ANNALES DE L'EMPIRE - CATALOGUE DES EMPEREURS - MAXIMILIEN Ier, - Partie 48.3

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ANNALES DE L'EMPIRE - CATALOGUE DES EMPEREURS - MAXIMILIEN Ier,  - Partie 48.3

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MAXIMILIEN Ier,

 

 

QUARANTIÈME EMPEREUR.

 

 

 

(suite 3)

 

 

 

 

 

 

Ferdinand d'Aragon, comme roi de Naples, se déclare aussi contre les Vénitiens, parce qu'ils avaient quelques ports dans le royaume de Naples pour sûreté de l'argent qu'ils avaient prêté autrefois.

 

Le roi de Hongrie se déclarait aussi, espérant avoir la Dalmatie. Le duc de Savoie mettait la main à cette entreprise à cause de ses prétentions sur le royaume de Chypre. Le duc de Ferrare, vassal du saint-siège, en était aussi. Enfin, hors le grand Turc, tout le continent de l'Europe veut accabler à la fois les Vénitiens.

 

Le pape Jules II avait été le premier moteur de cette singulière ligne des forts contre les faibles, si connue par le nom de Ligue de Cambrai : et lui qui aurait voulu fermer pour jamais l'Italie aux étrangers en inondait ce pays.

 

Louis XII a le malheur de battre les Vénitiens à la journée de Ghiara d'Adda d'une manière complète. Cela n'était pas bien difficile. Les armées mercenaires de Venise pouvaient bien tenir contre les autres condottieri d'Italie, mais non pas contre la gendarmerie française.

 

Le malheur de Louis XII, en battant les Vénitiens, était de travailler pour l'empereur. Maître de Gênes, et de Milan, il ne tenait qu'à lui de donner la main aux Vénitiens pour fermer à jamais l'entrée de l'Italie aux Allemands.

 

La crainte de la puissance de Venise était mal fondée. Venise n'était que riche ; et il fallait fermer les yeux pour ne pas voir que les nouvelles routes du commerce par le cap de Bonne-Espérance et par les mers de l'Amérique allaient tarir les sources de la puissance vénitienne.

 

Louis XII, pour surcroît, avait encore donné cent mille écus d'or à Maximilien, sans lesquels cet empereur n'aurait pu marcher de son côté vers les Alpes.

 

Le 14 juin 1509, l'empereur donne dans la ville de Trente l'investiture du Milanais, que le cardinal d'Amboise reçoit pour Louis XII. Non-seulement l'empereur donne ce duché au roi ; mais, au défaut de ses héritiers, il le donne au comte d'Angoulême, François Ier. C'était le prix de la ruine de Venise.

 

Maximilien, pour ce parchemin, avait reçu cent soixante mille écus d'or. Tout se vendait ainsi depuis près de trois siècles. Louis XII eût pu employer cet argent à s'établir en Italie : il s'en retourne en France après avoir réduit Venise presque dans ses seules lagunes.

 

L'empereur avance alors du côté du Frioul, et retire tout le fruit de la victoire des Français. Mais Venise, pendant l'absence de Louis XII, reprend courage : son argent lui donne de nouvelles armées. Elle fait lever à l'empereur le siège de Padoue : elle se raccommode avec Jules II, le promoteur de la ligue, en lui cédant tout ce qu'il demande.

 

Le grand dessein de Jules II était di cacciare i barbari d'Italia, de défaire une bonne fois l'Italie des Français et des Allemands. Les papes autrefois avaient appelé ces nations pour s'appuyer tantôt de l'une, tantôt de l'autre ; Jules voulait un nom immortel en réparant les fautes de ses prédécesseurs, en s'affermissant par lui-même, en délivrant l'Italie. Maximilien aurait voulu aider Jules à chasser les Français.

 

1510 – Jules II se sert d'abord des Suisses, qu'il anime contre Louis XII. Il excite le vieux Ferdinand, roi d'Aragon et de Naples. Il veut ménager la paix entre l'empereur et Venise ; et pendant ce temps-là il songe à s'emparer de Ferrare, de Bologne, de Ravenne, de Parme, de Plaisance.

 

Au milieu de tant d'intérêts divers, une grande diète se tient à Augsbourg. On y agite si Maximilien accordera la paix à Venise.

 

On y assure la liberté de la ville de Hambourg, longtemps contestée par la maison de Danemark.

 

Maximilien et Louis XII sont encore unis ; c'est-à-dire que Louis XII aide l'empereur à poursuivre les Vénitiens, et que l'empereur n'aide point du tout Louis XII à conserver le Milanais et Gênes, dont le pape le veut chasser.

 

Jules II accorde enfin au roi d'Aragon, Ferdinand, l'investiture de Naples qu'il avait promise à Louis XII. Ferdinand, maître affermi dans Naples, n'avait pas besoin de cette cérémonie : aussi ne lui en coûta-t-il que sept mille écus de redevance, au lieu de quarante-huit mille qu'on payait auparavant au saint-siège.

 

1511 – Jules II déclare la guerre au roi de France. Ce roi commençait donc à être bien peu puissant en Italie.

 

Le pape guerrier veut conquérir Ferrare, qui appartient à Alfonse d'Est, allié de la France. Il prend la Mirandole et Concordia chemin faisant, et les rend à la maison de la Mirandole, mais comme fiefs du saint-siège. Ce sont de petites guerres : mais Jules II avait certainement plus de ressources dans l'esprit que ses prédécesseurs, puisqu'il trouvait de quoi faire ses guerres ; et toutes les victoires des Français avaient bien peu servi, puisqu'elles ne servaient pas à mettre un frein aux entreprises du pape.

 

Jules II, qui voulait caciare i barbari d'Italia, y introduit donc à la fois des Aragonais, des Suisses, des Allemands.

 

Gaston de Foix, neveu de Louis XII, gouverneur de Milan, jeune prince qui acquit la plus grande réputation parce qu'il se soutenait avec très peu de forces, défait tous les alliés à la bataille de Ravenne ; mais il est tué dans sa victoire (11 avril), et le fruit de la victoire est perdu ; ce qui arrive presque toujours aux Français en Italie. Ils perdent le Milanais après cette célèbre journée de Ravenne, qui en d'autres temps eût donné l'empire de l'Italie. Pavie est presque la seule place qui leur reste.

 

Les Suisses, qui excités par le pape, avaient servi à cette révolution, reçoivent de lui, au lieu d'argent, le titre de défenseurs du saint-siège.

 

Maximilien continue cependant la guerre contre les Vénitiens ; mais ces riches républicains se défendent, et réparent chaque jour leurs premières pertes.

 

Le pape et l'empereur négocient sans cesse. C'est cette année que Maximilien fait proposer à Jules II de l'accepter pour son coadjuteur dans le pontificat. Il ne voyait plus d'autre manière de rétablir l'autorité impériale en Italie. C'est dans cette vue qu'il prenait quelquefois le titre de Pontifex maximus, à l'exemple des empereurs romains. Sa qualité de laïque n'était point une exclusion au pontificat. L'exemple récent d'Amédée de Savoie le justifiait (1). Le pape s'étant moqué de la proposition de la coadjutorerie, Maximilien songe à lui succéder : il gagne quelques cardinaux : il veut emprunter de l'argent pour acheter le reste des voix à la mort de Jules, qu'il croit prochaine. Sa fameuse lettre à l'archiduchesse Marguerite sa fille en est un témoignage subsistant encore en original.

 

L'investiture du duché de Milan, qui trois ans auparavant avait coûté cent soixante mille écus d'or à Louis XII, est donnée à Maximilien Sforce à plus bas prix, au fils de ce Louis-le-Maure que Louis XII avait retenu dans une prison si rude, mais si juste. Les mêmes Suisses qui avaient trahi Louis-le-Maure pour Louis XII ramènent le fils en triomphe dans Milan.

 

1513 – Jules II meurt après avoir fondé la véritable grandeur des papes, la temporelle ; car, pour l'autre, elle diminuait tous les jours (2). Cette grandeur temporelle pouvait faire l'équilibre de l'Italie, et ne l'a pas faite. La faiblesse d'un gouvernement sacerdotal et le népotisme en ont été la cause.

 

Guerre entre le Danemark et les villes anséatiques, Lubeck, Dantzick, Vismar, Riga. En voilà plus d'un exemple ; on n'en verrait pas aujourd'hui. Les villes ont perdu, les princes ont gagné dans presque toute l'Europe : tant la vraie liberté est difficile à conserver.

 

Léon X, moins guerrier que Jules II, non moins entreprenant et plus artificieux, sans être plus habile, forme une ligue contre Louis XII avec l'empereur, le roi d'Angleterre Henri VIII et le vieux Ferdinand d'Aragon. Cette ligue est conclue à Malines, le 5 avril, par les soins de cette même Marguerite d'Autriche, gouvernante des Pays-Bas, qui avait fait la ligue de Cambrai.

 

L'empereur doit s'emparer de la Bourgogne ; le pape, de la Provence ; le roi d'Angleterre, de la Normandie ; le roi d'Aragon, de la Guyenne. Il venait d'usurper la Navarre sur Jean d'Albret avec une bulle du pape secondée d'une armée. Ainsi les papes, toujours faibles, donnaient les royaumes au plus fort : ainsi la rapacité se servit toujours des mains de la religion.

 

Alors Louis XII s'unit à ces mêmes Vénitiens qu'il avait perdus avec tant d'imprudence. La ligue du pape se dissipe presque aussitôt que formée. Maximilien tire seulement de l'argent de Henri VIII : c'était tout ce qu'il voulait. Que de faiblesse, que de tromperies, que de cruautés, que d'inconstance, que de rapacité, dans presque toutes ces grandes affaires !

 

Louis XII fait une vaine tentative pour reprendre le Milanais. La Trimouille y marche avec peu de forces. Il est défait à Novarre par les Suisses. On craignait alors que les Suisses ne prissent le Milanais pour eux-mêmes, Milan, Gênes, sont perdus pour la France, aussi bien que Naples.

 

Les Vénitiens, qui avaient eu dans Louis XII, un ennemi si malavisé et si terrible, n'ont plus en lui qu'un allié inutile. Les Espagnols de Naples se déclarent contre eux. Ils battent leur fameux général l'Alviano, comme Louis XII l'avait battu.

 

De tous les princes qui ont signé la ligue de Malines contre la France, Henri VII d'Angleterre est le seul qui tienne sa parole. Il s'embarque avec les préparatifs et l'espérance des Édouard III et des Henri V. Maximilien, qui avait promis une armée, suit le roi d'Angleterre en volontaire, et Henri VIII donne une solde de cent écus par jour au successeur des césars, qui avait voulu être pape. Il assiste à une victoire que remporte Henri à la nouvelle journée de Guinegaste, nommée la journée des éperons, dans le même lieu où lui-même avait gagné une bataille dans sa jeunesse.

 

Maximilien se fait donner ensuite une somme plus considérable : il reçoit deux cent mille écus pour faire en effet la guerre.

 

La France, ainsi attaquée par un jeune roi riche et puissant, était en grand danger après la perte de ses trésors et de ses hommes en Italie.

 

Maximilien emploie du moins une partie de l'argent de Henri à faire attaquer la Bourgogne par les Suisses. Ulric, duc de Virtemberg, y amène de la cavalerie allemande. Dijon est assiégé. Louis XII allait encore perdre la Bourgogne après le Milanais, et toujours par la main des Suisses, que La Trimouille ne put éloigner qu'en leur promettant quatre cent mille écus au nom du roi son maître. Quelles sont donc les vicissitudes du monde, et que ne doit-on pas espérer et craindre, puisqu'on voit les Suisses, encore fumants de tant de sang répandu pour soutenir leur liberté contre la maison d'Autriche, s'armer en faveur de cette maison, et qu'on verra les Hollandais agir de même !

 

1514 – Maximilien, secondé des Espagnols, entretient toujours un reste de guerre contre les Vénitiens. C'est tout ce qui reste alors de la ligue de Cambrai : elle avait échangé de principe et d'objet ; les Français avaient été d'abord les héros de cette ligue, et en furent enfin les victimes.

 

Louis XII, chassé d'Italie, menacé par Ferdinand d'Aragon, battu et rançonné par les Suisses, vaincu par Henri VIII d'Angleterre, qui faisait revivre les droits de ses ancêtres sur la France, n'a d'autre ressource que d'accepter Marie, sœur de Henri VIII, pour sa seconde femme.

 

Cette Marie avait été promise à Charles de Luxembourg. C'était le sort de la maison de France d'enlever toutes les femmes promises à la maison d'Autriche.

 

1515 – Le grand but de Maximilien est toujours d'établir sa maison. Il conclut le mariage de Louis, prince de Hongrie et de Bohême, avec sa petite-fille Marie d'Autriche ; et celui de la princesse Anne de Hongrie avec l'un de ses deux petits-fils Charles ou Ferdinand, qui furent depuis empereurs l'un après l'autre.

 

C'est le premier contrat par lequel une fille ait été promise à un mari ou à un autre au choix des parents. Maximilien n'oublie pas ; dans ce contrat, que sa maison doit hériter de la Hongrie, selon les anciennes conventions avec la maison de Hongrie et de Bohême. Cependant ces deux royaumes étaient toujours électifs ; ce qui ne s'accorde avec ces conventions que parce qu'on espère que les suffrages de la nation seconderont la puissance autrichienne.

 

Charles, déclaré majeur à l'âge de quinze ans commencés, rend hommage au roi de France François Ier pour la Flandre, l'Artois, et le Charolais. Henri de Nassau prête serment au nom de Charles.

 

Nouveau mariage proposé encore à l'archiduc Charles. François Ier lui promet madame Renée sa belle-sœur. Mais cette apparence d'union couvrait une éternelle discorde.

 

Le duché de Milan est encore l'objet de l'ambition de François Ier comme de Louis XII. Il commence ainsi que son prédécesseur par une alliance avec les Vénitiens et par des victoires.

 

Il prend, après la bataille de Marignan, tout le Milanais en une seule campagne. Maximilien Sforce va vivre obscurément en France avec une pension de trente mille écus. François Ier force le pape Léon X à lui céder Parme et Plaisance : il lui fait promettre de rendre Modène, Reggio, au duc de Ferrare : il fait la paix avec les Suisses qu'il a vaincus, et devient ainsi, en une seule campagne, l'arbitre de toute l'Italie. C'est ainsi que les Français commencent toujours.

 

1516 – Ferdinand-le-Catholique, roi d'Aragon, grand-père de Charles-Quint, meurt le 23 janvier, après avoir préparé la grandeur de son petit-fils, qu'il n'aimait pas.

 

Les succès de François Ier raniment Maximilien. Il lève des troupes dans l'Allemagne avec l'argent que Ferdinand d'Aragon lui a envoyé avant de mourir ; car jamais les états de l'empire ne lui en fournissent pour ces querelles d'Italie. Alors Léon X rompt les traités qu'il a faits par force avec François Ier, ne tient aucune de ses paroles, ne rend à ce roi ni Modène, ni Reggio, ni Parme, ni Plaisance ; tant les papes avaient toujours à cœur ce grand dessein d'éloigner les étrangers de l'Italie, de les détruire tous les uns par les autres, et d'acquérir par là un droit sur la liberté italique dont ils auraient été les vengeurs : grand dessein digne de l'ancienne Rome, que la nouvelle ne pouvait accomplir.

 

L'empereur Maximilien descend par le Trentin, assiège Milan avec quinze mille Suisses : mais ce prince, qui prenait toujours de l'argent, et qui en manquait toujours n'en ayant pas pour payer les Suisses, ils se mutinent. L'empereur craint d'être arrêté par eux, et s'enfuit. Voilà donc à quoi aboutit la fameuse ligue de Cambrai, à dépouiller Louis XII, et à faire enfuir l'empereur de crainte d'être mis en prison par ses mercenaires.

 

Il propose au roi d'Angleterre Henri VIII, de lui céder l'empire et le duché de Milan, dans le dessein seulement d'en obtenir quelque argent. On ne pourrait croire une telle démarche, si le fait n'était attesté par une lettre de Henri VIII.

 

Autre mariage encore stipulé avec l'archiduc Charles, devenu roi d'Espagne. Jamais prince ne fut promis à tant de femmes avant d'en avoir une. François Ier lui donne sa fille, madame Louise, âgée d'un an.

 

Ce mariage, qui ne réussit pas mieux que les autres, est stipulé dans le traité de Noyon. Ce traité portait que Charles rendrait justice à la maison de Navarre, dépouillée par Ferdinand-le-Catholique, et qu'il engagerait l'empereur, son grand-père, à faire la paix avec les Vénitiens. Ce traité n'eut pas plus d'exécution que le mariage, quoiqu'il dût en revenir à l'empereur deux cent mille ducats que les Vénitiens devaient lui compter. François Ier devait aussi donner à Charles cent mille écus par an, jusqu'à ce qu'il fût en pleine possession du royaume d'Espagne. Rien n'est plus petit ni plus bizarre. Il semble qu'on voie des joueurs qui cherchent à se tromper.

 

Immédiatement après ce traité, l'empereur en fait un autre avec Charles, son petit-fils, et le roi d'Angleterre, contre la France.

 

1517 – Charles passe en Espagne. Il est reconnu roi de Castille conjointement avec Jeanne sa mère.

 

1518 – Le pape Léon X avait deux grands projets : celui d'armer les princes chrétiens contre les Turcs, devenus plus formidables que jamais sous le sultan Sélim II, vainqueur de l'Égypte ; l'autre était d'embellir Rome, et d'achever cette basilique de Saint-Pierre, commencée par Jules II, et devenue en effet le plus beau monument d'architecture qu'aient jamais élevé les hommes.

 

Il crut qu'il lui serait permis de tirer de l'argent de la chrétienté par la vente des indulgences. Ces indulgences étaient originairement des exemptions d'impôt accordées par les empereurs ou par les gouverneurs aux campagnes maltraitées.

 

Les papes et quelques évêques même avaient appliqué aux choses divines ces indulgences temporelles, mais d'une manière toute contraire. Les indulgences des empereurs étaient des libéralités au peuple ; et celles des papes étaient un impôt sur le peuple, surtout depuis que la créance du purgatoire était généralement établie, et que le vulgaire, qui fait en tout pays au moins dix-huit parties sur vingt, croyait qu'on pouvait racheter des siècles de supplices avec un morceau de papier acheté à vil prix. Une pareille vente publique est aujourd'hui un de ces ridicules qui ne tomberaient pas dans la tête la moins sensée ; mais alors on n'en était pas plus surpris qu'on ne l'est dans l'Orient de voir des bonzes et des talapoins vendre, pour une obole, la rémission de tous les péchés.

 

Il y eut partout des bureaux d'indulgences : on les affermait comme des droits d'entrée et de sortie. La plupart de ces comptoirs se tenaient dans les cabarets. Le prédicateur, le fermier, le distributeur, chacun y gagnait. Jusque-là tout fut paisible. En Allemagne les augustins, qui avaient été longtemps en possession de prendre cette marotte à ferme, furent jaloux des dominicains, auxquels elle fut donnée : et voici la première étincelle qui embrasa l'Europe.

 

Le fils d'un forgeron, né à Islèbe (3), fut celui par qui commença la révolution. C'était Martin Luther, moine augustin, que ses supérieurs chargèrent de prêcher contre la marchandise qu'ils n'avaient pu vendre. La querelle fut d'abord entre les augustins et les dominicains ; mais bientôt Luther, après avoir décrié les indulgences, examina le pouvoir de celui qui les donnait aux chrétiens. Un coin du voile fut levé : les peuples animés voulurent juger ce qu'ils avaient adoré. Le vieux Frédéric, électeur de Saxe, surnommé le Sage, celui-là même qui, après la mort de Maximilien, eut le courage de refuser l'empire, protégea Luther ouvertement.

 

Ce moine n'avait pas encore de doctrine ferme et arrêtée. Mais qui jamais en a eu ? Il se contenta dans ces commencements de dire « qu'il fallait communier avec du pain ordinaire et du vin ; que le péché demeurait dans un enfant après le baptême que la confession auriculaire était assez inutile ; que les papes et les conciles ne peuvent faire des articles de foi ; qu'on ne peut prouver le purgatoire par les livres canoniques ; que les vœux monastiques étaient un abus ; qu'enfin tous les princes devaient se réunir pour abolir les moines mendiants. »

 

Frédéric, duc et électeur de Saxe, était, comme on l'a dit, le protecteur de Luther et de sa doctrine. Ce prince avait, dit-on, assez de religion pour être chrétien, assez de raison pour voir les abus, beaucoup d'envie de les réformer, et beaucoup plus peut-être encore d'entrer en partage des biens immenses que le clergé possédait dans la Saxe. Il ne se doutait pas alors qu'il travaillait pour ses ennemis, et que le riche archevêché de Magdebourg serait le partage de la maison de Brandebourg, déjà sa rivale.

 

1519 – Pendant que Luther, cité à la diète d'Augsbourg, se retire après y avoir comparu, qu'il en appelle au futur concile, et qu'il prépare sans le savoir la plus grande révolution qui se soit faite en Europe dans la religion depuis l'extinction du paganisme, l'empereur Maximilien, déjà oublié, meurt d'un excès de melon à Inspruck (4), le 12 janvier.

 

 

 

 

1 – Voyez à l'année 1441. (G.A.)

 

2 – C'est ainsi que Jules II avait vainement excommunié Louis XII, et délié les Français du serment de fidélité. (G.A.)

 

3 – Ou mieux, Eisleben. (G.A.)

 

4 – Ou plutôt, à Wels. (G.A.)

 

 

 

 

 

 

INTERRÈGNE JUSQU'AU 1er OCTOBRE 1520.

 

 

(1)

 

 

 

Les électeurs de Saxe et du Palatinat gouvernent conjointement l'empire jusqu'au jour où le futur élu sera couronné.

 

Le roi de France, François Ier, et le roi d'Espagne, Charles d'Autriche, briguent la couronne impériale. L'un et l'autre pouvaient faire revivre quelque ombre de l'empire romain. Le voisinage des Turcs, devenu si redoutable, mettait les électeurs dans la nécessité dangereuse de choisir un empereur puissant. Il importait à la chrétienté que François ou Charles fût élu ; mais il importait au pape Léon X que ni l'un ni l'autre ne fût à portée d'être son maître. Le pape avait à craindre également dans ce temps-là Charles, François, le grand Turc, et Luther.

 

Léon X traverse autant qu'il le peut les deux concurrents. Sept grands princes doivent donner cette première place de l'Europe dans le temps le plus critique, et cependant on achète des voix.

 

Parmi ces intrigues et dans cet interrègne, les lois de l'Allemagne anciennes et nouvelles ne sont pas sans vigueur. Les Allemands donnent une grande leçon aux princes de ne pas abuser de leur pouvoir. La ligue de Souabe se rend recommandable en faisant la guerre au duc Ulric de Virtemberg, qui maltraitait ses vassaux.

 

Cette ligue de Souabe est la véritable ligue du bien public (2). Elle réduit le duc à fuir de son État ; mais ensuite elle vend cet État à vil prix à Charles d'Autriche. Tout se fait donc pour de l'argent ! Comment Charles, prêt de parvenir à l'empire, dépouillait-il ainsi une maison, et achetait-il pour très peu de chose le bien d'un autre ?

 

Léon X veut gouverner despotiquement la Toscane.

 

Les électeurs s'assemblent à Francfort. Est-il bien vrai qu'ils offrirent la couronne impériale à Frédéric surnommé le Sage, électeur de Saxe, ce grand protecteur de Luther ? Fut-il solennellement élu ? Non. En quoi consiste donc son refus ? En ce que sa réputation le faisait nommer par la voix publique (3), qu'il donna sa voix à Charles, et que sa recommandation entraîna enfin les suffrages.

 

Charles-Quint est élu d'une commune voix, le 28 juin 1519.

 

 

 

 

1 – Date du couronnement de Charles-Quint. (G.A.)

 

2 – Allusion à la ligue qui s'était formée sous Louis VI. Voyez l'Essai, chapitre XCIV. (G.A.)

 

3 – Les électeurs choisirent d'abord Frédéric par crainte de la puissance des deux autres concurrents. Charles-Quint distribua aux électeurs 852,189 florins. (G.A.)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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