ANNALES DE L'EMPIRE - CATALOGUE DES EMPEREURS - FRÉDÉRIC Ier - Partie 30-1
Photo de PAPAPOUSS
ANNALES DE L’EMPIRE.
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CATALOGUE DES EMPEREURS
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(Partie 1)
FRÉDÉRIC Ier, surnommé Barberousse,
Duc de Souabe, né en 1121, empereur en 1152, mort en 1190.
Ses femmes :
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Adélaïde, fille du marquis de Vohenbourg, répudiée ;
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Béatrix, fille de Renaud, comte de Bourgogne.
Ses enfants :
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Henri, depuis empereur ;
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Frédéric, duc de Souabe ;
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Conrad, duc de Spolette ;
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Philippe, depuis empereur ;
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Othon, comte de Bourgogne ;
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Sophie, mariée au marquis de Montferrat ;
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Béatrix, abbesse de Quedlimbourg.
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FRÉDÉRIC Ier, surnommé Barberousse,
VINGT-DEUXIÈME EMPEREUR
1152 – Frédéric Ier est élu à Francfort par le consentement de tous les princes. Son secrétaire Amandus rapporte dans ses Annales, dont on a conservé des extraits, que plusieurs seigneurs de la Lombardie y donnèrent leur suffrange en ces termes : « O vous officiez, officiati, si vous consentez, Frédéric aura la force de son empire. »
Ces officiati étaient alors au nombre de six : les archevêques de Mayence, de Trèves, de Cologne, le grand écuyer, le grand-maître-d’hôtel, le grand chambellan : on y ajouta depuis le grand échanson. Il paraît indubitable que ces officiati étaient les premiers qui reconnaissaient l’empereur élu, qui l’annonçaient au peuple, qui se chargeaient de la cérémonie.
Les seigneurs italiens assistèrent à cette élection de Frédéric : rien n’est plus naturel. On croyait, à Francfort, donner l’empire romain en donnant la couronne d’Allemagne, quoique le roi ne fût nommé empereur qu’après avoir été couronné à Rome. Le prédécesseur de Frédéric Barberousse n’avait eu aucune autorité ni à Rome, ni dans l’Italie ; et il était de l’intérêt de l’élu que les grands vassaux de l’empire romain joignissent leur suffrage aux voix des Allemands.
L’archevêque de Cologne le couronne à Aix-la-Chapelle, et tous les évêques l’avertissent qu’il n’a point l’empire par droit d’hérédité. L’avertissement était inutile ; le fils du dernier empereur, abandonné, en était une assez bonne preuve.
Son règne commence par l’action la plus imposante. Deux concurrents, Suenon et Canut, disputaient depuis longtemps le Danemark : Frédéric se fait arbitre ; il force Canut à céder ses droits. Suenon soumet le Danemark à l’empire dans la ville de Mersebourg. Il prête serment de fidélité, il est investi par l’épée. Ainsi, au milieu de tant de troubles, on voit des rois de Pologne, de Hongrie, de Danemark, aux pieds du trône impérial.
1153 – Le marquisat d’Autriche est érigé en duché en faveur de Henri Jasamergott (1), qu’on ne connaît guère, et dont la postérité s’éteignit environ un siècle après.
Henri-le-Lion, ce duc de Saxe de la maison guelfe, obtient l’investiture de la Bavière, parce qu’il l’avait presque toute reconquise ; et il devient partisan de Frédéric Barberousse, autant qu’il avait été ennemi de Conrad Ier.
Le pape Eugène III envoie deux légats faire le procès à l’archevêque de Mayence, accusé d’avoir dissipé les biens de l’Église, et l’empereur le permet.
1154 – En récompense, Frédéric Barberousse répudie sa femme, Marie de Vocbourg ou Vohenbourg, sans que le pape Adrien IV, alors siégeant à Rome, le trouve mauvais.
1155 – Frédéric reprend sur l’Italie les desseins de ses prédécesseurs. Il réduit plusieurs villes de Lombardie qui voulaient se mettre en république ; mais Milan lui résiste.
Il se saisit au nom de Henri, son pupille, fils de Conrad III, des terres de la comtesse Mathilde, est couronné à Pavie, et députe vers Adrien IV pour le prier de le couronner empereur à Rome.
Ce pape est un des grands exemples de ce que peuvent le mérite personnel et la fortune. Né Anglais, fils d’un mendiant, longtemps mendiant lui-même, errant de pays en pays avant de pouvoir être reçu valet chez des moines en Dauphiné ; enfin porté au comble de la grandeur, il avait d’autant plus d’élévation dans l’esprit qu’il était parvenu d’un état plus abject. Il voulait couronner un vassal, et craignait de se donner un maître. Les troubles précédents avaient introduit la coutume que, quand l’empereur venait se faire sacrer, le pape se fortifiait, le peuple se cantonnait, et l’empereur commençait par jurer que le pape ne serait ni tué, ni mutilé, ni dépouillé.
Le saint-siège était protégé, comme on l’a vu, par le roi de Sicile et de Naples, devenu voisin et vassal dangereux.
L’empereur et le pape se ménagent l’un l’autre. Adrien, enfermé dans la forteresse de Città-di-Castello, s’accorde pour le couronnement, comme on capitule avec son ennemi. Un chevalier armé de toutes pièces vient lui jurer sur l’Évangile que ses membres et sa vie seront en sûreté ; et l’empereur lui livre ce fameux Arnaud de Brescia qui avait soulevé le peuple romain contre le pontificat, et qui avait été sur le point de rétablir la république romaine. Arnaud est brûlé à Rome comme un hérétique et comme un républicain que deux souverains prétendants au despotisme s’immolaient.
Le pape va au-devant de l’empereur, qui devait, selon le nouveau cérémonial, lui baiser les pieds, lui tenir l’étrier, et conduire sa haquenée blanche l’espace de neuf pas romains. L’empereur ne faisait point de difficulté de baiser les pieds, mais il ne voulait point de la bride. Alors les cardinaux s’enfuient dans Città-di-Castello, comme si Frédéric Barberousse avait donné le signal d’une guerre civile. On lui fit voir que Lothaire II avait accepté ce cérémonial d’humilité chrétienne ; il s’y soumit enfin, et comme il se trompait d’étrier, il dit qu’il n’avait point appris le métier de palefrenier. C’était en effet un grand triomphe pour l’Église de voir un empereur servir de palefrenier à un mendiant, fils d’un mendiant, devenu évêque de cette Rome où cet empereur devait commander.
Les députés du peuple romain, devenus aussi plus hardis depuis que tant de villes d’Italie avaient sonné le tocsin de la liberté, viennent dire à Frédéric : « Nous vous avons fait notre citoyen et notre prince, d’étranger que vous étiez, etc. »
Frédéric est sacré empereur le 18 juin dans Saint-Pierre.
On savait si peu ce que c’était que l’empire, toutes les prétentions étaient si contradictoires, que d’un côté le peuple romain se souleva, et il y eut beaucoup de sang versé, parce que le pape avait couronné l’empereur sans l’ordre du sénat et du peuple ; et de l’autre côté le pape Adrien écrivait dans toutes ses lettres, qu’il avait conféré à Frédéric le bénéfice de l’empire romain, Beneficium imperii romani. Ce mot de beneficium signifiait un fief alors.
Il fit de plus exposer en public un tableau qui représentait Lothaire II aux genoux du pape Innocent II (2), tenant les mains jointes entre celles du pontife : ce qui était la marque distinctive de la vassalité. L’inscription du tableau était :
Rex venit ante fores jurans prius urbis honores ;
Post homo fit papæ, sumit quo dante coronam.
« Le roi jure à la porte le maintien des honneurs de Rome, devient vassal du pape, qui lui donne la couronne. »
1156 – On voit déjà Frédéric fort puissant en Allemagne car il fait condamner le comte palatin du Rhin à son retour dans une diète pour des malversations. La peine était, selon l’ancienne loi de Souabe, de porter un chien sur les épaules un mille d’Allemagne ; l’archevêque de Mayence est condamné à la même peine ridicule : on la leur épargne. L’empereur fait détruire plusieurs petits châteaux de brigands. Il épouse à Vurtzbourg la fille d’un comte de Bourgogne, c’est-à-dire de la Franche-Comté, et devient par-là seigneur direct de ce comté relevant de l’empire.
Le comte son beau-père, nommé Renaud, ayant obtenu de grandes immunités en faveur de ce mariage, s’intitula le comte franc : et c’est de là qu’est venu le nom de Franche-Comté.
Les polonais refusent de payer leur tribut, qui était alors fixé à cinq cents marcs d’argent. Frédéric marche vers la Pologne. Le duc de Pologne donne son frère en otage, et se soumet au tribut, dont il paie les arrérages.
Frédéric passe à Besançon, devenu son domaine ; il y reçoit des légats du pape avec les ambassadeurs de presque tous les princes. Il se plaint avec hauteur à ces légats du terme de bénéfice dont la cour de Rome usait en parlant de l’empire, et du tableau où Lothaire II était représenté comme vassal du saint-siège. Sa gloire et sa puissance, ainsi que son droit, justifient cette hauteur. Un légat (2) ayant dit « Si l’empereur ne tient pas l’empire du pape, de qui le tient-il donc ? » le comte palatin, pour réponse, veut tuer les légats. L’empereur les renvoie à Rome.
Les droits régaliens sont confirmés à l’archevêque de Lyon, reconnu par l’empereur pour primat des Gaules. La juridiction de l’archevêque est, par cet acte mémorable, étendue sur tous les fiefs de la Savoie. L’original de ce diplôme subsiste encore. Le sceau est dans une petite bulle ou boîte d’or. C’est de cette manière de sceller que le nom de bulle a été donné aux constitutions.
1158 – L’empereur accorde le titre de roi au duc de Bohême Vladislas, sa vie durant. Les empereurs donnaient alors des titres à vie, même celui de monarque ; et on était roi par la grâce de l’empereur, sans que la province dont on devenait roi fût un royaume : de sorte que l’on voit dans les commencements, tantôt des rois, tantôt des ducs, de Hongrie, de Pologne, de Bohême.
Il passe en Italie : d’abord le comte palatin et le chancelier de l’empereur, qu’il ne faut pas confondre avec le chancelier de l’empire, vont recevoir les serments de plusieurs villes. Ces serments étaient conçus en ces termes : « Je jure d’être toujours fidèle à monseigneur l’empereur Frédéric contre tous ses ennemis, etc. » Comme il était brouillé alors avec le pape, à cause de l’aventure des légats à Besançon, il semblait que ces serments fussent exigés contre le saint-siège.
Il ne paraît pas que les papes fussent alors souverains des terres données par Pépin, par Charlemagne, et par Othon Ier. Les commissaires de l’empereur exercent tous les droits de la souveraineté dans la marche d’Ancône.
Adrien IV envoie de nouveaux légats à l’empereur dans Augsbourg, où il assemble son armée. Frédéric marche à Milan. Cette ville était déjà la plus puissante de la Lombardie ; et Pavie et Ravenne étaient peu de chose en comparaison : elle s’était rendue libre dès le temps de l’empereur Henri V ; la fertilité de son territoire, et surtout sa liberté, l’avaient enrichie.
A l’approche de l’empereur, elle envoie offrir de l’argent pour garder sa liberté ; mais Frédéric veut l’argent et la sujétion. La ville est assiégée, et se défend ; bientôt ses consuls capitulent : on leur ôte le droit de battre monnaie, et tous les droits régaliens. On condamne les Milanais à bâtir un palais pour l’empereur, à payer neuf mille marcs d’argent. Tous les habitants font serment de fidélité. Milan, sans duc et sans comte, fut gouvernée en ville sujette.
Frédéric fait commencer à bâtir le nouveau Lodi, sur la rivière d’Adda, il donne de nouvelles lois en Italie, et commence par ordonner que toute ville qui transgressera ces lois paiera cent marcs d’or ; un marquis, cinquante ; un comte, quarante ; et un seigneur châtelain, vingt. Il ordonne qu’aucun fief ne pourra se partager ; et comme les vassaux, en prêtant hommage aux seigneurs des grands fiefs, leur juraient de les servir indistinctement envers et contre tous, il ordonne que dans ces serments on excepte toujours l’empereur ; loi sagement contraire aux coutumes féodales de France, par lesquelles un vassal était obligé de servir son seigneur en guerre contre le roi ce qui était, comme nous l’avons dit ailleurs, une jurisprudence de guerres civiles.
Les Génois et les Pisans avaient depuis longtemps enlevé la Corse et la Sardaigne aux Sarrasins, et s’en disputaient encore la possession : c’est une preuve qu’ils étaient très puissants ; mais Frédéric, plus puissant qu’eux, envoie des commissaires dans ces deux villes ; et parce que les Génois le traversent, il leur fait payer une amende de mille marcs d’argent, et les empêche de continuer à fortifier Gênes.
Il remet l’ordre dans les fiefs de la comtesse Mathilde, dont les papes ne possédaient rien ; il les donne à un Guelfe, cousin du duc de Saxe et de Bavière. On oublie le neveu de cette comtesse, fils de l’empereur Conrad, lequel avait des droits sur ces fiefs. En ce temps l’université de Bologne, la première de toutes les universités de l’Europe, commençait à s’établir, et l’empereur lui donne des privilèges.
1159 – 1160 – Frédéric Ier commençait à être plus maître en Italie que Charlemagne et Othon ne l’avaient été : il affaiblit le pape en soutenant les prérogatives des sénateurs de Rome, et encore plus en mettant des troupes en quartier d’hiver dans ses terres.
Adrien IV, pour mieux conserver le temporel, attaque Frédéric Barberousse sur le spirituel. Il ne s’agit plus des investitures par un bâton courbé ou droit, mais du serment que les évêques prêtent à l’empereur ; il traite cette cérémonie de sacrilège, et cependant, sous main, il excite les peuples.
Les Milanais prennent cette occasion de recouvrer un peu de liberté. Frédéric les fait déclarer déserteurs et ennemis de l’empire ; et par l’arrêt leurs biens sont livrés au pillage, et leurs personnes à l’esclavage ; arrêt qui ressemble plutôt à un ordre d’Attila qu’à une constitution d’un empereur chrétien.
Adrien IV saisit ce temps de troubles pour redemander tous les fiefs de la comtesse Mathilde, le duché de Spolette, la Sardaigne et la Corse. L’empereur ne lui donne rien ; il assiège Crème, qui avait pris le parti de Milan, prend Crème, et la pille. Milan respira, et jouit quelques temps du bonheur de devoir sa liberté à son courage.
Après la mort du pape Adrien IV, les cardinaux se partagent : la moitié élit le cardinal Roland, qui prend le nom d’Alexandre III, ennemi déclaré de l’empereur ; l’autre choisit Octavien, son partisan, qui s’appelle Victor. Frédéric Barberousse, usant de ses droits d’empereur, indique un concile à Pavie pour juger entre les deux compétiteurs : (février 1160) Alexandre refuse de reconnaître ce concile ; Victor s’y présente, le concile juge en sa faveur ; l’empereur lui baise les pieds, et conduit son cheval comme celui d’Adrien. Il se soumettait à cette étrange cérémonie pour être réellement le maître.
Alexandre III, retiré dans Anagni, excommunie l’empereur, et absout ses sujets du serment de fidélité. On voit bien que le pape comptait sur le secours des rois de Naples et de Sicile. Jamais un pape n’excommunia un roi sans avoir un prince tout prêt à soutenir par les armes cette hardiesse ecclésiastique : le pape comptait sur le roi de Naples et sur les plus grandes villes d’Italie.
1161 – Les Milanais profitent de ces divisions ; ils osent attaquer l’armée impériale à Carentia, à quelques milles de Lodi, et remportent une grande victoire. Si les autres villes d’Italie avaient secondé Milan, c’était le moment pour délivrer à jamais ce beau pays du joug étranger.
1162 – L’empereur rétablit son armée et ses affaires : les Milanais bloqués manquent de vivres ; ils capitulent. Les consuls et huit chevaliers, chacun l’épée nue à la main, viennent mettre leurs épées aux pieds de l’empereur à Lodi. L’empereur révoque l’arrêt qui condamnait les citoyens à la servitude, et qui livrait leur ville au pillage (le 27 mars) ; mais à peine y est-il entré, qu’il fait démolir les portes, les remparts, tous les édifices publics ; et on sème du sel sur leurs ruines, selon l’ancien préjugé, très faux, que le sel est l’emblème de la stérilité. Les Huns, les Goths, les Lombards, n’avaient pas ainsi traité l’Italie.
Les Génois, qui se prétendaient libres, viennent prêter serment de fidélité ; et en protestant qu’ils ne donneront point de tribut annuel, ils donnent mille deux cents marcs d’argent ; ils promettent d’équiper une flotte pour aider l’empereur à conquérir la Sicile et la Pouille ; et Frédéric leur donne en fief ce qu’on appelle la rivière de Gênes, depuis Monaco jusqu’à Porto-Venere.
Il marche à Bologne, qui était confédérée avec Milan ; il y protège les collèges, et fait démanteler les murailles : tout se soumet à sa puissance.
Pendant ce temps l’empire fait des conquêtes dans le Nord ; le duc de Saxe s’empare du Mecklenbourg, pays des Vandales, et y transplante des colonies d’Allemands.
Pour rendre le triomphe de Frédéric Barberousse complet, le pape Alexandre III, son ennemi, fuit de l’Italie, et se retire en France. Frédéric va à Besançon pour intimider le roi de France, et le détacher du parti d’Alexandre.
C’est dans ce temps de sa puissance qu’il somme les rois de Danemark, de Bohême, et de Hongrie, de venir à ses ordres donner leurs voix dans une diète contre un pape. Le roi de Danemark, Valdemar Ier, obéit ; il se rendit à Besançon. On dit qu’il n’y fit serment de fidélité que pour le reste de la Vandalie qu’on abandonnait à ses conquêtes : d’autres disent qu’il renouvela l’hommage pour le Danemark : s’il est ainsi, c’est le dernier roi de Danemark qui ait fait hommage de son royaume à l’empire ; et cette année 1162 devient par là une grande époque.
1163 – L’empereur va à Mayence, dont le peuple, excité par des moines, avait massacré l’archevêque. Il fait raser les murailles de la ville ; elles ne furent rétablies que longtemps après.
1164 – Erfort (4), capitale de la Thuringe, ville dont les archevêques de Mayence ont prétendu la seigneurie depuis Othon IV, est ceinte de murailles, dans le temps qu’on détruit celles de Mayence.
Etablissement de la société des villes anséatiques. Cette union avait commencé par Hambourg et Lubeck, qui faisaient quelque négoce, à l’exemple des villes maritimes de l’Italie. Elles se rendirent bientôt utiles et puissantes, en fournissant du moins le nécessaire au nord de l’Allemagne ; et depuis, lorsque Lubeck, qui appartenait au fameux Henri-le-Lion, et qu’il fortifia, fut déclarée ville impériale par Frédéric Barberousse, elle fut la première des villes maritimes. Lorsqu’elle eut le droit de battre monnaie, cette monnaie fut la meilleure de toutes, dans ces pays où l’on n’en avait frappé jusque alors qu’à un très bas titre. De là vient, à ce qu’on a cru, l’argent esterling ; de là vient que Londres compta par livres esterling, quand elle se fut associée aux villes anséatiques.
Il arrive à l’empereur ce qui était arrivé à tous ses prédécesseurs : on fait contre lui des ligues en Italie, tandis qu’il est en Allemagne. Rome se ligue avec Venise, par les soins du pape Alexandre III. Venise, imprenable par sa situation, était redoutable par son opulence ; elle avait acquis de grandes richesses dans les croisades, auxquelles les Vénitiens n’avaient jusque alors pris part qu’en négociants habiles.
Frédéric retourne en Italie, et ravage le Véronais, qui était de la ligue. Son pape Victor meurt. Il en fait sacrer un autre, au mépris de toutes les lois, par un évêque de Liège. Cet usurpateur prend le nom de Pascal.
La Sardaigne était alors gouvernée par quatre baillis. Un d’eux, qui s’était enrichi, vient demander à Frédéric le titre de roi, et l’empereur le lui donne. Il triple partout les impôts, et retourne en Allemagne avec assez d’argent pour se faire craindre.
1165 – Diète de Vurtzbourg contre le pape Alexandre III. L’empereur exige un serment de tous les princes et de tous les évêques, de ne point reconnaître Alexandre. Cette diète est célèbre par les députés d’Angleterre, qui viennent rendre compte des droits du roi et du peuple contre les prétentions de l’Église de Rome.
Frédéric, pour donner de la considération à son pape Pascal, lui fait canoniser Charlemagne. Quel saint, et quel faiseur de saints ! Aix-la-Chapelle prend le titre de la capitale de l’empire, quoiqu’il n’y ait point en effet de capitale. Elle obtient le droit de battre monnaie.
1166 – Henri-le-Lion, duc de Saxe et de Bavière, ayant augmenté prodigieusement ses domaines, l’empereur n’est pas fâché de voir une ligue en Allemagne contre ce prince. Un archevêque de Cologne, hardi et entreprenant, s’unit avec plusieurs autres évêques, avec le comte palatin, le comte de Thuringe, et le marquis de Brandebourg. On fait à Henri-le-Lion une guerre sanglante. L’empereur les laisse se battre, et passe en Italie.
1167 – Les Pisans et les Génois plaident à Lodi devant l’empereur pour la possession de la Sardaigne, et ne l’obtiennent ni les uns ni les autres.
Frédéric va mettre à contribution la Pentapole, si solennellement cédée aux papes par tant d’empereurs, et patrimoine incontestable de l’Église.
La ligue de Venise et de Rome, et la haine que le pouvoir despotique de Frédéric inspire, engagent Crémone, Bergame, Brescia, Mantoue, Ferrare, et d’autres villes, à s’unir avec les Milanais. Toutes ces villes et les Romains prennent en même temps les armes.
Les Romains attaquent vers Tusculum une partie de l’armée impériale. Elle était commandée par un archevêque de Mayence très célèbre alors, nommé Christien, et par un archevêque de Cologne. C’était un spectacle rare de voir ces deux prêtres entonner une chanson allemande pour animer leurs troupes au combat.
Mais ce qui marquait bien la décadence de Rome, c’est que les Allemands, dix fois moins nombreux, défirent entièrement les Romains. Frédéric marche alors d’Ancône à Rome ; il l’attaque ; il brûle la ville Léonine ; et l’église de Saint-Pierre est presque consumée.
Le pape Alexandre s’enfuit à Bénévent. L’empereur se fait couronner avec l’impératrice Béatrix par son anti-pape Pascal dans les ruines de Saint-Pierre.
De là Frédéric revole contre les villes confédérées. La contagion qui désole son armée les met pour quelque temps en sûreté. Les troupes allemandes, victorieuses des Romains, étaient souvent vaincues par l’intempérance, et par la chaleur du climat.
1 – Ou mieux, Jochsamergott. (GA.)
2 – Les copistes de Voltaire avaient écrit par inadvertance Alexandre II. On a corrigé. (G.A.)
3 – Le cardinal Roland. (G.A.)
4 – Ou plutôt, Erfuth. (G.A.)1 -