ANNALES DE L'EMPIRE - CATALOGUE DES EMPEREURS - CHARLES IV - Partie 41-1

Publié le par loveVoltaire

ANNALES DE L'EMPIRE - CATALOGUE DES EMPEREURS - CHARLES IV - Partie 41-1

Photo de PAPAPOUSS

 

 

 

 

ANNALES DE L’EMPIRE.

 

 

________

 

 

CATALOGUE DES EMPEREURS

 

________

 

 

 

(Partie 1)

 

 

CHARLES IV,

 

 

 

 

 

 

 

De la maison de Luxembourg, né en 1316, empereur en 1347, mort en 1378.

 

 

Ses femmes :

  • Blanche de Valois ;

  • Anne Palatine ;

  • Anne de Silésie ;

  • Élisabeth de Poméranie.

 

 

Ses enfants :

  • Venceslas, depuis empereur ;

  • Sigismond, depuis empereur ;

  • Jean, marquis de Brandebourg.

 

_________

 

 

 

CHARLES IV,

 

 

TRENTE-TROISIÈME EMPEREUR

 

 

 

 

1348 – Charles de Luxembourg, roi de Bohême, va d’abord de ville en ville se faire reconnaître empereur. Louis, margrave de Brandebourg, lui dispute la couronne.

 

L’ancien archevêque de Mayence l’excommunie ; le comte palatin Rupert, le duc de Saxe, s’assemblent et ne veulent ni l’un ni l’autre des prétendants ; ils cassent l’élection de Charles de Bohême, et nomment Edouard III, roi d’Angleterre, qui n’y songeait pas.

 

L’empire n’était donc alors qu’un titre onéreux, puisque l’ambitieux Edouard III n’en voulut point : il se garda bien d’interrompre ses conquêtes en France pour courir après un fantôme.

 

Au refus d’Édouard, les électeurs s’adressent au marquis de Misnie, gendre du feu empereur ; il refuse encore. Mutius dit qu’il aima mieux dix mille marcs d’argent de la main de Charles IV eût dix mille marcs à donner, lui qui, dans le même temps, fut arrêté à Vorms par son boucher et qui ne put le satisfaire qu’en empruntant de l’argent de l’évêque.

 

Les électeurs, refusés de tous côtés, offrent enfin cet empire, dont personne ne veut, à Gunther, de Schvartzbourg, noble thuringien. Celui-ci, qui était guerrier, et qui avait peu de chose à perdre, accepta l’offre pour le soutenir à la pointe de l’épée.

 

1349 – Les quatre électeurs élisent Gunther de Schvartzbourg auprès de Francfort. Les doubles élections, trop fréquentes, avaient introduit à Francfort une coutume singulière. Celui des compétiteurs qui se présentait le premier devant Francfort attendait six semaines et trois jours, au bout desquels il était reçu et reconnu, si son concurrent ne venait pas. Gunther attendit le temps prescrit, et fit enfin son entrée : on espérait beaucoup de lui. On prétend que son rival le fit empoisonner : le poison de ces temps-là en Allemagne était la table. Il faut avouer qu’il y a un peu loin de cet empire germanique à l’empire d’Auguste, de Trajan, de Marc-Aurèle. Quel Allemand même se soucie de savoir aujourd’hui s’il y a eu un Gunther ? Ce Gunther tombe en apoplexie, et, devenu incapable du trône, il le vend pour une somme d’argent, que Charles ne lui paie point : la somme était, dit-on, de vingt-deux mille marcs. Il meurt au bout de trois mois à Francfort.

 

A l’égard de Louis de Bavière, margrave de Brandebourg, il cède ses droits pour rien, n’étant pas assez fort pour les vendre à Charles, vainqueur sans combat de quatre concurrents, qui se fait couronner une seconde fois à Aix-la-Chapelle, par l’archevêque de Cologne, pour mettre ses droits hors de compromis.

 

Le marquis de Juliers, à la cérémonie du couronnement, dispute le droit de porter le sceptre au marquis de Brandebourg. Des ancêtres du marquis de Juliers avaient fait cette fonction ; mais ce prince n’était pas alors au rang des électeurs, ni par conséquent dans celui des grands officiers. Le margrave de Brandebourg est conservé dans son droit.

 

1350 – Dans ce temps-là régnait en Europe le fléau d’une horrible peste, qui emporta presque partout la cinquième partie des hommes, et qui est la plus mémorable depuis celle qui désola la terre du temps d’Hippocrate (1). Les peuples en Allemagne, aussi furieux qu’ignorants, accusent les Juifs d’avoir empoisonné les fontaines. On égorge et on brûle les Juifs presque dans toutes les villes.

 

Ce qui est rare, c’est que Charles IV protégea les Juifs qui lui donnaient de l’argent, contre l’évêque ; et les bourgeois de Strasbourg contre l’abbé prince de Murbach et d’autres seigneurs de fiefs. Il fut prêt de leur faire la guerre en faveur des Juifs.

 

Secte des flagellants renouvelée en Souabe. Ce sont des milliers d’hommes qui courent toute l’Allemagne en se fouettant avec des cordes armées de fer pour chasser la peste. Les anciens Romains, en pareil cas, avaient institué des comédies ; ce remède est plus doux.

 

Un imposteur paraît en Brandebourg, qui se dit l’ancien Valdemar revenu enfin de la Terre-Sainte, et qui prétend rentrer dans son États, donné injustement pendant son absence par Louis de Bavière à son fils.

 

Le duc de Mecklenbourg soutient l’imposteur. L’empereur Charles IV le favorise. On en vient à une petite guerre ; le faux Valdemar est abandonné et s’éclipse. On a recueilli dans un volume les histoires de ces imposteurs fameux ; mais tous ne s’y trouvent pas (2).

 

1351 – Charles IV veut aller en Italie, où les papes et les empereurs étaient oubliés. Les Viscontis dominent toujours dans Milan. Jean Visconti, archevêque de cette ville, devenait un conquérant. Il s’emparait de Bologne : il faisait la guerre aux Florentins et aux Pisans, et méprisait également l’empereur et le pape. C’est lui qui fit la lettre du diable au pape et aux cardinaux, qui commence ainsi : « Votre mère la Superbe vous salue avec vos sœurs l’Avarice et l’Impudicité. »

 

Apparemment que le diable ménagea l’accommodement de Jean Visconti avec le pape Clément, qui lui vendit l’investiture de Milan pour douze ans, moyennant douze mille florins d’or par an.

 

1352 – La maison d’Autriche avait toujours des droits sur une grande partie de la Suisse. Le duc Albert veut soumettre Zurich, qui s’allie avec les autres cantons déjà confédérés. L’empereur secourt la maison d’Autriche dans cette guerre, mais il la secourt en homme qui ne veut pas qu’elle réussisse. Il envoie des troupes pour en point combattre, ou du moins qui ne combattent pas. La ligue et la liberté de Suisses se fortifient.

 

Les villes impériales voulaient toutes établir le gouvernement populaire à l’exemple de Strasbourg. Nuremberg chasse les nobles, mais Charles IV les rétablit. Il incorpora la Lusace à son royaume de Bohême ; elle en a été détachée depuis.

 

1353 – L’empereur Charles IV, dans le temps qu’il avait été le jeune prince de Bohême, avait gagné des batailles, et même contre le parti des papes en Italie. Dès qu’il est empereur il cherche des reliques, flatte les papes, et s’occupe de règlements, et surtout du soin d’affermir sa maison.

 

Il s’accommode avec les enfants de Louis de Bavière, et les réconcilie avec le pape.

 

Albert, duc de Bavière, se voyait excommunié, parce que son père l’avait été. Ainsi, pour prévenir la piété des princes qui pourraient lui ravir son État en vertu de son excommunication, il demande très humblement pardon au nouveau pape Innocent VI du mal que les papes ses prédécesseurs ont fait à l’empereur son père ; il signifie un acte qui commence ainsi : « Moi, Albert, duc de Bavière, fils de Louis de Bavière, soi-disant autrefois empereur, et réprouvé par la sainte Église romaine. »

 

Il ne paraît pas que ce prince fût forcé à cet excès d’avilissement : il fallait donc dans ces temps-là qu’il y eût bien peu d’honneur, ou beaucoup de superstition.

 

1354 - Il est remarquable que Charles IV, passant par Metz pour aller dans ses terres de Luxembourg, n’est point reçu comme empereur, parce qu’il n’avait pas encore été sacré.

 

Henri VII avait déjà donné à Venceslas, seigneur de Luxembourg, le titre de duc. Charles érige cette terre en duché ; il érige Bar (3) en margriavat ; ce qui fait voir que Bar relevait alors évidemment de l’empire. Pont-à-Mousson est aussi érigé en marquisat. Tout ce pays était donc réputé de l’empire. Quel chaos !

 

1355 – Charles IV va en Italie se faire couronner ; il y marche plutôt en pèlerin qu’en empereur.

 

Le saint-siège était toujours sédentaire à Avignon. Le pape Innocent VI n’avait nul crédit dans Rome, l’empereur encore moins. L’empire n’était plus qu’un nom, et le couronnement qu’une vaine cérémonie. Il fallait aller à Rome comme Charlemagne et Othon-le-Grand, ou n’y point aller.

 

Charles IV et Innocent VI n’aimaient que les cérémonies. Innocent VI envoie d’Avignon le détail de tout ce qu’on doit observer au couronnement de l’empereur. Il marque que le préfet de Rome doit porter le glaive devant lui, que ce n’est qu’un honneur, et non pas une marque de juridiction. Le pape doit être sur son trône, entouré de ses cardinaux, et l’empereur doit commencer par lui baiser les pieds, puis il lui présente de l’or, et le baise au visage, etc. Pendant la messe, l’empereur fait quelques fonctions dans le rang des diacres ; on lui met la couronne impériale après la fin de la première épître. Après la messe, l’empereur, sans couronne et sans manteau, tient la bride du cheval du pape.

 

Aucune de ces cérémonies n’avait été pratiquée depuis que les papes demeuraient dans Avignon. L’empereur reconnut d’abord par écrit l’authenticité de ces usages. Mais le pape étant dans Avignon, et ne pouvant se faire baiser les pieds à Rome, ni se faire tenir l’étrier par l’empereur, déclara que ce prince ne baiserait point les pieds, ni ne conduirait la mule du cardinal qui représenterait sa sainteté.

 

Charles VI alla donc donner ce spectacle ridicule avec une grande suite, mais sans armée ; il n’osa pas coucher dans Rome, selon la promesse qu’il en avait faite au saint-père. Anne sa femme, fille du comte palatin, fut couronnée aussi ; et en effet ce vain appareil était plutôt une vanité de femme qu’un triomphe d’empereur. Charles IV, n’ayant ni argent, ni armée, et n’étant venu à Rome que pour servir de diacre à un cardinal pendant la messe, reçut des affronts dans toutes les villes d’Italie où il passa.

 

Il y a une fameuse lettre de Pétrarque qui reproche à l’empereur sa faiblesse (4). Pétrarque était digne d’apprendre à Charles IV à penser noblement.

 

1356 – Charles IV prend tout le contre-pied de ses prédécesseurs : ils avaient favorisé les gibelins, qui étaient en effet la faction de l’empire ; pour lui, il favorise les guelfes, et fait marcher quelques troupes de Bohême contre les gibelins ; cette faiblesse et cette inconséquence augmentèrent les troubles et les malheurs de l’Italie, diminuèrent la puissance de Charles, et flétrirent sa réputation.

 

De retour en Allemagne, il s’applique à y faire régner l’ordre autant qu’il le peut, et à régler les rangs. Le nombre des électorats était fixé par l’usage plutôt que par les lois depuis le temps de Henri VII ; mais le nombre des électeurs ne l’était pas. Les ducs de Bavière surtout prétendaient avoir droit de suffrage aussi bien que les comtes palatins aînés de leur maison. Les cadets de Saxe se croyaient électeurs aussi bien que leurs aînés.

 

Diète de Nuremberg, dans laquelle Charles IV dépouille les ducs de Bavière du droit de suffrage, et déclare que le comte palatin est le seul électeur de cette maison.

 

 

1 – C’est celle dont Boccace a fait la description dans son Décaméron. (G.A.)

 

2 – Les Imposteurs insignes, par de Rocoles, 1683. (G.A.)

 

3 – Bar-le-Duc. (G.A.)

 

4 – « Cet empereur, dit Pétrarque, aussitôt après avoir reçu la courone s’en est retourné en Allemagne ; il fuit sans que quelqu’un le poursuive ; les charmes de l’Italie lui sont en horreur. Pour se justifier, il dit avoir juré de ne rester qu’un jour à Rome. O jour de honte ! ô serment déplorable ! le pape romain a renoncé à Rome, à ce point qu’il ne veut pas même qu’un autre y demeure. »

 

 

 

Commenter cet article