ANNALES DE L'EMPIRE - CATALOGUE DES EMPEREURS - HENRI IV - Partie 3 - Partie 23

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Photo de PAPAPOUSS

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ANNALES DE L’EMPIRE.

 

 

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CATALOGUE DES EMPEREURS

 

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(Partie 3)

 

 

 

HENRI IV,

 

 

 

 

 

1080 – Pendant qu’on se bat en Allemagne, Grégoire VII, échappé aux Lombards, excommunie de nouveau Henri ; et par sa bulle du 7 mars  « Nous donnons, dit-il, le royaume teutonique à Rodolphe, et nous condamnons Henri à être vaincu. »

 

         Il envoie à Rodolphe une couronne d’or avec ce mauvais vers si connu :

 

Petra dedit Petro, Petrus diadema Rodolpho.

 

         Henri IV, de son côté, assemble trente évêques et quelques seigneurs allemands et lombards à Brixen, et dépose le pape pour la seconde fois aussi inutilement que la première.

 

         Bertrand, comte de Provence, se soustrait à l’obéissance des deux empereurs, et fait hommage au pape. La ville d’Arles reste fidèle à Henri.

 

         Grégoire VII se fortifie de la protection des princes normands, et leur donne une nouvelle investiture, à condition qu’ils défendront toujours les papes.

 

         Grégoire encourage Rodolphe et son parti, et leur promet que Henri mourra cette année. Mais dans la fameuse bataille de Mersebourg, Henri IV, assisté de Godefroi de Bouillon, fait retomber la prédiction du pape sur Rodolphe son compétiteur, blessé à mort par Godefroi même.

 

1081 – Henri se venge sur la Saxe, qui devient alors le pays le plus malheureux.

 

         Avant de partir de l’Italie, il donne sa fille Agnès au baron Frédéric de Stauffen, qui l’avait aidé, ainsi que Godefroi de Bouillon, à gagner la bataille décisive de Mersebourg. Le duché de Souabe est sa dot. C’est l’origine de l’illustre et malheureuse maison de Souabe.

 

         Henri vainqueur passe en Italie. Les places de la comtesse Mathilde lui résistent. Il amenait avec lui un pape de sa façon, nommé Guilbert : mais cela même l’empêche d’abord d’être reçu à Rome.

 

1082 – Les Saxons se font un fantôme d’empereur : c’est un comte Hermann à peine connu.

 

1083 – Henri assiège Rome, Grégoire lui propose de venir encore lui demander l’absolution, et lui promet de le couronner à ce prix. Henri pour réponse prend la ville. Le pape s’enferme dans le château Saint-Ange.

 

         Robert Guiscard vient à son secours, quoiqu’il eût eu aussi quelques années auparavant sa part des excommunications que Grégoire avait prodiguées. On négocie : on fait promettre au pape de couronner Henri.

 

         Grégoire, pour tenir sa promesse, propose de descendre la couronne du haut du château Saint-Ange avec une corde, et de couronner ainsi l’empereur.

 

1084 – Henri ne s’accommode point de cette plaisante cérémonie ; il fait introniser son anti-pape Guilbert, et est couronné solennellement par lui.

 

         Cependant Robert Guiscard ayant reçu de nouvelles troupes, cet aventurier normand force l’empereur à s’éloigner, tire le pape du château Saint-Ange, et l’emmène à Salerne, où Grégoire demeura jusqu’à sa mort prisonnier de ses libérateurs, mais toujours parlant en maître des rois, et en martyr de l’Église.

 

1085 – L’empereur retourne à Rome, s’y fait reconnaître lui et son pape, et se hâte de retourner en Allemagne, comme tous ses prédécesseurs, qui paraissaient n’être venus prendre Rome que par cérémonie. Les divisions de l’Allemagne le rappelaient : il fallait écraser l’anti-empereur, et dompter les Saxons ; mais il ne peut jamais avoir de grandes armées, ni par conséquent de succès entiers.

 

1086 – Il soumet la Thuringe ; mais la Bavière, soulevée par l’ingratitude de Guelfe, la moitié de la Souabe, qui ne veut point reconnaître son gendre, se déclarent contre lui ; et la guerre civile est dans toute l’Allemagne.

 

1087 – Grégoire VII étant mort, Didier, abbé du Mont-Cassin, est pape (1), sous le nom de Victor III. La comtesse Mathilde, fidèle à sa haine contre Henri IV, fournit des troupes à ce Victor, pour chasser de Rome la garnison de l’empereur et son pape Guilbert. Victor meurt, et Rome n’est pas moins soustraite à l’autorité impériale.

 

1088 – L’anti-empereur Hermann, n’ayant plus ni argent ni troupes, vient se jeter aux genoux de Henri IV, et meurt ensuite ignoré.

 

Henri IV épouse une princesse russe, veuve d’un marquis de Brandebourg, de la maison de Stade ; ce n’était pas un mariage de politique.

 

Il donne le marquisat de Misnie au comte de Lanzberg, l’un des plus anciens seigneurs saxons. C’est de ce marquis de Misnie que descend toute la maison de Saxe.

 

Ayant pacifié l’Allemagne, il repasse en Italie ; le plus grand obstacle qu’il y trouve est toujours cette comtesse Mathilde, remariée depuis peu avec le jeune Guelfe, fils de cet ingrat Guelfe à qui Henri IV avait donné la Bavière.

 

La comtesse soutient la guerre dans ses États contre l’empereur, qui retourne en Allemagne sans avoir presque rien fait.

 

Ce Guelfe, mari de la comtesse Mathilde, est, dit-on, la première origine de la faction des Guelfes, par laquelle on désigna depuis en Italie le parti des papes. Le mot de Gibelin fut longtemps depuis appliqué à la faction des empereurs, parce que Henri, fils de Conrad III, naquit à Ghibeling. Cette origine de ces deux mots de guerre est aussi probable et aussi incertaine que les autres.

 

1090 – Le nouveau pape Urbain II, auteur des Croisades, poursuit Henri IV avec non moins de vivacité que Grégoire VII.

 

         Les évêques de Constance et de Passau soulèvent le peuple. Sa nouvelle femme Adélaïde de Russie, et son fils Conrad, né de Berthe, se révoltent contre lui ; jamais empereur, ni mari, ni père, ne fut plus malheureux que Henri IV.

 

1091 – L’impératrice Adélaïde et Conrad son beau-fils passent en Italie. La comtesse Mathilde leur donne des troupes et de l’argent. Roger, duc de Calabre, marie sa fille à Conrad.

 

         Le pape Urbain, ayant fait cette puissante ligue contre l’empereur, ne manque pas de l’excommunier.

 

1092 – L’empereur, en partant d’Italie, avait laissé une garnison dans Rome ; il était encore maître du palais de Latran, qui était assez fort, et où son pape Guilbert était revenu.

 

         Le commandant de la garnison vend au pape la garnison et le palais. Geoffroy, abbé de Vendôme, qui était alors à Rome, prête à urbain II l’argent qu’il faut pour ce marché ; et Urbain II le rembourse par le titre de cardinal qu’il lui donne, à lui et à ses successeurs. Ainsi dans tous les gouvernements monarchiques, la vanité a toujours fait ses marchés avec l’avarice. Le pape Guibert s’enfuit.

 

1093 – 1094 – 1095 – Les esprits s’occupent pendant ces années, en Europe, de l’idée des croisades, que le fameux ermite Pierre prêchait partout avec un enthousiasme qu’il communiquait de ville en ville.

 

         Grand concile, ou plutôt assemblée prodigieuse à Plaisance en 1095. Il y avait plus de quarante mille hommes, et le concile se tenait en plein champ. Le pape y propose la croisade.

 

         L’impératrice Adélaïde et la comtesse Mathilde y demandent solennellement justice de l’empereur Henri IV.

 

         Conrad vient baiser les pieds d’Urbain II, lui prête serment de fidélité, et conduit son cheval par la bride. Urbain lui promet de le couronner empereur à condition qu’il renoncera aux investitures. Ensuite il le baise à la bouche, et mange avec lui dans Crémone.

 

1096 – La croisade ayant été prêchée en France avec plus de succès qu’à Plaisance, Gauthier-sans-Avoir, l’ermite Pierre, et un moine allemand nommé Godescald, prennent leur chemin par l’Allemagne, suivis d’une armée de vagabonds.

 

1097 – Comme ces vagabonds portaient la croix et n’avaient point d’argent, et que les Juifs, qui faisaient tout le commerce d’Allemagne, en avaient beaucoup, les croisés commencèrent leurs expéditions par eux à Vorms, à Cologne, à Mayence, à Trèves, et dans plusieurs autres villes ; on les égorge, on les brûle : presque toute la ville de Mayence est réduite en cendres par ces désordres.

 

         L’empereur Henri réprime ces excès autant qu’il le peut, et laisse les croisés prendre leur chemin par la Hongrie, où ils sont presque tous massacrés.

 

         Le jeune Guelfe se brouille avec sa femme Mathilde ; il se sépare d’elle, et cette brouillerie rétablit un peu les affaires de l’empereur.

 

1098 – Henri tient une diète à Aix-la-Chapelle, où il fait déclarer son fils Conrad indigne de jamais régner.

 

1099 – Il fait élire et couronner son second fils Henri, ne se doutant pas qu’il aurait plus à se plaindre du cadet que de l’aîné.

 

1100 – L’autorité de l’empereur est absolument détruite en Italie, mais rétablie en Allemagne.

 

1101 – Conrad le rebelle meurt subitement à Florence. Le pape Pascal II, auquel les faibles lieutenants de l’empereur en Italie opposaient en vain des anti-papes, excommunie Henri IV, à l’exemple de ses prédécesseurs.

 

1102 – La comtesse Mathilde, brouillée avec son mari, renouvelle sa donation à l’Église romaine.

 

         Brunon, archevêque de Trêves, primat des Gaules de Germanie, investi par l’empereur, va à Rome, où il est obligé de demander pardon d’avoir reçu l’investiture.

 

1104 – Henri IV promet d’aller à la Terre-Sainte ; c’était le seul moyen alors de gagner tous les esprits.

 

1105 – Mais, dans ce même temps, l’archevêque de Mayence et l’évêque de Constance, légats du pape, voyant que la croisade de l’empereur n’est qu’une feinte, excitent son fils Henri contre lui ; ils le relèvent de l’excommunication qu’il a, disent-il, encourue pour avoir été fidèle à son père. Le pape l’encourage ; on gagne plusieurs seigneurs saxons et bavarois.

 

         Les partisans du jeune Henri assemblent un concile et une armée. On ne laisse pas de faire dans ce concile des lois sages ; on y confirme ce qu’on appelle la trêve de Dieu, monument de l’horrible barbarie de ces temps-là. Cette trêve était une défense aux seigneurs et aux barons, tous en guerre les uns contre les autres, de se tuer les dimanches et les fêtes.

 

         Le jeune Henri proteste dans le concile qu’il est prêt de se soumettre à son père, si son père se soumet au pape. Tout le concile cria Kirie eleison, c’était la prière des armes et des conciles.

 

         Cependant ce fils révolté met dans son parti le marquis d’Autriche et le duc de Bohême. Les ducs de Bohême prenaient alors quelquefois le titre de roi, depuis que le pape leur avait donné la mitre.

 

         Son parti se fortifie ; l’empereur écrit en vain au pape Pascal, qui ne l’écoute pas. On indique une diète à Mayence pour apaiser tant de troubles.

 

         Le jeune Henri feint de se réconcilier avec son père ; il lui demande pardon les larmes aux yeux ; et l’ayant attiré près de Mayence. L’usurpateur dénaturé y est couronné ; mais il assure, en soupirant, que c’est malgré lui, et qu’il rendra la couronne à son père, dès que Henri IV sera obéissant au pape.

 

         On trouve, dans les Constitutions de Goldast (2), une lettre de l’empereur à son fils, par laquelle il le conjure de souffrir au moins que l’évêque de Liège lui donne un asile. « Laissez-moi, dit-il, rester à Liège, sinon en empereur, du moins en réfugié ; qu’il ne soit pas dit à ma honte, ou plutôt à la vôtre, que je sois forcé de mendier de nouveaux asiles dans le temps de Pâques. Si vous m’accordez ce que je vous demande, je vous en aurai une grande obligation : si vous me refusez, j’irai plutôt vivre en villageois dans les pays étrangers, que de marcher ainsi d’opprobre en opprobre dans un empire qui autrefois fut le mien. »

 

         Quelle lettre d’un empereur à son fils ! L’hypocrite et inflexible dureté de ce jeune prince rendit quelques partisans à Henri IV. Le nouvel élu voulant violer à Liège l’asile de son père fut repoussé Il alla demander en Alsace le serment de fidélité, et les Alsaciens, pour tout hommage, battirent les troupes qui l’accompagnaient, et le contraignirent de prendre la fuite ; mais ce léger échec ne fit que l’irriter et qu’aggraver les malheurs du père.

 

         L’évêque de Liège, le duc de Limbourg, le duc de la Basse-Lorraine, protégeaient l’empereur. Le comte de Hainaut était contre lui. Le pape Pascal écrit au comte de Hainaut : « Poursuivez partout Henri, chef des hérétiques, et ses fauteurs ; vous ne pouvez offrir à Dieu de sacrifices plus agréables. »

 

         Henri IV enfin, presque sans secours, prêt d’être forcé dans Liège, écrit à l’abbé de Cluny ; il semble qu’il méditât une retraite dans ce couvent. Il meurt à Liège le 7 août, accablé de douleur, et en s’écriant : « Dieu des vengeances, vous vengerez ce parricide ; » c’était une opinion aussi ancienne que vaine, que Dieu exauçait les malédictions des mourants, et surtout des pères ; erreur utile, si elle eût pu effrayer ceux qui méritaient ces malédictions.

 

         Le fils dénaturé de Henri IV vient à Liège, fait déterrer de l’église le corps de son père, comme celui d’un ex communié, et le fait porter à Spire dans une cave.

 

 

 

 

1 – Après un interrègne de deux ans. (G.A.)

 

 

2 – Déjà citées plus haut. Constitutionum impérialium collectie, 1673. (G.A.)

 

 

 

 

 

 

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