ANNALES DE L'EMPIRE - CATALOGUE DES EMPEREURS - CHARLEMAGNE - Partie 1
ANNALES DE L’EMPIRE.
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CATALOGUE DES EMPEREURS
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CHARLEMAGNE,
Né, dit-on, le 10 avril 742, empereur en 800, mort en 814.
Ses femmes :
- Hildegarde, fille de Childebrand, comte de Souabe ;
- Irmengarde, qu’on croit la même que Désidérate, fille de Didier, roi des Lombards ;
- Fastrade de Franconie ;
- Luitgarde de Souabe.
Ses concubines ou femmes du second rang :
- Ilmetrtrude ;
- Galienne ;
- Matalgarde ;
- Gersinde ;
- Regina ;
- Adélaïde ;
- Et plusieurs autres.
Ses enfants :
- Charles, roi d’Allemagne, mort en 771 ;
- Pépin, roi d’Italie, mort en 810, père de Bernard, roi d’Italie, tige de la maison de Vermandois, dépossédé, aveuglé, et mort en 818 ;
- Louis-le-Pieux, le Débonnaire ou le Faible, empereur ;
- Rotrude, fiancée à Constantin V, empereur d’Orient ;
- Berthe, mariée à un chancelier de Charlemagne ;
- Giselde, Tétrarde, Hiltrude, encloîtrées par Louis-le-Débonnaire ;
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CHARLEMAGNE,
PREMIER EMPEREUR.
(Partie 1)
742 – Naissance de Charlemagne, près d’Aix-la-Chapelle, le 10 avril. Il était fils de Pépin, maire du palais, duc des Francs, et petit-fils de Charles Martel. Tout ce qu’on connaît de sa mère, c’est qu’elle s’appelait Berthe. On ne sait pas même précisément le lieu de sa naissance. Il naquit pendant la tenue du concile de Germanie ; et, grâce à l’ignorance de ces siècles, on ne sait pas où ce fameux concile s’est tenu.
La moitié du pays qu’on nomme aujourd’hui Allemagne était idolâtre, des bords du Véser, et même du Mein et du Rhin, jusqu’à la mer Baltique, l’autre demi-chrétienne.
Il y avait déjà des évêques à Trèves, à Cologne, à Mayence, villes frontières fondées par les Romains et instruites par les papes. Mais ce pays s’appelait alors l’Austrasie, et était du royaume des Francs.
Un Anglais, nommé Villebrod, du temps du père de Charles Martel, était allé prêcher aux idolâtres de la Frise le peu de christianisme qu’il savait. Il y eut, vers la fin du septième siècle, un évêque titulaire de Vestphalie qui ressuscitait les petits enfants morts. Villebrod prit le vain titre d’évêque d’Utrecht. Il y bâtit une petite église que les Frisons païens détruisirent. Enfin, au commencement du huitième siècle, un autre Anglais, qu’on appela depuis Boniface, alla prêcher en Allemagne : on l’en regarde comme l’apôtre. Les Anglais étaient alors les précepteurs des Allemands ; et c’était aux papes que tous ces peuples, ainsi que les Gaulois, devaient le peu de lettres et de christianisme qu’ils connaissaient.
743 – Un synode à Lestine en Hainaut sert à faire connaître les mœurs du temps : on y règle que ceux qui ont pris les biens de l’Église pour soutenir la guerre, donneront un écu à l’Église par métairie : ce règlement regardait les officiers de Charles Martel et de Pépin son fils, qui jouirent jusqu’à leur mort des abbayes dont ils s’étaient emparés. Il était alors également ordinaire de donner aux moines et de leur ôter.
Boniface, cet apôtre de l’Allemagne, fonde l’abbaye de Fulde dans le pays de Hesse. Ce ne fut d’abord qu’une église couverte de chaume, environnée de cabanes habitées par quelques moines qui défrichaient une terre ingrate ; c’est aujourd’hui une principauté ; il faut être gentilhomme pour être moine ; l’abbé est souverain depuis longtemps, et évêque depuis 1753.
744 – Carloman, oncle de Charlemagne, duc d’Austrasie, réduit les Bavarois, vassaux rebelles du roi de France, et bat les Saxons dont il veut faire aussi des vassaux ; et il est constant que le royaume des Lombards en Italie était composé de fiefs, et même de fiefs héréditaires.
745 – En ce temps Boniface était évêque de Mayence. La dignité de métropole, attachée jusque-là au siège de Vorms, passe à Mayence.
Carloman, frère de Pépin, abdique le duché de l’Austrasie ; c’était un puissant royaume qu’il gouvernait sous le nom de maire du palais, tandis que son frère Pépin dominait dans la France occidentale, et que Childéric, roi de toute la France, pouvait à peine commander aux domestiques de sa maison. Carloman renonce à sa souveraineté pour aller se faire moine au Mont-Cassin. Les historiens disent encore que Pépin l’aimait tendrement ; mais il est vraisemblable que Pépin aimait encore davantage à dominer seul. Le cloître était alors l’asile de ceux qui avaient des concurrents trop puissants dans le monde.
745-748 – On renouvelle dans la plupart des villes de France l’usage des anciens Romains, connu sous le nom de patronage ou de clientelle. Les bourgeois se choisissent des patrons parmi les seigneurs, et cela seul prouve que les peuples n’étaient point partagés dans les Gaules, comme on l’a prétendu, en maîtres et en esclaves.
749 – Pépin entreprend enfin ce que Charles Martel son père n’avait pu faire. Il veut ôter la couronne à la race de Mérovée. Il mit d’abord l’apôtre Boniface dans son parti, avec plusieurs évêques, et enfin le pape Zacharie.
750 – Pépin fait déposer son roi Hildéric ou Childéric III ; il le fait moine à Saint-Bertin, et se met sur le trône des Francs.
Comme cette usurpation atroce irritait plusieurs seigneurs, il attire le clergé dans son parti ; il fonde le riche évêché de Vurtzbourg, dont le prélat se prétend duc de Franconie ; il appelle aux états-généraux, nommés parliaments (parliamenta), les évêques et les abbés, qui auparavant n’y venaient que très rarement et quand on les consultait.
751 – Pépin veut subjuguer les peuples nommés alors Saxons, qui s’étendaient depuis les environs du Mein jusqu’à la Chersonèse Cimbrique, et qui avaient conquis l’Angleterre. Le pape Etienne III demande la protection de Pépin contre Astolphe (1), roi de Lombardie, qui voulait se rendre maître de Rome. L’empereur de Constantinople était trop éloigné et trop faible pour le secourir ; et le premier domestique du roi de France, devenu usurpateur, pouvait seul le protéger.
754 – La première action connue de Charlemagne est d’aller de la part de Pépin, son père, au-devant du pape Etienne à Saint-Maurice en Valais et de se prosterner devant lui. C’était un usage d’Orient : on s’y mettait souvent à genoux devant les évêques, et ces évêques fléchissaient les genoux non-seulement devant les empereurs, mais devant les gouverneurs des provinces quand ceux-ci venaient prendre possession.
Pour la coutume de baiser les pieds, elle n’était point encore introduite dans l’Occident. Dioclétien avait le premier exigé, dit-on, cette marque de respect, en quoi il ne fut que trop imité par Constantin. Les papes Adrien Ier et Léon III furent ceux qui attirèrent au pontificat cet honneur que Dioclétien avait arrogé à l’empire ; après quoi les rois et les empereurs se soumirent comme les autres à cette cérémonie, qu’ils ne regardèrent que comme un acte de piété indifférent, quoique ridicule, et que les papes voulurent faire passer comme un acte de sujétion (2).
Pépin se fait sacrer roi de France par le pape, au mois d’auguste, dans l’abbaye de Saint-Denis ; il l’avait déjà été par Boniface ; mais la main d’un pape rendait aux yeux des peuples son usurpation plus respectable. Eginhard, secrétaire de Charlemagne, dit en termes exprès « qu’Hildéric fut déposé par ordre du pape Etienne. » Pépin n’est pas le premier roi de l’Europe qui se soit fait sacrer avec de l’huile à la manière juive : les rois lombards avaient pris cette coutume des empereurs grecs ; les ducs de Bénévent même se faisaient sacrer : ces cérémonies imposaient à la populace. Pépin eut soin de faire sacrer en même temps ses deux fils, Charles et Carloman. Le pape, avant de le sacrer roi, l’absout de son parjure envers Hildéric, son souverain ; et après le sacre, il fulmina une excommunication contre quiconque voudrait un jour entreprendre d’ôter la couronne à la famille de Pépin. C’est ainsi que les princes et les prêtres se sont souvent joués de Dieu et des hommes. Ni Hugues Capet ni Conrad n’ont pas eu un grand respect pour cette excommunication. Le nouveau roi, pour prix de la complaisance du pape, passe les Alpes avec Tassillon, duc de Bavière, son vassal. Il assiège Astolphe dans Pavie, et s’en retourne la même année sans avoir bien fait ni la guerre ni la paix.
755 – A peine Pépin a-t-il repassé les Alpes qu’Astolphe assiège Rome. Le pape Etienne conjure le nouveau roi de France de venir le délivrer. Rien ne marque mieux la simplicité de ces temps grossiers qu’une lettre que le pape fait écrire au roi de France par saint Pierre, comme si elle était descendue du ciel (3) ; simplicité pourtant qui n’excluait jamais ni les fraudes de la politique ni les attentats de l’ambition.
Pépin délivre Rome, assiège encore Pavie, se rend maître de l’exarchat et le donne, dit-on, au pape. C’est le premier titre de la puissance temporelle du saint-siège. Par là Pépin affaiblissait également les rois lombards et les empereurs d’Orient. Cette donation est bien douteuse, car les archevêques de Ravenne prirent alors le titre d’exarques. Il résulte que les évêques de Rome et de Ravenne voulaient s’agrandir. Il est très probable que Pépin donna quelques terres aux papes, et qu’il favorisait en Italie ceux qui affermissaient en France sa domination. S’il est vrai qu’il ait fait ce présent aux papes, il est clair qu’il donna ce qui ne lui appartenait pas ; mais aussi il avait pris ce qui ne lui appartenait pas. On ne trouve guère d’autre source des premiers droits : le temps les rend légitimes. Il faut avouer qu’en fait de donations comme de décrétales, la cour de Rome est un peu décriée ; témoin la fameuse donation de Constantin, rapportée dans l’Essai sur les mœurs et l’esprit des nations (4).
756 – Boniface, archevêque de Mayence, fait une mission chez les Frisons idolâtres ; il y reçoit le martyre. Mais comme les historiens disent qu’il fut martyrisé dans son camp, et qu’il y eut beaucoup de Frisons tués, il est à croire que les missionnaires étaient des soldats. Tassillon, duc de Bavière, fait un hommage de son duché au roi de France dans la forme des hommages de son duché au roi de France dans la forme des hommages qu’on a depuis appelés liges. Il y avait déjà de grands fiefs héréditaires, et la Bavière en était un.
Pépin défait encore les Saxons. Il paraît que toutes les guerres de ces peuples contre les Francs n’étaient guère que des incursions de Barbares qui venaient tour à tour enlever des troupeaux et ravager des moissons. Point de place forte, point de politique, point de dessein formé ; cette partie du monde était encore sauvage.
Pépin, après ses victoires, ne gagna que le paiement d’un ancien tribut de trois cent chevaux, auquel on ajouta cinq cents vaches : ce n’était pas la peine d’égorger tant de milliers d’hommes.
1 – Voltaire avait écrit Luitprand par inadvertance. On a corrigé. (G.A.)
2 – Comparez un passage du chapitre XIII de Essai sur les mœurs. (G.A.)
3 – Elle est citée dans l’Essai. Voyez chapitre XIII. (G.A.)
4 – Voyez chapitre X. (G.A.)