HISTOIRE DE L'ÉTABLISSEMENT DU CHRISTIANISME - 1776 - Partie 22

Publié le par loveVoltaire

HISTOIRE DE L'ÉTABLISSEMENT DU CHRISTIANISME - 1776 - Partie 22

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CHAPITRE XI.

 

De l’abus étonnant des mystères chrétiens.

 

 

 

 

          Les sociétés chrétiennes étant partagées dans les premiers siècles en plusieurs Eglises, différentes de pays, de mœurs, de rites, de langage, d’étranges infamies se glissèrent dans plusieurs de ces Eglises. On ne les croirait pas si elles n’étaient attestées par un saint au-dessus de tout soupçon, saint Epiphane, Père de l’Eglise du quatrième siècle, celui-là même qui s’éleva avec tant de force contre l’idolâtrie des images, déjà introduites dans l’Eglise. Il fait éclater son indignation contre plusieurs sociétés chrétiennes qui mêlaient, dit-il, à leurs cérémonies religieuses les plus abominables impudicités. Nous rapportons ses propres paroles.

 

          « Pendant leur synaxe (c’est-à-dire pendant la messe de ce temps-là) les femmes chatouillent les hommes de la main, et leur font répandre le sperme qu’elles reçoivent. Les hommes en font autant aux jeunes gens, tous élèvent leurs mains remplies de ce … sperme, et disent à Dieu le père : Nous t’offrons ce présent qui est le corps du Christ ; c’est là le corps du Christ. Ensuite ils l’avaient, et répètent : C’est le corps du Christ, c’est la pâque ; c’est pourquoi nos corps souffrent tout cela pour manifester les souffrances du Christ.

 

          Quand une femme de l’Eglise a ses ordinaires, ils prennent de son sang et le mangent, et ils disent : C’est le sang du Christ ; car ils ont lu dans l’Apocalypse ces paroles : J’ai vu un arbre qui porte du fruit douze mois de l’année, et qui est l’arbre de vie : ils en ont conclu que cet arbre n’est autre chose que les menstrues des femmes. Ils ont en horreur la génération ; c’est pourquoi ils ne se servent que de leurs mains pour se donner du plaisir, et ils avalent leur propre sperme. S’il en tombe quelques gouttes dans la vulve d’une femme, ils la font avorter ; ils pilent le fœtus dans un mortier, et le mêlent avec de la farine, du miel, et du poivre, et prient Dieu en le mangeant. »

 

          L’évêque Epiphane, continuant ses accusations contre d’autres chrétiens, dit qu’ils assistent tout nus à la synaxe (à la messe), qu’ils y commettent l’acte de sodomie sur les garçons et sur les filles, qu’ils mettent la partie virile tantôt dans le derrière et tantôt dans la bouche, qu’ils consomment ce sacrifice, tantôt dans l’un, et tantôt dans l’autre, etc., etc., etc.

 

          Il est vrai que ceux à qui l’évêque reproche ces épouvantables infamies sont appelés par lui hérétiques ; mais enfin ils étaient chrétiens. Et le sénat romain, ni les proconsuls des provinces, ne pouvaient savoir e que c’est qu’une hérétique et une erreur dans la foi. Il n’est donc pas surprenant qu’ils aient quelquefois défendu ces assemblées secrètes, accusées par des évêques mêmes de crimes si énormes.

 

          A Dieu ne plaise qu’on reproche à toutes les sociétés chrétiennes des premiers siècles ces infamies, qui n’étaient le partage que de quelques énergumènes. Comme on allégorisait tout, on leur avait dit que Jésu était le second Adam. Cet Adam fut le premier homme selon le peuple juif. Il marchait tout nu aussi bien que sa femme. De là ils conclurent qu’on devait prier Dieu tout nu. Cette nudité donna lieu à toutes les impuretés auxquelles la nature s’abandonne, quand, loin d’être retenue, elle s’autorise de la superstition.

 

          Si de pieux chrétiens ont fait ces reproches à d’autres chrétiens qui se croyaient pieux aussi au milieu de leurs ordures, ne soyons donc pas étonnés que les Romains et les Grecs aient imputé aux chrétiens des repas de Thyeste, des noces d’Œdipe, et des amours de Giton.

 

          N’accusons pas non plus les Romains d’avoir voulu calomnier les chrétiens en leur reprochant d’avoir adoré une tête d’âne. Ils confondaient ces chrétiens demi-Juifs avec les vrais Juifs qui exerçaient le courtage et l’usure dans tout l’empire. Quand Pompée, Crassus, Sosius, Titus, entrèrent dans le temple de Jérusalem avec leurs officiers, ils y virent des chérubins, animaux à deux têtes, ‘une de veau, et l’autre de garçon. Les Juifs devaient être de très mauvais sculpteurs, puisque la loi, à laquelle ils avaient faiblement dérogé, leur défendait la sculpture. Les têtes de veau ressemblèrent à des têtes d’âne, et les Romains furent très excusables de croire que les Juifs, et par conséquent les chrétiens confondus avec les Juifs, révéraient un âne, ainsi que les Egyptiens avaient consacré un bœuf et un chat.

 

          Sortons maintenant du temple de Jérusalem, où deux veaux ailés furent pris pour des ânons ; sortons de la synaxe de quelques chrétiens, où l’on se livrait à tant d’impuretés, et entrons un moment dans la bibliothèque des Pères.

 

 

1 – Ce sont les gnostiques qu’Epiphane accuse. (G.A.)

 

 

 

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