HISTOIRE DE RUSSIE - SECONDE PARTIE - Chapitre X - Partie 4

Publié le par loveVoltaire

Photo de PAPAPOUSS

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CHAPITRE X.

 

 

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(Partie 4)

 

 

 

CONDAMNATION DU PRINCE ALEXIS PÉTROVITZ.

 

 

 

 

 

 

          Rien ne fait mieux connaître la différence des temps et des lieux. Manlius aurait pu être condamné lui-même à mort par les lois d’Angleterre pour avoir fait périr son fils, et il fut respecté par les Romains sévères. Les lois ne punissent point en Angleterre l’évasion d’un prince de Galles, qui, comme pair du royaume, est maître d’aller où il veut. Les lois de la Russie ne permettent pas au fils du souverain de sortir du royaume malgré son père. Une pensée criminelle sans aucun effet ne peut être punie ni en Angleterre, ni en France ; elle peut l’être en Russie. Une désobéissance longue, formelle et réitérée, n’est, parmi nous, qu’une mauvaise conduite qu’il faut réprimer ; mais c’était un crime capital dans l’héritier d’un vaste empire, dont cette désobéissance même eût produit la ruine. Enfin, le czarovitz était coupable envers toute la nation de vouloir la replonger dans les ténèbres dont son père l’avait tirée.

 

        Tel était le pouvoir reconnu du czar, qu’il pouvait faire mourir son fils coupable de désobéissance sans consulter personne ; cependant il s’en remit au jugement de tous ceux qui représentaient la nation ; ainsi ce fut la nation elle-même qui condamna ce prince ; et Pierre eut tant de confiance dans l’équité de sa conduite, qu’en faisant imprimer et traduire le procès, il se soumit lui-même au jugement de tous les peuples de la terre.

 

         La loi de l’histoire ne nous a permis de rien déguiser, ni de rien affaiblir dans le récit de cette tragique aventure. On ne savait dans l’Europe qui on devait plaindre davantage, ou un jeune prince accusé par son père et condamné à la mort par ceux qui devaient être un jour ses sujets, ou un père qui se croyait obligé de sacrifier son propre fils au salut de son empire.

 

         On publia dans plusieurs livres que le czar avait fait venir d’Espagne le procès de don Carlos, condamné à mort par Philippe II ; mais il est faux qu’on eût jamais fait le procès à don Carlos. La conduite de Pierre Ier fut entièrement différente de celle de Philippe. L’Espagnol ne fit jamais connaître ni pour quelle raison il avait fait arrêter son fils, ni comment ce prince était mort. Il écrivit à ce sujet au pape et à l’impératrice des lettres absolument contradictoires. Le prince d’Orange, Guillaume, accusa publiquement Philippe d’avoir sacrifié son fils et sa femme à sa jalousie, et d’avoir moins été un juge sévère qu’un mari jaloux et cruel, un père dénaturé et parricide. Philippe se laissa accuser et garda le silence (1). Pierre, au contraire, ne fit rien qu’au grand jour, publia hautement qu’il préférait sa nation à son propre fils, s’en remit au jugement du clergé et des grands, et rendit le monde entier juge des uns et des autres et de lui-même.

 

         Ce qu’il y eut encore d’extraordinaire dans cette fatalité, c’est que la czarine Catherine, haïe du czarovitz, et menacée ouvertement du sort le plus triste si jamais ce prince régnait, ne contribua pourtant en rien à son malheur, et ne fut ni accusée, ni même soupçonnée par aucun ministre étranger résidant à cette cour d’avoir fait la plus légère démarche contre un beau-fils dont elle avait tout à craindre. Il est vrai qu’on ne dit point qu’elle ait demandé grâce pour lui ; mais tous les mémoires de ce temps-là, surtout ceux du comte de Bassevitz, assurent unanimement qu’elle plaignit son infortune.

 

        J’ai en main les mémoires d’un ministre public, où je trouve ces propres mots : « J’étais présent quand le czar dit au duc de Holstein que Catherine l’avait prié d’empêcher qu’on ne prononçât au czarovitz sa condamnation. Contentez-vous, me dit-elle, de lui faire prendre le froc, parce que cet opprobre d’un arrêt de mort signifié rejaillira sur votre petit-fils. »

 

         Le czar ne se rendit point aux prières de sa femme ; il crut qu’il était important que la sentence fût prononcée publiquement au prince, afin qu’après cet acte solennel il ne pût jamais revenir contre un arrêt auquel il avait acquiescé lui-même, et qui, le rendant mort civilement, le mettrait pour jamais hors d’état de réclamer la couronne.

 

         Cependant, après la mort de Pierre, si un parti puissant se fût élevé en faveur d’Alexis, cette mort civile l’aurait-elle empêché de régner ?

 

        L’arrêt fut prononcé au prince. Les mêmes mémoires m’apprennent qu’il tomba en convulsion à ces mots : « Les lois divines et ecclésiastiques, civiles et militaires condamnent à mort, sans miséricorde, ceux dont les attentats contre leur père et leur souverain sont manifestes. » Ces convulsions se tournèrent, dit-on, en apoplexie ; on eut peine à le faire revenir. Il reprit un peu ses sens, et dans cet intervalle de vie et de mort, il fit prier son père de venir le voir. Le czar vint ; les larmes coulèrent des yeux du père et du fils infortuné ; le condamné demanda pardon, le père pardonna publiquement. L’extrême-onction fut administrée solennellement au malade agonisant. Il mourut en présence de toute la cour le lendemain de cet arrêt funeste. Son corps fut porté d’abord à la cathédrale et déposé dans un cercueil ouvert. Il y resta quatre jours exposé à tous les regards, et enfin il fut inhumé dans l’église de la citadelle, à côté de son épouse. Le czar et la czarine assistèrent à la cérémonie.

 

        On est indispensablement obligé ici d’imiter, si on ose le dire, la conduite du czar, c’est-à-dire de soumettre au jugement du public tous les faits qu’on vient de raconter avec la fidélité la plus scrupuleuse, et non-seulement ces faits, mais les bruits qui coururent, et ce qui fut imprimé sur ce triste sujet par les auteurs les plus accrédités. Lamberti (2), le plus impartial de tous et le plus exact, qui s’est borné à rapporter les pièces originales et authentiques concernant les affaires de l’Europe, semble s’éloigner ici de cette impartialité et de ce discernement qui fait son caractère ; il s’exprime en ces termes : « La czarine, craignant toujours pour son fils, n’eut point de relâche qu’elle n’eût porté le czar à faire au fils aîné le procès, et à le faire condamner à mort ; ce qui est étrange, c’est que le czar, après lui avoir donné lui-même le knout, qui est une question, lui coupa aussi lui-même la tête. Le corps du czarovitz fut exposé en public, et la tête tellement adaptée au corps, que l’on ne pouvait pas discerner qu’elle en avait été séparée. Il arriva quelque temps après que le fils de la czarine vint à décéder, à son grand regret et à celui du czar. Ce dernier, qui avait décollé de sa propre main son fils aîné, réfléchissant qu’il n’avait point de successeur, devint de mauvaise humeur. Il fut informé dans ce temps-là que la czarine avait des intrigues secrètes et illégitimes avec le prince Menzikoff. Cela joint aux réflexions que la czarine était la cause qu’il avait sacrifié lui-même son fils aîné, il médita de faire raser la czarine et de l’enfermer dans un couvent, ainsi qu’il avait fait de sa première femme, qui y était encore. Le czar avait accoutumé de mettre ses pensées journalières sur des tablettes : il y avait mis sondit dessein sur la czarine. Elle avait gagné des pages qui entraient dans la chambre du czar. Un de ceux-ci, qui était accoutumé à prendre les tablettes sur la toilette pour les faire voir à la czarine, prit celles où il y avait le dessein du czar. Dès que cette princesse l’eut parcouru, elle en fit part à Menzikoff ; et, un jour ou deux après, le czar fut pris d’une maladie inconnue et violente qui le fit mourir. Cette maladie fut attribuée au poison, puisqu’on vit manifestement qu’elle était si violente et si subite, qu’elle ne pouvait venir que d’une telle source, qu’on dit être assez usitée en Moscovie. »

 

       Ces accusations, consignées dans les Mémoires de Lamberti, se répandirent dans toute l’Europe. Il reste encore un grand nombre d’imprimés et de manuscrits qui pourraient faire passer ces opinions à la dernière postérité.

 

        Je crois qu’il est de mon devoir de dire ici ce qui est parvenu à ma connaissance. Je certifie d’abord que celui qui dit à Lamberti l’étrange anecdote qu’il rapporte, était, à la vérité, né en Russie, mais non d’une famille du pays ; qu’il ne résidait point dans cet empire au temps de la catastrophe du czarovitz ; il en était absent depuis plusieurs années. Je l’ai connu autrefois ; il avait vu Lamberti dans la petite ville de Nyon, où cet écrivain était retiré, et où j’ai été souvent. Ce même homme m’a avoué qu’il n’avait parlé à Lamberti que des bruits qui couraient alors.

 

         Qu’on voie, par cet exemple, combien il était plus aisé autrefois à un seul homme d’en flétrir un autre dans la mémoire des nations, lorsque, avant l’imprimerie, les histoires manuscrites, conservées dans peu de mains, n’étaient ni exposées au grand jour, ni contredites par les contemporains, ni à la portée de la critique universelle, comme elles sont aujourd’hui. Il suffisait d’une ligne dans Tacite ou dans Suétone, et même dans les auteurs des légendes, pour rendre un prince odieux au monde, et pour perpétuer son opprobre de siècle en siècle.

 

         Comment se serait-il pu faire que le czar eût tranché de sa main la tête de son fils, à qui on donna l’extrême-onction en présence de toute la cour ? était-il sans tête quand on répandit l’huile sur sa tête même ? en quel temps put-on recoudre cette tête à son corps ? le prince ne fut pas laissé seul un moment depuis la lecture de son arrêt jusqu’à sa mort.

 

          Cette anecdote, que son père se servit du fer, détruit celle qu’il servit du poison. Il est vrai qu’il est très rare qu’un jeune homme expire d’une révolution subite causée par la lecture d’un arrêt de mort, et surtout d’un arrêt auquel il s’attendait ; mais enfin les médecins avouent que la chose est possible.

 

        Si le czar avait empoisonné son fils, comme tant d’écrivains l’ont débité, il perdait par là le fruit de tout ce qu’il avait fait pendant le cours de ce procès fatal pour convaincre l’Europe du droit qu’il avait de le punir : tous les motifs de la condamnation devenaient suspects, et le czar se condamnait lui-même : s’il eût voulu la mort d’Alexis, il eût fait exécuter l’arrêt ; n’en était-il pas le maître absolu ? Un homme prudent, un monarque sur qui la terre a les yeux, se résout-il à faire empoisonner lâchement celui qu’il peut faire périr par le glaive de la justice ? Veut-on se noircir dans la postérité par le titre d’empoisonneur et de parricide, quand on peut si aisément ne se donner que celui d’un juge sévère (3) ?

 

          Il paraît qu’il résulte de tout ce que j’ai rapporté que Pierre fut plus roi que père, qu’il sacrifia son propre fils aux intérêts d’un fondateur et d’un législateur, et à ceux de sa nation, qui retombait dans l’état dont il l’avait tirée, sans cette sévérité malheureuse. Il est évident qu’il n’immola point son fils à une marâtre et à l’enfant mâle qu’il avait d’elle, puisqu’il le menaça souvent de le déshériter avant que Catherine lui eût donné ce fils, dont l’enfance infirme était menacée d’une mort prochaine, et qui mourut en effet bientôt après. Si Pierre avait fait un si grand éclat uniquement pour complaire à sa femme, il eût été faible, insensé, et lâche ; et certes il ne l’était pas. Il prévoyait ce qui arriverait à ses fondations et à sa nation, si l’on suivait après lui ses vues. Toutes ses entreprises ont été perfectionnées selon ses prédictions ; sa nation est devenue célèbre et respectée dans l’Europe, dont elle était auparavant séparée ; et si Alexis eût régné, tout aurait été détruit. Enfin, quand on considère cette catastrophe, les cœurs sensibles frémissent, et les sévères approuvent.

 

          Ce grand et terrible évènement est encore si frais dans la mémoire des hommes, on en parle si souvent avec étonnement, qu’il est absolument nécessaire d’examiner ce qu’en ont dit les auteurs contemporains. Un de ces écrivains faméliques qui prennent hardiment le titre d’historien (4), parle ainsi dans son livre dédié au comte de Bruhl, premier ministre du roi de Pologne, dont le nom peut donner du poids à ce qu’il avance : « Toute la Russie est persuadée que le czarovitz ne mourut que du poison préparé par la main d’une marâtre. » Cette accusation est détruite par l’aveu que fit le czar au duc de Holstein, que la czarine Catherine lui avait conseillé d’enfermer dans un cloître son fils condamné.

 

       A l’égard du poison donné depuis par cette impératrice même à Pierre, son époux, ce conte se détruit lui-même par le seul récit de l’aventure du page et des tablettes. Un homme s’avise-t-il d’écrire sur ses tablettes : « Il faut que je me ressouvienne de faire enfermer ma femme ? »Sont-ce là de ces détails qu’on puisse oublier, et dont on soit obligé de tenir registre ? Si Catherine avait empoisonné son beau-fils et son mari, elle eût fait d’autres crimes : non-seulement on ne lui a jamais reproché aucune cruauté, mais elle ne fut connue que par sa douceur et par son indulgence.

 

        Il est nécessaire à présent de faire voir ce qui fut la première cause de la conduite d’Alexis, de son évasion, de sa mort, et de celle des complices qui périrent par la main du bourreau. Ce fut l’abus de la religion, ce furent des prêtres et des moines ; et cette source de tant de malheurs est assez indiquée dans quelques aveux d’Alexis que nous avons rapportés, et surtout dans cette expression du czar Pierre, dans une lettre à son fils : « Ces longues barbes pourront vous tourner à leur fantaisie (5). »

 

         Voici presque mot à mot comment les mémoires d’un ambassadeur à Pétersbourg expliquent ces paroles : « Plusieurs ecclésiastiques, dit-il, attachés à leur ancienne barbarie, et plus encore à leur autorité, qu’ils perdaient à mesure que la nation s’éclairait, languissaient après le règne d’Alexis, qui leur promettait de les replonger dans cette barbarie si chère. De ce nombre était Dozithée, évêque de Rostou. Il supposa une révélation de saint Démétrius. Ce saint lui était apparu, et l’avait assuré, de la part de Dieu, que Pierre n’avait pas trois mois à vivre ; qu’Eudoxie, renfermée dans le couvent de Susdal, et religieuse sous le nom d’Hélène, ainsi que la princesse Marie, sœur du czar, devait monter sur le trône, et régner conjointement avec son fils Alexis. Eudoxie et Marie eurent la faiblesse de croire cette imposture ; elles en furent si persuadées, qu’Hélène quitta, dans son couvent, l’habit de religieuse, reprit le nom d’Eudoxie, se fit traiter de majesté, et fit effacer des prières publiques le nom de sa rivale Catherine ; elle ne parut plus que revêtue des anciens habits de cérémonie que portaient les czarines. La trésorière du couvent se déclara contre cette entreprise. Eudoxie répondit hautement : Pierre a puni les strélitz, qui avaient outragé sa mère ; mon fils Alexis punira quiconque aura insulté la sienne. Elle fit renfermer la trésorière dans sa cellule. Un officier, nommé Etienne Glebo, fut introduit dans le couvent. Eudoxie en fit l’instrument de ses desseins, et l’attacha à elle par ses faveurs. Glebo répandit dans la petite ville de Susdal et dans les environs la prédiction de Dozithée. Cependant les trois mois s’écoulèrent. Eudoxie reproche à l’évêque que le czar est encore en vie. Les péchés de mon père en sont cause, dit Dozithée ; il est en purgatoire et il m’en a averti. Aussitôt Eudoxie fait dire mille messes des morts ; Dozithée l’assure qu’elles opèrent. Il vient au bout d’un mois lui dire que son père a déjà la tête hors du purgatoire ; un mois après le défunt n’en a plus que jusqu’à la ceinture : enfin il ne tient plus au purgatoire que par les pieds ; et quand les pieds seront dégagés, ce qui est le plus difficile, le czar Pierre mourra infailliblement.

 

          La princesse Marie, persuadée par Dozithée, se livra à lui à condition que le père du prophète sortirait incessamment du purgatoire, et que la prédiction s’accomplirait ; et Glebo continua son commerce avec l’ancienne czarine.

 

          Ce fut principalement sur la foi de ces prédictions que le czarovitz s’évada, et alla attendre la mort de son père dans les pays étrangers. Tout cela fut bientôt découvert. Dozithée et Glebo furent arrêtés ; les lettres de la princesse Marie à Dozithée, et d’Hélène à Glebo, furent lues en plein sénat.

 

       La princesse Marie fut enfermée à Schlusselbourg, l’ancienne czarine transférée dans un autre couvent où elle fut prisonnière.

 

          Dozithée et Glebo, tous les complices de cette vaine et superstitieuse intrigue, furent appliqués à la question, ainsi que les confidents de l’évasion d’Alexis. Son confesseur, son gouverneur, son maréchal de cour, moururent tous dans les supplices. »

 

          On voit donc à quel prix cher et funeste Pierre-le-Grand acheta le bonheur qu’il procura à ses peuples ; combien d’obstacles publics et secrets il eut à surmonter au milieu d’une guerre longue et difficile, des ennemis au-dehors, des rebelles au-dedans, la moitié de sa famille animée contre lui, la plupart des prêtres obstinément déclarés contre ses entreprises, presque toute la nation irritée longtemps contre sa propre félicité, qui ne lui était pas encore sensible ; des préjugés à détruire dans les têtes, le mécontentement à calmer dans les cœurs. Il fallait qu’une génération nouvelle, formée par ses soins, embrassât enfin les idées de bonheur et de gloire que n’avaient pu supporter leurs pères (6).

 

 

1 – Voyez, dans l’Essai sur les mœurs, chapitre CLXVI, notre note sur la mort de don Carlos. (G.A.)

 

2 – Dans ses Mémoires pour servir à l’histoire du dix-huitième siècle, 1724-1740. (G.A.)

 

3 – En 1748, dans ses Anecdotes sur Pierre-le-Grand, qu’on trouvera à la suite de cette histoire, Voltaire avait dit sans tant de phrases : « Ce qui est certain c’est que son fils mourut dans son lit, le lendemain de l’arrêt, et que le czar avait à Moscou une des plus belles apothicaireries de l’Europe. » Le comte Bruce raconte dans ses Mémoires qu’il fut chargé de commander au droguiste une vion forte. (G.A.)

 

4 – Mauvillon, auteur d’une Histoire de Pierre Ier, 1742. (G.A.)

 

5 – Ces longues barbes pouvaient signifier également ceux des Russes qui, malgré la loi tyrannique et ridicule du czar, n’avaient pas voulu se faire raser ; mais il est certain que les prêtres entrèrent pour beaucoup dans les dissensions de la famille duc czar. (K.)

 

6 – Cette histoire a été écrite d’après des mémoires et des pièces originales envoyés de Russie. On voit que le czar a fait condamner son fils par des esclaves dont la bassesse et la barbare hypocrisie est prouvée par le style même de la sentence. Le czarovitz mourut presque subitement le lendemain de sa condamnation. Quelle fut précisément la cause de sa mort ? c’est ce qu’il est difficile de savoir. Mais si le czar voulait conserver la vie à son fils, et se contenter de le priver de la succession au trône, quelle plate et abominable comédie que cette condamnation à mort ! quelle cruauté dans la lecture de cette sentence au malheureux czarovitz ! Cette conduite du czar, qui aurait causé la mort de son fils, serait moins criminelle sans doute que l’assassinat juridique ou l’empoisonnement d’Alexis ; mais elle serait plus odieuse et plus méprisable.

 

On pourrait proposer cette question : Est-il permis à un despote de faire périr son successeur naturel lorsqu’il le croit imbécile ? Mais cette question n’en peut être une que pour ceux qui regarderaient le despotisme comme un gouvernement légitime. (K.)

 

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