ANNALES DE L'EMPIRE - CATALOGUE DES EMPEREURS - OTHON I ou LE GRAND - Partie 1 - Partie 17
ANNALES DE L’EMPIRE.
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CATALOGUE DES EMPEREURS
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(Partie 1)
OTHON I, ou LE GRAND,
Né le 22 novembre 916, empereur en 936, mort en 973, le 7 mai.
Ses femmes :
- Edith, fille d’Edouard, roi d’Angleterre ;
- Adélaïde, fille de Rodolphe II, roi de Bourgogne.
Ses enfants :
- Lutholf, duc de Souabe ;
- Luitgarde, femme d’un duc de Lorraine et de Franconie ;
- Othon second, dit le Roux, empereur ;
- Mathilde, abbesse de Quedlimbourg ;
- Adélaïde, mariée à un marquis de Montferrat ;
- Richilde, à un comte d’Enninguen ;
- Guillaume, archevêque de Mayence.
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OTHON Ier, surnommé LE GRAND,
DOUZIÈME EMPEREUR
(1)
936 – Voici enfin un empereur véritable. Les ducs et les comtes, les évêques, les abbés, et tous les seigneurs puissants qui se trouvent à Aix-la-Chapelle, élisent Othon, fils de Henri-l’Oiseleur. Il n’est pas dit que les députés des bourgs aient donné leurs voix. Il se peut faire que les grands seigneurs, devenus plus puissants sous Henri-l’Oiseleur, leur eussent ravi ce droit naturel : il se peut encore que les communes, à l’élection de Henri-l’Oiseleur, eussent donné leurs acclamations et non pas leurs suffrages ; et c’est ce qui est plus vraisemblable.
L’archevêque de Mayence annonce au peuple cette élection, le sacre, et lui met la couronne sur la tête. Ce qu’on peut remarquer, c’est que les prélats dînèrent à la table de l’empereur, et que les ducs de Franconie, de Souabe, de Bavière et de Lorraine, servirent à table, le duc de Franconie, par exemple, en qualité de maître-d’hôtel, et le duc de Souabe en qualité d’échanson. Cette cérémonie se fit dans une galerie de bois, au milieu des ruines d’Aix-la-Chapelle, brûlée par les Normands, et non encore rebâtie.
Les Huns et les Hongrois viennent encore troubler la fête. Ils s’avancent jusqu’en Vestphalie, mais on les repousse.
937 – La Bohême était alors entièrement barbare, et à moitié chrétienne. Heureusement pour Othon, elle est troublée par des guerres civiles. Il en profite aussitôt. Il rend la Bohême tributaire de la Germanie, et y rétablit le christianisme.
938 – 939 – 940 – Othon tâche de se rendre despotique, et les seigneurs des grands fiefs, de se rendre indépendants. Cette grande querelle, tantôt ouverte, tantôt cachée, subsiste dans les esprits depuis plus de huit cents années, ainsi que la querelle de Rome et de l’empire.
Cette lutte du pouvoir royal qui veut toujours croître, et de la liberté qui ne veut point céder, a longtemps agité toute l’Europe chrétienne. Elle subsista en Espagne tant que les chrétiens y eurent les Maures à combattre ; après quoi l’autorité souveraine prit le dessus. C’est ce qui troubla la France jusqu’au milieu du règne de Louis XI ; ce qui a enfin établi en Angleterre le gouvernement mixte auquel elle doit sa grandeur ; ce qui a cimenté en Pologne la liberté du noble et l’esclavage du peuple. Ce même esprit a troublé la Suède et le Danemark, a fondé les républiques de Suisse et de Hollande. La même cause a produit partout différents effets. Mais, dans les plus grands États, la nation a presque toujours été sacrifiée aux intérêts d’un seul homme ou de quelques hommes : la raison en est que la multitude, obligée de travailler pour gagner sa vie, n’a ni le temps ni le pouvoir d’être ambitieuse.
Le duc de Bavière refuse de faire hommage. Othon entre en Bavière avec une armée. Il réduit le duc à quelques terres allodiales. Il crée un des frères du comte palatin en Bavière, et un autre comte palatin vers le Rhin. Cette dignité de comte palatin est renouvelée des comtes du palais des empereurs romains, et des comtes du palais des rois francs.
Il donne la même dignité à un duc de Franconie. Ces palatins sont d’abord des juges suprêmes. Ils jugent en dernier ressort au nom de l’empereur. Ce ressort suprême de justice est, après une armée, le plus grand appui de la souveraineté.
Othon dispose à son gré des dignités et des terres. Le premier marquis de Brandebourg étant mort sans enfants, il donne le marquisat à un comte Gérard, qui n’était point parent du mort.
Plus Othon affecte le pouvoir absolu, plus les seigneurs des grands fiefs s’y opposent : et dès lors s’établit la coutume d’avoir recours à la France pour soutenir le gouvernement féodal en Germanie contre l’autorité des rois allemands.
Les ducs de Franconie, de Lorraine, le prince de Brunsvick, s’adressent à Louis-d’Outremer, roi de France. Louis d’Outremer entre dans la Lorraine et dans l’Alsace, et se joint aux alliés. Othon prévient le roi de France ; il défait vers le Rhin, auprès de Brisach, les ducs de Franconie et de Lorraine, qui sont tués.
Il ôte le titre de palatin à la maison de Franconie. Il en pourvoit la maison de Bavière : il attache à ce titre des terres et des châteaux. C’est de là que se forme le palatinat du Rhin d’aujourd’hui (1). C’était d’abord un juge, à présent c’est un prince électeur, un souverain. Le contraire est arrivé en France.
941 – Comme les seigneurs des grands fiefs germains avaient appelé le roi de France à leurs secours, les seigneurs de France appellent pareillement Othon. Il poursuit Louis-d’Outremer dans toute la Champagne : mais des conspirations le rappellent en Allemagne.
942 -943 -944 – Le despotisme d’Othon aliénait tellement les esprits, que son propre frère Henri duc dans une partie de la Lorraine, s’était uni avec plusieurs seigneurs pour lui ôter le trône et la vie. Il repasse donc en Allemagne, étouffe la conspiration, et pardonne à son frère, qui apparemment était assez puissant pour se faire pardonner.
Il augmente les privilèges des évêques et des abbés pour les opposer aux seigneurs. Il donne à l’évêque de Trèves le titre de prince et tous les droits régaliens. Il donne le duché de Bavière à son frère Henri, qui avait conspiré contre lui, et l’ôte aux héritiers naturels. C’est la plus grande preuve de son autorité absolue.
945 -946 – En ce temps la race de Charlemagne, qui régnait encore en France, était dans le dernier avilissement. On avait cédé en 912 la Neustrie proprement dite aux Normands, et même la Bretagne, devenue alors arrière-fief de la France.
Hugues, duc de l’Ile-de-France, du sang de Charlemagne par les femmes, père de Hugues Capet, gendre en premières noces d’Edouard Ier, roi d’Angleterre, beau-frère d’Othon par un second mariage, était un des plus puissants seigneurs de l’Europe, et le roi de France alors un des plus petits. Ce Hugues avait rappelé Louis-d’Outremer pour le couronner et pour l’asservir, et on l’appelait Hugues-le-Grand, parce qu’il s’était rendu puissant aux dépens de son maître.
Il s’était lié avec les Normands qui avaient fait le malheureux Louis-d’Outremer prisonnier. Ce roi, délivré de prison, restait presque sans villes et sans domaine. Il était aussi beau-frère d’Othon, dont il avait épousé la sœur. Il lui demande sa protection, en cédant tous ses droits sur la Lorraine.
Othon marche jusque auprès de Paris. Il assiège Rouen ; mais étant abandonné par le comte de Flandre, il s’en retourne dans ses États après une expédition inutile.
947 – 948 – Othon, n’ayant pu battre Hugues-le-Grand, le fait excommunier. Il convoque un concile à Trèves, où un légat du pape prononce la sentence, à la réquisition de l’aumônier d’Othon. Hugues n’en est pas moins le maître en France.
Il y avait, comme on a vu, un margrave à Slesvick dans la Chersonèse Cimbrique, pour arrêter les courses des Danois. Ils tuent le margrave. Othon y court en personne, reprend la ville, assure les frontières. Il fait la paix avec le Danemark, à condition qu’on y prêchera le christianisme.
949 – De là Othon va tenir un concile auprès de Mayence, à Ingelheim. Louis-d’Outremer, qui n’avait point d’armée, avait demandé au pape Agapet ce concile, faible ressource contre Hugues-le-Grand.
Des évêques germains, et Marin, le légat du pape, y parurent comme juges, Othon comme protecteur, et Louis, roi de France, en suppliant. Le roi Louis y demanda justice, et dit : « J’ai été reconnu roi par les suffrages de tous les seigneurs. Si on prétend que j’ai commis quelque crime qui mérite les traitements que je souffre, je suis prêt de m’en purger au jugement du concile, suivant l’ordre d’Othon, ou par un combat singulier. »
Ce triste discours prouve l’usage des duels, l’état déplorable du roi de France, la puissance d’Othon, et les élections des rois. Le droit du sang semblait n’être alors qu’une recommandation pour obtenir des suffrages. Hugues-le-Grand est cité à ce vain concile : on se doute bien qu’il n’y comparut point.
Ce qui n’est pas moins prouvé, c’est que l’empereur regardait tous les rois de l’Europe comme dépendants de sa couronne impériale ; c’est l’ancienne prétention de sa chancellerie, et on faisait valoir cette chimère, quand il se trouvait quelque malheureux roi assez faible pour s’y soumettre.
950 – Othon donne l’investiture de la Souabe, d’Augsbourg, de Constance, du Virtemberg, à son fils Ludolphe, sauf les droits des évêques.
1 – 1753. Il fut supprimé en 1801 par le traité de Lunéville. (G.A.)