HISTOIRE DE RUSSIE - PREMIÈRE PARTIE - Chapitre I - Partie 5
HISTOIRE DE RUSSIE.
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DESCRIPTION DE LA RUSSIE.
SMOLENSKO.
A l’occident du duché de Moscou est celui de Smolensko, partie de l’ancienne Sarmatie européane. Les duchés de Moscovie et de Smolensko composaient la Russie blanche proprement dite Smolensko, qui appartenait d’abord aux grands-ducs de Russie, fut conquise par le grand-duc de Lithuanie au commencement du quinzième siècle, reprise cent ans après par ses anciens maîtres. Le roi de Pologne, Sigismond III, s’en empara en 1611. Le czar Alexis, père de Pierre, la recouvra en 1654 ; et depuis ce temps elle a fait toujours partie de l’empire de Russie. Il est dit dans l’éloge du czar Pierre, prononcé à Paris dans l’Académie des sciences (1), que les Russes, avant lui, n’avaient rien conquis à l’occident et au midi : il est évident qu’on s’est trompé.
1 – Par Fontenelle. (G.A.)
DES GOUVERNEMENTS DE NOVOGOROD
ET DE KIOVIE OU UKRAINE
Entre Pétersbourg et Smolensko est la province de Novogorod. On dit que c’est dans ce pays que les anciens Slaves, ou Slavons, firent leur premier établissement. Mais d’où venaient ces Slaves, dont la langue s’est étendue dans le nord-est de l’Europe ? Sla signifie un chef, et esclave, appartenant au chef (1). Tout ce qu’on sait de ces anciens Slaves, c’est qu’ils étaient des conquérants. Ils bâtirent la ville de Novogorod la grande, située sur une rivière navigable dès sa source, laquelle jouit longtemps d’un florissant commerce, et fut une puissante alliée des villes anséatiques. Le czar Ivan Basilovitz (2) la conquit en 1467, et en emporta toutes les richesses, qui contribuèrent à la magnificence de la cour de Moscou, presque inconnue jusqu’alors.
Au midi de la province de Smolensko, vous trouvez la province de Kiovie, qui est la petite Russie, avec une partie de la Russie rouge, ou l’Ukraine, traversée par le Dnieper, que les Grecs ont appelé Borysthène. La différence de ces deux noms, l’un dur à prononcer, l’autre mélodieux, sert à faire voir, avec cent autres preuves, la rudesse de tous les anciens peuples du Nord, et les grâces de la langue grecque. La capitale, Kiou, autrefois Kisovie, fut bâtie par les empereurs de Constantinople, qui en firent une colonie : on y voit encore des inscriptions grecques de douze cents années : c’est la seule ville qui ait quelque antiquité dans ces pays où les hommes ont vécu tant de siècles sans bâtir des murailles. Ce fut là que les grands-ducs de Russie firent leur résidence dans l’onzième siècle, avant que les Tartares asservissent la Russie.
Les Ukrainiens, qu’on nomme Cosaques, sont un ramas d’anciens Roxelans, de Sarmates, de Tartares réunis. Cette contrée faisait partie de l’ancienne Scythie. Il s’en faut beaucoup que Rome et Constantinople, qui ont dominé sur tant de nations, soient des pays comparables pour la fertilité à celui de l’Ukraine. La nature s’efforce d’y faire du bien aux hommes ; mais les hommes n’y ont pas secondé la nature ; vivant des fruits que produit une terre aussi inculte que féconde, et vivant encore plus de rapines ; amoureux à l’excès d’un bien préférable à tout, la liberté, et cependant ayant servi tour à tour la Pologne et la Turquie. Enfin, ils se donnèrent à la Russie, en 1654, sans trop se soumettre ; et Pierre les a soumis.
Les autres nations sont distinguées par leurs villes et leurs bourgades. Celle-ci est partagée en dix régiments. A la tête de ces dix régiments était un chef élu à la pluralité des voix, nommé hetman ou itman. Ce capitaine de la nation n’avait pas le pouvoir suprême. C’est aujourd’hui un seigneur de la cour que les souverains de Russie leur donnent pour hetman ; c’est un véritable gouverneur de province, semblable à nos gouverneurs de ces pays d’Etat qui ont encore quelques privilèges.
Il n’y avait d’abord dans ce pays que des païens et des mahométans ; ils ont été baptisés chrétiens de la communion romaine quand ils ont servi la Pologne ; et ils sont aujourd’hui baptisés chrétiens de l’église grecque depuis qu’ils sont à la Russie.
Parmi eux sont compris ces Cosaques zaporaviens, qui sont à peu près ce qu’étaient nos flibustiers, des brigands courageux. Ce qui les distingue de tous les autres peuples, c’est qu’ils ne souffrent jamais de femmes dans leurs peuplades, comme on prétend que les Amazones ne souffraient point d’hommes chez elles. Les femmes qui leur servent à peupler demeurent dans d’autres îles du fleuve : point de mariage, point de famille : ils enrôlent les enfants mâles dans leurs milices, et laissent les filles à leurs mères. Souvent le frère a des enfants de sa sœur, et le père de sa fille. Point d’autres lois chez eux que les usages établis par les besoins : cependant ils ont quelques prêtres du rite grec. On a construit depuis quelque temps le fort Sainte-Elisabeth, sur le Borysthène, pour les contenir. Ils servent dans les armées comme troupes irrégulières ; et malheur à qui tombe dans leur mains !
1 – Slaves vient de slava (la gloire) et veut dire hommes illustres. (G.A.)
2 – En russe, Iwan Wassiliewitsch.