CORRESPONDANCE avec D'ALEMBERT - Partie 77

Publié le par loveVoltaire

CORRESPONDANCE avec D'ALEMBERT - Partie 77

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DE VOLTAIRE.

 

13 Février 1771.

 

 

      Je crois notre doyen converti (1), et je me flatte qu’il ne s’opposera point à M Gaillard.

 

      Vous devez avoir reçu, mon cher philosophe, trois volumes l’un après l’autre (2). Je n’ai pu vous les envoyer plus tôt ; tout devient difficile.

 

      J’ai peur que l’Épître au roi de Danemark sur la liberté de la presse ne paraisse dans un temps bien peu favorable. J’ai pourtant grande envie que vous m’en disiez votre sentiment, mais je tremble toujours de la laisser courir le monde.

 

      Est-il bien vrai qu’on va restreindre le ressort du parlement de Paris à l’Île-de-France (3) ?ce pourrait être un grand bien : il est cruel de se ruiner pour aller plaider en dernier ressort à plus de cent lieues de chez soi.

 

      Je ne sais comment je suis avec madame Necker ; j’ai peur qu’elle ne m’ait entièrement oublié.

 

      Ne comptez-vous pas un jour avoir parmi vos quarante M. le marquis de Condorcet ?

 

      Je vous embrasse bien tendrement, mon très cher philosophe. Je suis bien malade. Est-il vrai que M. de Mairan se meure ?

 

      Il faut passer dans ma barque.

 

 

1 – Le maréchal de Richelieu. Il s’était d’abord prononcé pour de Brosses. Voyez la lettre que lui écrivit Voltaire le 4 février 1771. (G.A.)

 

2 – Toujours les Questions sur l’Encyclopédie, dont les volumes parurent successivement. (G.A.)

 

3 – Maupeou le restreignit en effet. (G.A.)

 

 

 

 

DE VOLTAIRE.

 

2 de Mars 1771.

 

 

      Mon cher philosophe ne m’a point répondu quand je lui ai demandé s’il avait reçu trois volumes par la voie de M. Marin ; je le prie instamment de vouloir bien m’en informer (1). Je hasarde enfin de lui envoyer l’Épître au roi de Danemark, avec un peu de prose versifiée, adressée à lui-même. Ce n’est pas trop le temps de s’occuper de ces coïonneries ; mais j’aime mieux m’égayer sur les excréments de la littérature que sur d’autres excréments.

 

      Je supplie mon cher philosophe de ne donner aucune copie des fadaises à lui envoyées. Il peut les lire tant qu’il voudra à ses amis, mais il ne faut pas mettre le public dans sa confidence.

 

      Voilà donc une quatrième place à remplir (2) ; donnez-la à qui vous voudrez : pourvu que ce ne soit pas à ce fripon de nasillonneur (3), je suis content. Demandez à Lalande (4), qui est voisin de ses terres, s’il n’est pas célèbre dans le pays par les rapines les plus odieuses. M. de Condorcet pourrait-il succéder à M. de Mairan ? il n’a rien fait, dira-t-on ; tant mieux ; nous avons plus besoin de gens qui jugent, que de gens qui fassent.

 

      Je n’ai rien à dire sur tout ce qui se passe aujourd’hui ; tout ce que je puis me permettre, c’est de détester du fond de mon cœur les assassins du chevalier de La Barre jusqu’au dernier moment de ma vie : c’est ainsi que je vous aimerai.

 

 

1 – L’Épître à d’Alembert. (G.A.)

 

2 – Mairan était mort le 20 février. (G.A.)

 

3 – Toujours de Brosses. (G.A.)

 

4 – L’astronome. (G.A.)

 

 

 

 

 

DE VOLTAIRE.

 

4 de Mars 1771.

 

 

      Je m’aperçois, mon cher philosophe, que je ressemble à Le Clerc de Montmerci, je fais trop de vers. Je vois, à ma confusion, que j’ai parlé deux fois des harpies, l’une dans l’épître au roi de Danemark, l’autre dans votre épître. Il y a dans la danoise :

 

Qui vous rendit chez vous puissants sans être impies ?

Qui sût, de votre table écartant les harpies,

Sauver le peuple et vous de leur voracité ?

Qui sut donner une âme au public hébété ?

 

 

      Je mettrai à la place, si vous le trouvez bon :

 

Quelle main favorable à vos grandeurs suprêmes

A du triple bandeau vengé cent diadèmes ?

Et qui, du fond du puits tirant la vérité,

A su donner une âme au public hébété ?

 

      Faites-moi l’amitié, je vous en prie, de mettre ces quatre vers sur la danoise, si mieux n’aimez en faire de meilleurs.

 

      Voici une autre idée en prose (1) dont vous ferez ce que vous croirez convenable ; je m’en remets à vous.

 

      J’ai été extrêmement content de l’édit (2) ; et à deux petites phrases près, que j’ai trouvées un peu obscures, le discours de monsieur le chancelier (3) m’a paru parfaitement beau.

 

 

1 – La lettre à l’Académie française du 4 mars pour recommander Delille. (G.A.)

 

2 – L’édit sur l’établissement des conseils. (G.A.)

 

3 – Discours de Maupeou à messieurs du conseil le 23 février, pour faire enregistrer l’édit du roi. C’est, disait-on, Le Brun qui fabriquait les morceaux d’éloquence du chancelier. (G.A.)

 

 

 

 

 

 

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