ANNALES DE L'EMPIRE - CATALOGUE DES EMPEREURS - ALBERT Ier D’AUTRICHE - Partie 38

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ANNALES DE L'EMPIRE - CATALOGUE DES EMPEREURS - ALBERT Ier D’AUTRICHE - Partie 38

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ANNALES DE L’EMPIRE.

 

 

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CATALOGUE DES EMPEREURS

 

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ALBERT Ier D’AUTRICHE.

 

 

 

 

 

Empereur en 1298, mort en 1308.

 

 

 

Sa femme :

  • Elisabeth, fille de Ménard, duc de Carinthie, et comte de Tyrol.

 

 

Ses enfants :

  • Frédéric-le-Beau, depuis empereur ;

  • Albert-le-Sage, duc d’Autriche.

 

 

 

 

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ALBERT Ier D’AUTRICHE,

 

 

TRENTIÈME EMPEREUR.

 

 

 

 

1298 – Albert d’Autriche commence par remettre son droit aux électeurs, afin de le mieux assurer. Il se fait élire une seconde fois à Francfort, puis couronner à Aix-la-Chapelle par l’archevêque de Cologne.

 

Le pape Boniface VIII ne veut pas le reconnaître. Ce pape avait alors de violents démêlés avec le roi de France Philippe-le-Bel.

 

1299 – L’empereur Albert s’unit incontinent avec Philippe, et marie son fils aîné Rodolphe à Blanche, sœur du roi. Les articles de ce mariage sont remarquables. Il s’engage de donner à son fils l’Autriche, la Styrie, la Carniole, l’Alsace, Fribourg en Brisgau, et assigne pour douaire à sa belle-fille l’Alsace et Fribourg, s’en remettant pour la dot de Blanche à la volonté du roi de France.

 

Albert fait part de ce mariage au pape, qui, pour toute réponse, dit que l’empereur n’est qu’un usurpateur, et qu’il n’y a d’autre césar que le souverain pontife des chrétiens.

 

1300 – 1301 – Les maisons de France et d’Autriche semblaient alors étroitement unies par ce mariage, par leur haine commune contre Boniface VIII, par la nécessité où elles étaient de se défendre contre leurs vassaux ; car, dans le même temps, la Hollande et la Zélande, vassales de l’empire, faisaient la guerre à Albert, et les Flamands, vassaux de la France, la faisaient au roi Philippe-le-Bel.

 

Boniface VIII, plus fier encore que Grégoire VII, et plus impétueux, prend ce temps pour braver à la fois l’empereur et le roi de France. D’un côté il excite contre Philippe-le-Bel son frère Charles de Valois ; de l’autre, il soulève des princes de l’Allemagne contre Albert.

 

Nul pape ne poussa plus loin la manie de donner des royaumes. Il fait venir en Italie ce Charles de Valois, et le nomme vicaire de l’empire en Toscane. Il marie ce prince à la fille de Baudoin II, empereur de Constantinople, dépossédé, et déclare hardiment Charles de Valois empereur des Grecs. Rien n’est plus grand que ces entreprises quand elles sont bien conduites et heureuses ; rien de plus petit quand elles sont sans effet. Ce pape, en moins de trois ans, donna les empires d’Orient et d’Occident, et mit en interdit le royaume de France.

 

Les circonstances où se trouvait l’Allemagne le mirent sur le point de réussir contre Albert d’Autriche.

 

Il écrit aux archevêques de Mayence, de Trèves et de Cologne : « Nous ordonnons qu’Albert comparaisse devant nous dans six mois, pour se justifier, s’il peut, du crime de lèse-majesté, commis contre la personne de son souverain Adolphe. Nous défendons qu’on le reconnaisse pour roi des Romains, etc. »

 

Ces trois archevêques, qui n’aimaient pas Albert, conviennent avec le comte palatin du Rhin de procéder contre lui, comme ils avaient procédé contre son prédécesseur ; et, ce qui montre bien qu’on a toujours deux poids et deux mesures, c’est qu’ils lui font un crime d’avoir vaincu et tué en combattant ce même Adolphe qu’ils avaient déposé, et contre lequel il avait été armé par eux-mêmes.

 

Le comte palatin fait en effet des informations contre l’empereur Albert. On sait que les comtes palatins étaient originairement juges dans le palais, et juges des causes civiles entre le prince et les sujets, comme cela se pratique dans tous les pays sous des noms différents.

 

Les palatins se croyaient en droit de juger criminellement l’empereur même. C’est sur cette prétention qu’on verra un palatin, un ban de Croatie, condamner une reine (1).

 

Albert, ayant pour lui les autres princes de l’empire, répond aux procédures par la guerre.

 

1302 – Bientôt ses juges lui demandent grâce, et l’électeur palatin paie par une grosse somme d’argent ses procédures.

 

La Pologne, après beaucoup de troubles, élit pour son roi (2) Venceslas, roi de Bohême. Venceslas met quelque ordre dans un pays où il n’y en avait jamais eu. C’est lui qui institua le sénat. Ce Venceslas donne son fils pour roi aux Hongrois, qui le demandaient eux-mêmes.

 

Boniface VIII ne manque pas de prétendre que c’est un attentat contre lui, et qu’il n’appartient qu’à lui seul de donner un roi à la Hongrie. Il nomme à ce royaume Charobert, descendant de Charles d’Anjou. Il semblerait que l’empereur n’eût pas dû accoutumer le pape à donner des royaumes ; cependant c’est ce qui le raccommoda avec lui. Il craignait plus la puissance de Venceslas que celle du pape. Il protège donc Charobert, et désole la Bohême avec une armée. Les auteurs disent que cette armée fut empoisonnée par les Bohémiens, qui infectèrent les eaux voisines du camp ; cela est assez difficile à croire.

 

1303 – Ce qui achève de mettre l’empereur dans les intérêts de Boniface VIII, c’est la sanglante querelle de ce pape avec Philippe-le-Bel. Boniface, très maltraité par ce monarque, et qui méritait de l’être, reconnaît enfin cet Albert, à qui il avait voulu faire le procès, pour roi légitime des Romains, et lui promet la couronne impériale, pourvu qu’il déclare la guerre au roi de France.

 

Albert paie la complaisance du pape par une complaisance bien plus grande. Il reconnaît « que l’empire a été transféré des Grecs aux Allemands par le saint-siège ; que les électeurs tiennent leur droit du pape, et que les empereurs et les rois reçoivent de lui le droit du glaive. » C’est contre une telle déclaration que le comte palatin aurait dû faire des procédures.

 

Ce n’était pas la peine de flatter ainsi Boniface VIII, qui mourut le 12 octobre, échappé à peine de la prison où le roi de France l’avait retenu aux portes mêmes de Rome.

 

Cependant le roi de France confisque la Flandre sur le comte Gui Dampierre, et demeure, après une sanglante bataille, maître de Lille, de Douai, d’Orchies, de Béthune, et d’un très grand pays, sans que l’empereur s’en mette en peine.

 

Il ne songe pas davantage à l’Italie, toujours partagée entre les guelfes et les gibelins.

 

1304 – 1305 – Ladislas, ce fils du respectable Venceslas, roi de Bohême et de la Pologne, est chassé de la Hongrie. Son père en meurt, à ce qu’on prétend, de chagrin, si les rois peuvent mourir de cette maladie.

 

Le duc de Bavière Othon se fait élire roi de Hongrie, et se fait renvoyer dès la même année. Ladislas, retourné en Bohême, y est assassiné. Ainsi, voilà trois royaumes électifs à donner à la fois, la Hongrie, la Bohême, et la Pologne.

 

L’empereur Albert fait couronner son fils Rodolphe en Bohême à main armée. Charobert se propose toujours pour la Hongrie ; et un seigneur polonais, nommé Vladislas Locticus, est élu, ou plutôt rétabli en Pologne ; mais l’empereur n’y a aucune part.

 

1306 – Voici une injustice qui ne paraît pas d’un prince habile. L’empereur Adolphe de Nassau avait perdu la couronne et la vie pour s’être attiré la haine des Allemands, et cette haine fut principalement fondée sur ce qu’il voulut dépouiller à prix d’argent les héritiers légitimes de la Misnie et de la Thuringe.

 

Philippe de Nassau, frère de cet empereur, réclama ces pays si injustement achetés. Albert se déclare pour lui dans l’espérance d’en obtenir une part. Les princes de Thuringe se défendent. Ils sont mis sans formalités au ban de l’empire. Cette proscription leur donne des partisans et une armée. Ils taillent en pièces l’armée de l’empereur, qui est trop heureux de les laisser paisibles dans leurs États. On voit toujours, en général, dans les Allemands, un grand fonds d’attachement pour leurs droits ; et c’est ce qui a fait subsister si longtemps ce gouvernement mixte, édifice souvent prêt à écrouler, et cependant toujours ferme.

 

1307 – Le pape Clément V envoie un légat en Hongrie, qui donne la couronne à Charobert au nom du saint-siège. Autrefois les empereurs donnaient ce royaume : alors les papes en disposaient ainsi que de celui de Naples. Les Hongrois aimaient mieux être vassaux des papes désarmés que des empereurs qui pouvaient les asservir. Il valait mieux n’être vassal de personne.

 

 

 

 

ORIGINE DE LA LIBERTÉ DES SUISSES.

 

 

 

La Suisse relevait de l’empire, et une partie de ce pays était domaine de la maison d’Autriche, comme Fribourg, Lucerne, Zug, Glaris. Ces petites villes, quoique sujettes, avaient de grands privilèges, et étaient au rang des villes mixtes de l’empire ; d’autres étaient impériales, et se gouvernaient par leurs citoyens, comme Zurich, Bäle, et Schaffouse. Les cantons d’Uri, de Schvitz, et d’Undervald, étaient sous le patronage de la maison d’Autriche, mais non sous sa domination.

 

L’empereur Albert voulut être despotique dans tout le pays. Les gouverneurs et les commissaires qu’il y envoya y exercèrent une tyrannie qui causa d’abord beaucoup de malheurs, et qui ensuite produisit le bonheur de la liberté.

 

Les fondateurs de cette liberté se nomment Melchtal, Stauffacher et Valther Fûrst (1). La difficulté de prononcer des noms si respectables nuit à leur célébrité. Ces trois paysans, hommes de sens et de résolution, furent les premiers conjurés. Chacun d’eux en attira trois autres. Ces neuf gagnèrent les cantons d’Uri, Schvitz, et Undervald.

 

Tous les historiens prétendent que, tandis que la conspiration se tramait, un gouverneur d’Uri, nommé Grisler (2), s’avisa d’un genre de tyrannie ridicule et horrible. Il fit mettre, dit-on, un de ses bonnets au haut d’une perche dans la place, et ordonna qu’on saluât le bonnet, sous peine de la vie. Un des conjurés, nommé Guillaume Tell, ne salua point le bonnet. Le gouverneur le condamna à être pendu, et ne lui donna sa grâce qu’à condition que le coupable, qui passait pour archer adroit, abattrait d’un coup de flèche une pomme. Grisler apercevant une seconde flèche sous l’habit de Tell, demanda ce qu’il en prétendait faire. « Elle t’était destinée, dit le Suisse, si j’avais blessé mon fils. »

 

Avouons que toutes ces histoires de pommes sont bien suspectes : celle-ci l’est d’autant plus qu’elle semble tirée d’une ancienne fable danoise (3). Mais enfin on tient pour constant que Tell ayant été mis aux fers, tua ensuite le gouverneur d’une flèche ; que ce fut le signal des conjurés ; que les peuples se saisirent des forteresses, et démolirent ces instruments de leur esclavage. Voyez l’Essai sur les mœurs et l’esprit des nations.

 

1308 – Albert, près de commettre ses forces contre ce courage que donne l’enthousiasme d’une liberté naissante, perd la vie d’une manière funeste. Son propre neveu Jean, qu’on a appela mal à propos duc de Souabe, qui ne pouvait obtenir de lui la jouissance de son patrimoine, conspire sa mort avec quelques complices. Il lui porta lui-même le dernier coup en se promenant avec lui auprès de Rheinsfeld, sur le bord de la rivière de Réuss, dans le voisinage de la Suisse. Peu de souverains ont péri d’une mort plus tragique, et nul n’a été moins regretté. Il est très vraisemblable que le don de l’Autriche, de la Styrie, de la Carniole, fait par l’empereur Rodolphe de Habsbourg à ses deux enfants, fut la cause de cet assassinat. Jean, fils du prince Rodolphe, ayant en vain demandé à son oncle Albert sa part qu’il retenait, voulut s’en mettre en possession par un crime.

 

 

 

 

1 – Ou plutôt, ils se nomment : Arnold ander Halden, de Metchthal. Xerner Stauffacher, de Schwitz, et Walter Fürst, d’Attinghausen. Le serment qu’ils firent au Grüli est du 17 novembre 1307. C’est une des plus grandes dates de l’histoire européenne. (G.A.)

 

2 – Dans l’Essai, le nom de Gessler est écrit exactement. (G.A.)

 

3 – Cette remarque, qui est fort juste, prouve combien les études historiques de Voltaire étaient profondes. (G.A.)

 

 

 

 

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