HISTOIRE DE L'ÉTABLISSEMENT DU CHRISTIANISME - 1776 - Partie 19

Publié le par loveVoltaire

HISTOIRE DE L'ÉTABLISSEMENT DU CHRISTIANISME - 1776 - Partie 19

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CHAPITRE VIII.

 

De Saul, dont le nom fut changé en Paul.

 

 

 

 

          Le premier qui sembla profiter de la tolérance extrême des Romains envers toutes les religions, pour commencer à donner quelque forme à la nouvelle secte des galiléens, est ce Saul-Paul, qui se dit une fois citoyen romain, et qui, selon Hiéronyme ou Jérôme, était natif du village de Giscala en Galilée. On ne sait pourquoi il changea son nom de Saul en Paul (1). Saint Jérôme, dans son commentaire de l’Epître de Paul à Philémon, dit que ce mot de Paul signifie l’embouchure de la flûte ; mais il paraît qu’il battait le tambour contre Jésu et sa troupe. Saul était alors petit valet du docteur Gamaliel, successeur d’Hillel, et l’un des chefs du sanhédrin. Paul apprit sous son maître un peu de fatras rabbinique. Son caractère était ardent, hautain, fanatique et cruel. Il commença par lapider le nazaréen Etienne, partisan de Jésu le crucifié ; et il est marqué dans les Actions des apôtres, qu’il gardait les manteaux des Juifs, qui comme lui assommaient Etienne à coups de pierres.

 

          Abdias, l’un des premiers disciples de Jésu, et prétendu évêque de Babylone (comme s’il y avait eu alors des évêques), assure dans son Histoire apostolique que saint Paul ne s’en tint pas à l’assassinat de saint Etienne, et qu’il assassina encore saint Jacques-le Mineur, Oblia, ou le Juste, propre frère de Jésu, que l’ignorance fait premier évêque de Jérusalem. Rien n’est plus vraisemblable que ce meurtre nouveau fut commis par Saul, puisque le livre des Actions des apôtres dit expressément que Saul respirait le sang et le carnage. (Chapitre IX, V. 1.)

 

          Il porta la violence de son caractère dans la nouvelle faction où il entra. On le voit courir comme un forcené de ville en ville ; il se brouille avec presque tous les apôtres ; il se fait moquer de lui dans l’aréopage d’Athènes. S’étant accoutumé à être renégat, il va faire une espèce de neuvaine avec des étrangers dans le temple de Jérusalem, pour montrer qu’il n’est pas du parti de Jésu. Il judaïse après s’être fait chrétien et apôtre ; et ayant été reconnu, il aurait été lapidé à son tour comme Etienne, dont il fut l’assassin, si le gouverneur Festus ne l’avait sauvé en lui disant qu’il était un fou (2).

 

          Sa figure était singulière. Les actes de sainte Thècle le peignent gros, court, la tête chauve, le nez gros et long, les sourcils épais et joints, les jambes torses. C’est le même portrait qu’en fait Lucien dans son Philopatris (3) ; et cependant sainte Thècle le suivait partout déguisée en homme. Telle est la faiblesse de bien des femmes, qu’elles courent après un mauvais prédicateur accrédité, quelque laid qu’il soit, plutôt qu’après un jeune homme aimable. Enfin ce fut ce Paul qui attira le plus de prosélytes à la secte nouvelle.

 

          Il n’y eut de son temps ni rite établi ni dogme reconnu. La religion chrétienne était commencée, et non formée ; ce n’était encore qu’une secte de Juifs révoltés contre les anciens Juifs.

 

          Il paraît que Paul acquit une grande autorité sur la populace, à Thessalonique, à Philippes, à Corinthe, par sa véhémence, par son esprit impérieux, et surtout par l’obscurité de ses discours emphatiques, qui subjuguent le vulgaire d’autant plus qu’il n’y comprend rien.

 

          Il annonce la fin du monde au petit troupeau des Thessaloniciens. Il leur dit qu’ils iront avec lui les premiers dans l’air au-devant de Jésu, qui viendra dans les nuées pour juger le monde : il dit qu’il le tient de la bouche de Jésu même, lui qui n’avait jamais vu Jésu, et qui n’avait connu ses disciples que pour les lapider. Il se vante d’avoir été déjà ravi au troisième ciel ; mais il n’ose jamais dire que Jésu soit Dieu, encore moins qu’il y ait une trinité en Dieu. Ces dogmes, dans les commencements, eussent paru blasphématoires, et auraient effarouché tous les esprits. Il écrit aux Juifs de Rome : « Si, par le délit d’un seul homme, plusieurs sont morts, la grâce et le don de Dieu ont plus abondé par un seul homme qui est Jésu-Christ… A Dieu, seul sage, honneur et gloire par Jésu-Christ. » Enfin il est avéré, par tous les monuments de l’antiquité, que Jésus ne se dit jamais Dieu, et que les platoniciens d’Alexandrie furent ceux qui enhardirent enfin les chrétiens à franchir cet espace infini, et qui apprirent aux hommes à se familiariser avec des idées, dont le commun des esprits devait être révolté.

 

 

 

1 – Paul, dit M. Renan, est le nom de Saül latinisé. (G.A.)

 

2 – Roman satirique de Swift. (G.A.)

 

3 – Le Philopatris, avons-nous déjà dit, n’est pas de Lucien. (G.A.)

 

 

 

 

 

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