ANNALES DE L'EMPIRE - CATALOGUE DES EMPEREURS - HENRI VII - Partie 39
Photo de PAPAPOUSS
ANNALES DE L’EMPIRE.
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CATALOGUE DES EMPEREURS
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HENRI VII,
DE LA MAISON DE LUXEMBOURG.
De la maison de Luxembourg, empereur en 1308, mort en 1313.
Ses femmes :
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Marguerite, fille d’un duc de Brabant ;
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Catherine, fille d’Albert d’Autriche, fiancée seulement avant sa mort.
Son fils :
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Jean, roi de Bohême.
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HENRI VII,
TRENTE-UNIÈME EMPEREUR
1308 – Après l’assassinat d’Albert, le trône d’Allemagne demeure vacant sept mois. On compte parmi les prétendants à ce trône le roi de France Philippe-le-Bel : mais il n’y a aucun monument de l’histoire de France qui en fasse la moindre mention.
Charles de Valois, frère de ce monarque, se met sur les rangs. C’était un prince qui allait partout chercher des royaumes. Il avait reçu la couronne d’Aragon des mains du pape Martin IV, et lui avait prêté l’hommage et le serment de fidélité que les papes exigeaient des rois d’Aragon : mais il n’avait plus qu’un vain titre. Boniface VIII lui avait promis de le faire roi des Romains, mais il n’avait pu tenir sa parole.
Bertrand de Got, Gascon, archevêque de Bordeaux, élevé au pontificat de Rome par la protection de Philippe-le-Bel, promet cette fois la couronne impériale à ce prince. Les papes y pouvaient beaucoup alors, malgré toute leur faiblesse, parce que leur refus de reconnaître le roi des Romains élu en Allemagne était souvent un prétexte de factions et de guerres civiles.
Ce pape Clément V fait tout le contraire de ce qu’il avait promis. Il fait presser sous main les électeurs de nommer Henri, comte de Luxembourg.
Ce prince est le premier qui est nommé par six électeurs seulement, sous six grands officiers de la couronne : les archevêques de Mayence, Trèves, et Cologne, chanceliers ; le comte palatin de la maison de Bavière d’aujourd’hui, grand maître de la maison ; le duc de Saxe de la maison d’Ascanie, grand écuyer ; le marquis de Brandebourg de la même maison d’Ascanie, grand chambellan.
Le roi de Bohême, grand échanson, n’y assista pas, et personne même ne le représenta. Le royaume de Bohême était alors vacant, les Bohémiens ne voulant pas reconnaître le duc de Carinthie, qu’ils avaient élu, mais auquel ils faisaient la guerre comme à un tyran.
Ce fut le comte palatin qui nomma, au nom de six électeurs, Henri, comte de Luxembourg, roi des Romains, futur empereur, protecteur de l’Église romaine et universelle, et défenseur des veuves et des orphelins.
1309 – Henri VII commence par venger l’assassinat de l’empereur Albert. Il met l’assassin Jean, prétendu duc de Souabe, au ban de l’empire. Frédéric et Léopold d’Autriche, ses cousins, descendants comme lui de Rodolphe de Habsbourg, exécutent la sentence, et reçoivent l’investiture de ses domaines.
Un des assassins, nommé Rodolphe de Varth, seigneur considérable, est pris ; et c’est par lui que commence l’usage du supplice de la roue. Pour Jean, après avoir erré longtemps, il obtint l’absolution du pape, et se fit moine.
L’empereur donne à son fils de Luxembourg le titre de duc, sans ériger le Luxembourg en duché. Il y avait des ducs à brevet comme on en voit aujourd’hui en France ; mais c’étaient des princes. On a déjà vu que les empereurs faisaient des rois à brevet.
L’empereur songe à établir sa maison, et fait élire son fils Jean de Luxembourg roi de Bohême. Il fallut la conquérir sur le duc de Carinthie ; et cela ne fut pas difficile, puisque le duc de Carinthie avait contre lui la nation.
Tous les Juifs sont chassés d’Allemagne, et une grande partie est dépouillée de ses biens. Ce peuple, consacré à l’usure depuis qu’il est connu, ayant toujours exercé ce métier à Babylone, à Alexandrie, à Rome, et dans toute l’Europe, s’était rendu partout également nécessaire et exécrable. Il n’y avait guère de villes où l’on n’accusât les Juifs d’immoler un enfant le vendredi-saint, et de poignarder une hostie. On fait encore, dans plusieurs villes, des processions en mémoire des hosties qu’ils ont poignardées, et qui ont jeté du sang. Ces accusations ridicules servaient à les dépouiller de leurs richesses.
1310 – L’ordre des Templiers est traité plus cruellement que les Juifs ; c’est un des événements les plus incompréhensibles. Des chevaliers qui faisaient vœu de combattre pour Jésus-Christ sont accusés de le renier, d’adorer une tête de cuivre, et de n’avoir, pour cérémonies secrètes de leur réception dans l’ordre, que les plus horribles débauches. Ils sont condamnés au feu en France, en conséquence d’une bulle du pape Clément V, et de leurs grands biens. Le grand-maître de l’ordre, Jacques de Molai, Gui, frère du dauphin d’Auvergne, et soixante et quatorze chevaliers, jurèrent en vain que l’ordre était innocent Philippe-le-Bel, irrité contre eux, les fit trouver coupables. Le pape, dévoué au roi de France, les condamna ; il y en eut cinquante-neuf de brûlés à Paris : on les poursuivit partout. Le pape abolit l’ordre deux ans après ; mais en Allemagne, on ne fit rien contre eux ; peut-être parce qu’on les persécutait trop en France. Il y a grande apparence que les débauches de quelques jeunes chevaliers avaient donné occasion de calomnier l’ordre entier. Cette Saint-Barthélemy de tant de chevaliers armés pour la défense du christianisme, jugés en France, et condamnés par un pape et par des cardinaux, est la plus abominable cruauté qui ait été jamais exercée au nom de la justice. On ne trouve rien de pareil chez les peuples les plus sauvages : ils tuent dans la colère ; mais les juges très incompétents des Templiers les livrèrent gravement aux plus affreux supplices, sans passion comme sans raison (1).
Henri VII veut rétablir l’empire en Italie. Aucun empereur n’y avait été depuis Frédéric II.
Diète à Francfort pour établir Jean de Luxembourg, roi de Bohême, vicaire de l’empire, et pour fournir au voyage de l’empereur ; ce voyage s’appelle, comme on sait, l’expédition romaine. Chaque État de l’empire se cotise pour fournir des soldats, des cavaliers ou de l’argent.
Les commissaires de l’empereur qui le précèdent font à Lausanne, le 11 octobre, le serment accoutumé aux commissaires du pape ; serment regardé toujours par les papes comme un acte d’obéissance et un hommage, et par les empereurs comme une promesse de protection ; mais les paroles en étaient favorables aux prétentions des papes.
1311 -1312 – Les factions des guelfes et des gibelins partageaient toujours l’Italie : mais ces factions n’avaient plus le même objet qu’autrefois ; elles ne combattaient plus l’une pour l’empereur, l’autre pour le pape ; ce n’était plus qu’un mot de ralliement, auquel il n’y avait guère d’idée fixe attachée. C’est de quoi nous avons vu exemple en Angleterre dans les factions des wighs et des torys.
Le pape Clément V fuyait Rome, où il n’avait aucun pouvoir ; il établissait sa cour à Lyon avec sa maîtresse la comtesse de Périgord, et amassait ce qu’il pouvait de trésors.
Rome était dans l’anarchie d’un gouvernement populaire. Les Colonna, les Orsini, les barons romains, partageaient la ville, et c’est la cause de ce long séjour des papes au bord du Rhône ; de sorte que Rome paraissait également perdue pour les papes et pour les empereurs.
La Sicile était restée à la maison d’Aragon. Charobert, roi de Hongrie, disputait le royaume de Naples à Robert son oncle, fils de Charles II de la maison d’Anjou.
La maison d’Est s’était établie à Ferrare. Les Vénitiens voulaient s’emparer de ce pays.
L’ancienne ligue des villes d’Italie était bien loin de subsister ; elle n’avait été faite que contre les empereurs : mais depuis qu’ils ne venaient plus en Italie, ces villes ne pensaient qu’à s’agrandir aux dépens les unes des autres.
Les Florentins et les Génois faisaient la guerre à la république de Pise. Chaque ville, d’ailleurs, étaient partagée en factions ; Florence entre les noirs et les blancs, Milan entre les Visconti et les Turriani.
C’est au milieu de ces troubles que Henri VII paraît enfin en Italie. Il se fait couronner roi de Lombardie à Milan. Les guelfes cachent cette ancienne couronne de fer des rois lombards, comme si c’était à un petit cercle de fer que fût attaché le droit de régner. L’empereur fait faire une nouvelle couronne.
Les Turriani, le propre chancelier de l’empereur, conspirent contre sa vie dans Milan. Il condamne son chancelier au feu. La plupart des villes de Lombardie, Crème, Crémone, Lodi, Brescia, lui refusent obéissance. Il les soumet par force, et il y a beaucoup de sang de répandu.
Il marche à Rome. Robert, roi de Naples, de concert avec le pape, lui ferme les portes, en faisant marcher vers Rome Jean, prince de Morée, son frère, avec des gendarmes et de l’infanterie.
Plusieurs villes, comme Florence, Bologne, Lucques, se joignent secrètement à Robert. Cependant le pape écrit de Lyon à l’empereur qu’il ne souhaite rien tant que son gouvernement ; le roi de Naples l’assure des mêmes sentiments, et lui proteste que le prince de Morée n’est à Rome que pour y mettre l’ordre.
Henri VII se présente à la porte de la ville Léonine, qui renferme l’église de Saint-Pierre ; mais il faut qu’il l’assiège pour y entrer. Il est battu au lieu d’être couronné. Il négocie avec l’autre partie de la ville, et demande qu’on le couronne dans l’église de Saint-Jean de Latran. Les cardinaux s’y opposent, et disent que cela ne se peut sans la permission du pape.
Le peuple de ce quartier prend le parti de l’empereur. Il est couronné en tumulte par quelques cardinaux. Alors il fait examiner par des jurisconsultes la question : « Si le pape peut ordonner quelque chose à l’empereur, et si le royaume de Naples relève de l’empire, ou du saint-siège. » Ses jurisconsultes ne manquent pas de décider en sa faveur, et le pape a grand soin de faire décider le contraire par les siens.
1313 – C’est, comme on a vu, les destinée des empereurs de manquer de forces pour dominer dans Rome. Henri VII est obligé d’en sortir ; Il va assiéger inutilement Florence, et cite non moins inutilement Robert, roi de Naples, à comparaître devant lui. Il met aussi vainement ce roi au ban de l’empire, comme coupable de lèse-majesté, et le banni à perpétuité sous peine de perdre la tête. L’arrêt est du 25 avril.
Il rend des arrêts à peu près semblables contre Florence et Lucques, et permet, par ces arrêts, d’assassiner les habitants : Venceslas en démence n’aurait pas donné de tels rescrits.
Il fait lever des troupes en Allemagne par son frère, archevêque de Trèves. Il obtient des Génois et des Pisans cinquante galères. On conspire dans Naples en sa faveur. Il pense conquérir Naples, et ensuite Rome ; mais prêt à partir, il meurt auprès de la ville de Sienne. L’arrêt contre les Florentins était une invitation à l’empoisonner. Un dominicain, nommé Politien de Montepulciano, qui le communiait, mêla, dit-on, du poison dans le vin consacré. Il est difficile de prouver de tels crimes. Mais les dominicains n’obtinrent du fils de Henri VII, Jean, roi de Bohême, des lettres qui les déclarent innocents, que trente ans après la mort de l’empereur. Il eût mieux valu avoir ces lettres dans le temps même qu’on commençait à les accuser de cet empoisonnement sacrilège.
INTERRÈGNE DE QUATORZE MOIS.
Dans les dernières années de la vie de Henri VII, l’ordre Teutonique s’agrandissait, et faisait des conquêtes sur les idolâtres et sur les chrétiens des bords de la mer Baltique. Ils se rendirent même maîtres de Dantzick, qu’ils cédèrent après. Ils achetèrent la contrée de Prusse nommée Pomérélie d’un margrave de Brandebourg qui la possédait.
Pendant que les chevaliers teutons devenaient des conquérants, les Templiers furent détruits en Allemagne, comme ailleurs ; et quoiqu’ils se soutinssent encore quelques années vers le Rhin, leur ordre fut enfin entièrement aboli.
1314 – Le pape Clément V condamne la mémoire de Henri VII, déclare que le serment que cet empereur avait fait, à son couronnement dans Rome, était un serment de fidélité, et par conséquent d’un vassal qui rend hommage.
Il casse la sentence de Henri VII portée contre le roi de Naples, « attendu, dit-il avec raison, que le roi Robert est notre vassal. »
Mais le pape ajoute à cette raison des clauses bien étonnantes ; « Nous avons, dit-il, la supériorité sur l’empire, et nous succédons à l’empereur pendant la vacance, par le plein pouvoir que Jésus-Christ nous a donné. » Il faut avouer que Jésus-Christ, comme homme, ne se doutait pas qu’un prêtre qui se disait dans Rome successeur de Simon fût un jour de droit divin empereur pendant la vacance.
En vertu de cette prétention, le pape établit le roi de Naples Robert vicaire de l’empire en Italie. Ainsi les papes, qui ne craignent rien tant qu’un empereur, aident eux-mêmes à perpétuer cette dignité, en reconnaissant qu’il faut un vicaire dans l’interrègne, mais ils nomment ce vicaire pour se faire un droit de nommer un empereur.
Les électeurs en Allemagne sont longtemps divisés. Il était déjà établi dans l’opinion des hommes que le droit de suffrage n’appartenait qu’aux grands officiers de la maison, c’est-à-dire aux trois chanceliers ecclésiastiques, et aux quatre princes séculiers. Ces officiers avaient longtemps eu la première influence. Ils déclaraient la nomination faite par la pluralité des suffrages : peu à peu ils attirèrent à eux seuls le droit délire.
Cela est si vrai, que le duc de Carinthie, Henri, qui prenait le titre de roi de Bohême, disputait en cette seule qualité le droit d’électeur à Jean de Luxembourg, fils de Henri VII, qui en effet était roi de Bohême.
Les ducs de Saxe, Jean et Rodolphe, qui avaient chacun une partie de la Saxe, prétendaient partager le droit d’élire, et être tous deux électeurs, parce qu’ils se disaient tous deux grands maréchaux.
Le duc de Bavière, Louis, le même qui fut empereur, chef de la branche bavaroise, voulait partager avec son frère aîné Rodolphe, comte palatin, le droit de suffrage.
Il y eut donc dix électeurs qui représentaient sept officiers, sept charges principales de l’empire. De ces dix électeurs, cinq nomment Louis, duc de Bavière, qui, ajoutant son suffrage, est ainsi élu par six voix.
Les quatre autres choisissent Frédéric, duc d’Autriche, fils de l’empereur Albert ; et ce duc d’Autriche ne compta point sa propre voix ; ce qui prouve évidemment que l’Autriche n’avait point de suffrage, ne fournissant point de grand officier.
1 – Voyez, sur les Templiers, tout le chapitre LXVI de l’Essai.(G.A.)