, accompagné de neuf cardinaux.

 

Cependant Sigismond est couronné à Aix-la-Chapelle, et tous les électeurs font au festin royal les fonctions de leurs dignités.

 

1414. Sigismond arrive à Constance le jour de Noël, le duc de Saxe portant l'épée de l'empire nue devant lui, le burgrave de Nuremberg, qu'il avait fait administrateur de Brandebourg, portant le sceptre. Le globe d'or était porté par le comte de Cillei son beau-père. Ce n'est pas une fonction électorale. Le pape l'attendait dans la cathédrale. L'empereur y fait la fonction de diacre à la messe, il y lit l'évangile ; mais point de pieds baisés, point d'étrier tenu, point de mule menée par la bride. Le pape lui présente une épée. Il y avait trois trônes dans l'église, un pour l'empereur, un pour le pape, un pour l'impératrice ; l'empereur était au milieu.

 

1415. Jean XXIII promet de céder le pontificat en cas que les anti-papes en fassent autant, et dans tous les cas où sa déposition sera utile au bien de l'Église. Cette dernière clause le perdait. Ou il était forcé à cette déclaration, ou le métier de pirate ne l'avait pas rendu un pape habile. Sigismond baise les pieds de Jean, dès que Jean eut lu cette formule qui lui ôtait le pontificat.

 

Sigismond est aisément le maître du concile en l'entourant de soldats. Il y paraissait dans toute sa gloire. On y voyait les électeurs de Saxe, du Palatinat, de Mayence, l'administrateur de Brandebourg, les ducs de Bavière, d'Autriche, de Silésie, cent vingt-huit comtes, deux cents barons, qui étaient alors quelque chose ; vingt-sept ambassadeurs y représentèrent leurs souverains. On y disputait de luxe, de magnificence : qu'on en juge par le nombre de cinquante orfèvres qui vinrent s'établir à Constance. On y compta cinq cents joueurs d'instruments : et ce que les usages de ce temps-là rendent très croyable, il y eut sept cent dix-huit courtisanes sous la protection du magistrat de la ville.

 

Le pape s'enfuit déguisé en postillon sur les terres de Jean d'Autriche, comte du Tyrol. Ce prince est obligé de livrer le pape, et de demander pardon à genoux à l'empereur.

 

Tandis que le pape est prisonnier dans un château de ce duc d'Autriche, son protecteur, on instruit son procès. On l'accuse de tous les crimes, on le dépose le 29 mai, et, par la sentence, le concile se réserve le droit de le punir.

 

Le 6 juillet de la même année 1415, Jean Hus, confesseur de la reine de Bohême, docteur en théologie, est brûlé vif par sentence des Pères du concile, malgré le sauf-conduit très formel que Sigismond lui avait donné. Cet empereur le remet aux mains de l'électeur palatin, qui le conduisit au bûcher, dans lequel il loua Dieu jusqu'à ce que la flamme étouffât sa voix.

 

Voici les propositions principales pour lesquelles on le condamna à ce supplice horrible : « Qu'il n'y a qu'une Église catholique, qui renferme dans son sein tous les prédestinés ; que les seigneurs temporels doivent obliger les prêtres à observer la loi ; qu'un mauvais pape n'est pas vicaire de Jésus-Christ.

 

  • Croyez-vous l'universel A PARTE REI ? lui dit un cardinal.

  • Je crois l'universel A PARTE MENTIS, répondit Jean Hus.

  • Vous ne croyez donc pas la présence réelle ! » s'écria le cardinal.

 

Il est manifeste qu'on voulait que Jean fût brûlé ; et il le fut.

 

1416. Sigismond, après la condamnation du pape et de Jean Hus, occupé de la gloire d'extirper le schisme, obtient à Narbonne, des rois de Castille, d'Aragon, et de Navarre, leur renonciation à l'obédience de Pierre de la Lune, ou Luna.

 

Il va à Paris, se met à la place du roi dans le parlement, et y fait un chevalier. On dit que c'était trop, et que le parlement fut blâmé de l'avoir souffert. Pourquoi ? si le roi lui avait donné sa place, il devait trouver très bon qu'il conférât un honneur qui n'est qu'un titre.

 

De Paris il va à Londres. Il trouve en abordant des seigneurs qui avancent vers lui dans l'eau, l'épée à la main, pour lui faire honneur, et pour l'avertir de ne pas agir en maître. C'était un aveu des droits que pouvait donner dans l'opinion des peuples ce grand nom de césar.

 

Il disait qu'il était venu à Londres pour négocier la paix entre l'Angleterre et la France. C'était dans le temps le plus malheureux de la monarchie française, lorsque le roi anglais malheureux de la monarchie française, lorsque le roi anglais Henri V voulait avoir la France par conquête et par héritage.

 

L'empereur, au lieu de faire cette paix, s'unit avec l'Angleterre contre la France malheureuse. Il l'est lui-même davantage en Hongrie. Les Turcs, qui avaient renversé l'empire des califes, et qui menaçaient Constantinople, ayant inondé la terre depuis l'Inde jusqu'à la Grèce, dévastaient la Hongrie et l'Autriche ; mais ce n'était encore que des incursions de brigands. On envoie des troupes contre eux quand ils se retirent.

 

Tandis que Sigismond voyage, le concile, après avoir brûlé Jean Hus, cherche une autre victime dans Jérôme de Prague. Hiéronyme ou Jérôme de Prague, disciple de Jean Hus, qui lui était très supérieur en esprit et en éloquence, fut brûlé quelque temps après son maître. Il harangua l'assemblée avec une éloquence d'autant plus touchante qu'elle était intrépide. Condamné comme Socrate par des ennemis fanatiques, il mourut avec la même grandeur d'âme.

 

Les papes avaient prétendu juger les princes et les dépouiller quand ils l'avaient pu ; le concile, sans pape, crut avoir les mêmes droits. Frédéric d'Autriche avait, vers le Tyrol, pris des villes que l'évêque de Trente réclamait, et il retenait l'évêque prisonnier. Le concile lui ordonne de rendre l'évêque et les villes, sous peine d'être privé lui et ses enfants de tous leurs fiefs de l'Église et de l'empire.

 

Ce Frédéric d'Autriche, souverain du Tyrol, s'enfuit de Constance. Son frère Ernest lui prend le Tyrol, et l'empereur met Frédéric au ban de l'empire. Tout s'accommode sur la fin de l'année. Frédéric reprend son Tyrol, et Ernest, son frère, s'en tient à la Styrie, qui était son apanage. Mais les Suisses, qui s'étaient saisis de quelques villes de ce duc d'Autriche, les gardent et fortifient leur ligue.

 

1417. L'empereur retourne à Constance ; il y donne avec la plus grande pompe l'investiture de Mayence, de la Saxe, de la Poméranie, de plusieurs principautés : investiture qu'il faut prendre à chaque mutation d'empereur ou de vassal.

 

Il vend son électorat de Brandebourg à Frédéric de Hohenzollern, burgrave de Nuremberg (1), pour la somme de quatre cent mille florins d'or, que le burgrave avait amassée ; somme très considérable en ce temps-là. Quelques auteurs disent seulement cent mille, et sont plus croyables.

 

Sigismond se réserve, par le contrat, la faculté de racheter le Brandebourg pour la même somme, en cas qu'il ait des enfants.

 

Sentence de déposition prononcée dans le concile en présence de l'empereur,contre le pape Pierre Luna, déclaré dans la sentence parjure, perturbateur du repos public, hérétique, rejeté de Dieu, et opiniâtre. La qualité d'opiniâtre était la seule qu'il méritât bien.

 

L'empereur propose au concile de réformer l'Église avant de créer un pape. Plusieurs prélats crient à l'hérétique, et on fait un pape sans réformer l'Église.

 

Vingt-trois cardinaux et trente-trois prélats du concile, députés des nations, s'assemblent dans un conclave. C'est le seul exemple que d'autres prélats que des cardinaux aient eu droit de suffrage, depuis que le sacré collège s'était réservé à lui seul l'élection des papes ; car Grégoire VII fut élu par l'acclamation du peuple.

 

On élit le 11 novembre Othon Colonne, qui change ce beau nom contre celui de Martin ; c'est de tous les papes celui dont la consécration a été la plus auguste. Il fut conduit à l'église par l'empereur et l'électeur de Brandebourg, qui tenaient les rênes de son cheval, suivis de cent princes, des ambassadeurs de tous les rois, et d'un concile entier.

 

1418. Au milieu de ce vaste appareil d'un concile, et parmi tant de soins apparents de rendre la paix à l'Église, et à l'empire sa dignité, quelle fut la principale occupation de Sigismond ? celle d'amasser de l'argent.

 

Non content de vendre son électorat de Brandebourg, il s'était hâté, pendant la tenue du concile, de vendre à son profit quelques villes qu'il avait confisquées à Frédéric d'Autriche. L'accommodement fait, il fallait les restituer. Cet embarras et la disette continuelle d'argent où il était, mêlaient de l'avilissement à sa gloire.

 

Le nouveau pape Martin V déclare Sigismond roi des Romains, en suppléant aux défauts de formalité qui se trouvèrent dans son élection à Francfort.

 

Le pape ayant promis de travailler à la réformation de l'Église, publie quelques constitutions touchant les revenus de la chambre apostolique et les habits des clercs.

 

Il accorde à l'empereur le dixième de tous les biens ecclésiastiques d'Allemagne pendant un an, pour indemniser des frais du concile, et l'Allemagne en murmura.

 

Troubles apaisés cette année dans la Hollande, le Bravant, et le Hainaut. Tout ce qui en résulte d'important pour l'histoire, c'est que Sigismond reconnaît que la province de Hainaut ne relève pas de l'empire. Un autre empereur pouvait ensuite admettre le contraire. Le Hainaut avait autrefois, comme on a vu, relevé quelque temps d'un évêque de Liège.

 

Comme le droit féodal n'est point un droit naturel, que ce n'est point la possession d'une terre qu'on cultive, mais une prétention sur des terres cultivées par autrui, il a toujours été le sujet de mille disputes indécises.

 

 

 

1 – Ce burgrave est la souche de toute la maison actuelle de Brandebourg. (G.A.)

 

 

 

 

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